L’usine Alteo de Gardanne est à vendre !
Contrairement à ce qu'esquissait son patron en janvier, l'usine d'alumine de Gardanne, actuellement en redressement judiciaire, aura du mal à se remettre de ses difficultés sans un sauvetage externe. Les administrateurs judiciaires viennent de publier "appel à partenariats et/ou recherche de candidats pour projet de cession". La CGT compte interpeller le gouvernement sur le sort de cette industrie stratégique détenue par un fonds américain.
L'usine Altéo, située à Gardanne
Les premières lignes de l’annonce donnent une idée de l’enjeu économique mais aussi social : “Effectif total : 511 salariés”, “Chiffre d’affaires 2019 : 228 M€”, “70 % de l’activité se réalise à l’international”. Usine emblématique de Gardanne, plus que centenaire et associée à la mobilisation écologiste contre les rejets de boues rouges, Alteo est à vendre. Le 29 mai, les administrateurs judiciaires de l’entreprise ont publié un “appel à partenariats et/ou recherche de candidats pour projet de cession”. Autrement dit une entrée au capital ou une vente complète, à la barre du tribunal de commerce de Marseille. Les offres peuvent être déposées jusqu’au 24 juillet et l’audience du tribunal marquant la fin de la période d’information se tiendra le 12 septembre.
Philippe Jeannerot et Frédéric Avazéri agissent dans le cadre de la procédure de redressement judiciaire ouverte en décembre 2019. À la surprise générale, y compris des représentants du personnel, les dirigeants avaient alors déclaré la cessation de paiement, au motif d’“un fort ralentissement des ventes depuis l’été, qui s’est encore accéléré en novembre, créant une difficulté de trésorerie”. Ces mots du président Frédéric Ramé laissaient pourtant croire à une difficulté conjoncturelle, ce qu’il avait confirmé en janvier lors d’une audience au tribunal de commerce : “L’idée est de revenir à la normale sous trois mois. (…) Je ne peux pas vous cacher qu’il y a une incertitude et une absence de visibilité, mais les signaux sont plutôt rassurants.”
Besoin de “capitaux pour supporter les aléas du marché”
L’appel à repreneurs signifie à l’inverse que l’usine a besoin d’un sauvetage venu de l’extérieur. La crise liée à la pandémie de Covid-19 a-t-elle été décisive dans cette évolution ? Les administrateurs judiciaires n’ont pas répondu à nos sollicitations et la société s’en est tenue à cette réponse écrite et générale sur sa situation :
“Dans le contexte actuel de crise sanitaire, notre priorité a été et est toujours d’assurer la protection de la santé et de la sécurité de l’ensemble de nos salariés et sous-traitants. Grâce à l’ensemble des mesures qui ont été prises en concertation très étroite avec les représentants des salariés, nous avons réussi à poursuivre, à un rythme ralenti, la production d’alumine.”
Pour le délégué CGT Harold Perillous, “la crise n’a pas été en soi un déclencheur malgré quelques annulations de commandes notamment en Italie. Le cash est à la hauteur des attentes des administrateurs judiciaires”. La démarche des administrateurs lui semble “logique à partir du moment où le propriétaire actuel ne souhaite pas recapitaliser”. Si l’exploitation est bénéficiaire depuis plusieurs années et devrait encore l’être à hauteur de 9 millions d’euros en 2019, Alteo a besoin “de capitaux pour supporter les aléas du marché”.
“80 % des besoins français en alumine de spécialité”
Historiquement intégrée à des grands groupes miniers (Pechiney puis RioTinto), un temps nationalisée, l’usine a pris le nom d’Alteo lors de son rachat par le fonds HIG capital, basé à Miami. “On sort d’un grand groupe, on est une PME, on savait qu’on était fragiles”, soulignait déjà Bruno Arnoux, secrétaire FO du comité social et économique, lors de l’annonce du redressement judiciaire. Un isolement d’autant plus net, si jamais l’absence de volonté de l’actionnaire d’amortir les difficultés de son entreprise se confirmait. Son antenne à Paris n’est pas revenue vers nous dans les délais impartis à la publication de cet article.
Alors que le bassin d’emploi de Gardanne est déjà menacé par la fermeture programmée de l’unité charbon de la centrale thermique, la CGT compte interpeller le gouvernement “qui a fait de belles allocutions sur la nécessité de conserver une production stratégique en France”, d’autant plus qu’Alteo a “réussi sa transformation” commerciale. L’usine est aussi en voie de mise aux normes environnementales pour ses rejets liquides en mer au large de Cassis, mais doit encore trouver une solution crédible pour ses déchets solides, aujourd’hui stockés à terre sur la colline de Mange-Garri, à Bouc-Bel-Air.
Couplée à un centre de recherche et développement lui aussi situé à Gardanne, l’usine se concentre sur les alumines de spécialité, des produits utilisés par des secteurs comme l’automobile, l’aéronautique, le bâtiment ou la téléphonie. Elle fournit “80 % des besoins français en alumine de spécialité”, glissent d’ailleurs les administrateurs judiciaires dans l’appel à repreneur. En mars 2019, l’inauguration de deux équipements réunissait pas moins de six élus, le représentant du préfet et le président de la chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence. Jean-Luc Chauvin vantait alors un “fleuron”, emblème du “made in Provence”. Mais propriété américaine.
Commentaires
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Voilà un cas d’école qui permettra de mettre à l’épreuve les grands discours de “l’Etat stratège” (qui ne l’est plus depuis longtemps) sur la nécessité de la souveraineté économique du pays.
L’histoire était d’ailleurs écrite d’avance : quand un fonds financier détient une entreprise, c’est rarement pour assurer son développement à long terme, mais plutôt pour en tirer du cash à court terme puis la revendre rapidement, si possible avec une plus-value.
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Alteo faisait surtout l’objet d’articles sur la pollution écologique. Il faut relire ‘La guerre des métaux rares’ pour comprendre la suite : après la perte de la production de matière première, c’est tout la chaine industrielle et commerciale qui disparait. C’est ce qui explique que la pollution planétaire augmente (c’est fait en pire, mais ailleurs) tout en détruisant notre économie.
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“l’usine se concentre sur les alumines de spécialité, des produits utilisés par des secteurs comme l’automobile, l’aéronautique, le bâtiment ou la téléphonie. Elle fournit « 80 % des besoins français en alumine de spécialité” Excellente raison pour NATIONALISER cette entreprise stratégique En aucun cas les dirigeants étasuniens sont dignes de confiance pas plus que les nôtres d’ailleurs Cf Alstom
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