Le Festival de Marseille dans la tourmente du harcèlement moral
Le Festival de Marseille dans la tourmente du harcèlement moral
Sale temps pour le Festival de Marseille. Avec 16 représentations annulées sur 24 pour cette 19e édition, il est l'un des festivals d'été les plus durement touchés par le mouvement des intermittents du spectacle. Mais alors que la semaine dernière, la directrice du festival Apolline Quintrand qualifiait le mouvement de "conflit presque fraticide", Valentin Lagares, journaliste culturel et critique de danse signait des tweets pour le moins édifiants :
Lors d'une conférence de presse organisée la semaine dernière, la directrice a pourtant insisté sur le caractère "exemplaire" du festival, "aux conditions de travail telles que depuis ses débuts il n'y a jamais eu le moindre accident". Quid cependant d'éventuels "incidents" avec le personnel ? Marsactu s'est procuré l'arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence rendu le 6 février 2014, défavorable pour le Festival de Marseille. Il atteste bien de la condamnation révélée par le journaliste culturel. Même si celle-ci ne relève pas du délit de harcèlement moral tel que le définit le code pénal. C'est devant la juridiction civile des prud'hommes que la plaignante a fait valoir ses droits en 2012, pour que sa cessation d'activité soit reconnue comme un licenciement plutôt que comme une démission.
Alors que la structure avait gagné en première instance, la cour d'appel "condamne l'association Festival de Marseille" pour des faits de "harcèlement moral" à l'encontre d'une ancienne salariée qui ne souhaite pas qu'on révèle son identité. L'association doit payer 40 940 euros dont "6000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral" et 20 000 euros "de dommages et intérêts pour un licenciement sans cause réelle et sérieuse". Le Festival de Marseille doit également rembourser les organismes sociaux pour les indemnités chômage éventuellement versées à la victime "dans la limite de 6 mois". D'après l'avocat de la victime, Me Vincent Schneegans, "tout a été payé". Pour le Festival de Marseille, l'affaire n'est pas close pour autant puisqu'il a fait part de son intention de se pourvoir en cassation.
"Brimades et pressions"
Lors des faits qui se sont déroulés entre 2009 et 2010, la victime occupe le poste de responsable de la communication et du développement. L'arrêt de la cour d'appel précise qu'elle appuie son témoignage sur des "échanges de mails, des courriers avec les membres de la direction, plusieurs attestations émanant notamment de salariés et d'anciens salariés de l'association, un certificat d'hospitalisation et des arrêts de travail"… Dans son témoignage à charge contre sa supérieure hiérarchique Apolline Quintrand, elle "évoque des critiques incessantes dont elle fait l'objet, des brimades et des pressions dont elle est victime et son hospitalisation du 2 au 16 février 2010 justifiée par une dépression liée à ses conditions de travail".
Contactée par nos soins, elle raconte aujourd'hui ses relations tempétueuses avec sa patronne : "Au départ, cela se passe très bien. Puis il y a un moment où l'on bascule dans quelque chose d'extrême, où il n'y a plus de jugement sur le travail, mais où tout devient noir ou blanc. Un jour, Apolline Quintrand peut arriver en furie, vous arracher le combiné de téléphone, vous hurler dessus en pleine conférence de presse, puis interdire aux autres salariés de vous parler. Ensuite, progressivement, elle reporte toutes vos tâches sur une personne qu'elle finit par embaucher. J'ai proposé une rupture conventionnelle de contrat, mais elle a refusé, menaçant de me savonner la planche si je cherchais du travail ailleurs".
"Rigueur et passion"
Dans l'arrêt de la cour d'appel, le Festival de Marseille se défend des accusations portées et conteste l'existence de harcèlement moral exercé sur la plaignante. Elle soutient que la directrice "entretenait d'excellents rapports" avec celle-ci et expose que "contrairement [à ses] allégations, celle-ci n'a jamais été mise à l'écart […]". L'association "fait également valoir que les pièces médicales produites (…) ne dénoncent aucun lien entre son état de santé et son activité professionnelle et que si la fragilité de [cette personne] est réelle, celle-ci est antérieure à son arrivée au sein de la structure".
La pertinence des témoignages apportés par la plaignante est également mise en doute : "Les attestations produites émanent d'anciennes salariées, auxquelles il ne saurait être accordé une valeur probante, ne font état d'aucun fait précis et ne démontrent pas la réalité des faits dont se plaint la salariée". Par ailleurs, les témoignages apportés par la structure font état du "professionnalisme, de la rigueur, de la passion et du respect de l'équipe" par Apolline Quintrand. Mais le juge considère que ces derniers témoignages ne viennent pas infirmer les faits rapportés par la plaignante.
Démission collective
Un ancien salarié – désireux lui aussi de conserver l'anonymat – estime que le conseil d'administration de l'époque n'avait qu'une connaissance partielle des faits. Ses membres auraient seulement pu consulter les conclusions de l'avocat du Festival de Marseille, Me Olivier Geller. Quoi qu'il en soit, en juillet 2012, le conseil d'administration pose sa démission collective, en même temps que se déroule un conflit similaire avec un autre salarié qu'Apolline Quintrand souhaite renvoyer. Dans ce cas-là, une rupture conventionnelle est signée entre les deux parties.
Malgré nos sollicitations, la directrice a refusé de s'exprimer. Nos multiples tentatives pour contacter l'avocat du festival n'ont pas plus abouti. La direction de la communication a simplement répondu : "Nous voulons aller en cassation. Le Festival de Marseille a gagné en première instance et ne souhaite pas commenter une décision de justice, car celle-ci est toujours en cours. Nous souhaitons également qu'aucune information ne sorte". En poste depuis les origines du festival qui reçoit plus d'1,3 million d'euros de la Ville, Apolline Quintrand, pourrait quitter son poste en 2015, après sa 20e édition. Pour son ancienne salariée, si le festival forme un pourvoi en cassation, "il fait là son baroud d'honneur". Juste avant que sa directrice ne quitte la scène.
Commentaires
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Le Festival de Marseille, le Merlan, il ne fait pas bon travailler dans la culture à Marseille, c’est sans compter sur les CAE et les Emplois d’avenir payés au SMIC proposés à des Bac+5, quand ce ne sont pas des stages non rémunérés.
La culture est en très mauvais état à Marseille comme dans le reste de la France, l’argent profite à quelques privilégiés qui proposent des spectacles à quelques privilégiés et tout cela avec l’argent de tous les français…
Un jour peut-être un état non-monarchique fera un vraie réforme.
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Strange ? Impressions mitigées ? Harcèlement moral ou pas harcèlement moral, au final ? Ce papier peut donner plus ou moins l’impression que Marsactu aurait cherché à ne pas trop vouloir se positionner ? Si l’on tente d’avoir un raisonnement distancié : quels sont au juste les faits objectifs imputables à la partie attaquée, validés et reconnus par la justice en appel ? L’article 222-33-2 modifié du Code pénal cité par Marsactu dispose en effet que le qualificatif de harcèlement moral s’applique au fait de “harceler autrui par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel”. Les graves faits tels que (trop) résumés par Marsactu ne semblent-ils pas pencher pour cette incrimination de harcèlement moral ? Si oui, pourquoi avoir alors cherché à nuancer ? Est-il possible svp de savoir où on peut se procurer l’arrêt de la Cour d’appel ? Je crois que c’est possible pour tout citoyen mais quel est le mode opératoire requis ? En tout cas, ce dossier d’évidence très “puant” semble être une affaire locale plus que significative, tant d’un point de vue culturel que politique… Encore une affaire désastreuse pour l’image de la Ville de Marseille ? Il se dit ici et là dans le microcosme que la directrice du Festival dont il est ici question était jusqu’à présent très appuyée par le maire UMP/PRG JC Gaudin et par son directeur de cabinet Claude Bertrand ? Est-ce toujours le cas au regard des faits relatés dans cet article ?
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On finira , peut être, par faire des économies
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1,3millions d’euros de financement public dans une période d’austerité.
Un statut associatif à la gouvernance déficiente.
Une perte avérée de sens et de valeurs.
Une gestion du personnel…nauséabonde.
Une directrice en bonne “sociale-hypocrite” qui se targue d’engagement politique.
Ces pratiques salissent, déconsidèrent , un peu plus un monde culturel qui semble avoir perdu son âme, au profit de l’intérêt personnel et de la suffisance bien pensante.
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Faut-il rappeler à tout un chacun qu’il n’existe plus de présomption d’innocence quand on a été condamné? Reproduire les arguments de la défense du Festival de Marseille, c’est leur donner foi, ce que la cour d’appel n’a pas fait: les allégations relatives aux excellentes relations qu’aurait entretenues Mme Quintrand avec cette salariées seraient-elles un mensonge grossier?
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Faut-il rappeler à tout un chacun qu’il n’existe plus de présomption d’innocence quand on a été condamné? Reproduire les arguments de la défense du Festival de Marseille, c’est leur donner foi, ce que la cour d’appel n’a pas fait: les allégations relatives aux excellentes relations qu’aurait entretenues Mme Quintrand avec cette salariées seraient-elles un mensonge grossier?
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Un autre lieu de harcèlement moral au travail à dans la culture à Marseille : les éditions Agone.
Une douzaine de personnes ont quitté cette petite maison d’édition en une année n’en pouvant plus.
Témoignages et analyses sur : http://enoga.wordpress.com/
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Il faut arrêter avec ces cultureux-sangsues.
Quintrand devrait prendre une retraite dont on est tranquille qu’elle se l’est mijotée dorée.
Les patrons du CAC sont des amateurs comparés à ceux des grosses entreprises culturelles !!
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Rappelons que la nomination d’ApoQ avait créé la surprise… Parce qu’elle était de gauche !
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de toutes façons tout ça n’a guère d’importance. Ce festival a une audience qui ne dépasse pas la ville. Et par ailleurs qu’est ce qu’un festival dont la direction demeure depuis plus 15 ans au main de la même personne. ce n’est pas un festival, c’est une rente de situation et aucun festival sérieux en Europe fonctionne de cette manière…..
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Pourquoi cet excellent article n’est-il plus référencé sur le site de Marsactu ? Il n’apparaît plus dans la rubrique culture ni dans les archives de colonne de droite ou celle en bas de page… Etrange ?
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Ce n’est que justice que le Festival de Marseille soit enfin condamné pour les agissements de sa directrice. Il serait intéressant d’étudier l’impact de cette gestion lamentable du personnel sur le budget du festival : indemnités de licenciement, frais d’avocat.. le tout financé par l’argent public, et la Ville de Marseille qui ferme les yeux. Indécent, lorsque l’on connait le nombre de structures culturelles qui peinent à survivre à Marseille.
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