Un chantier ferroviaire lyonnais éloigne le port de Marseille de ses clients
Coller l'image de "porte du Sud" au port de Marseille pour attirer du fret ne suffit plus. Il faut pouvoir transporter les marchandises vite et loin. Pour cela tout le monde parie sur le rail. Or, un projet de contournement de Lyon se prépare en oubliant Marseille. Ce qui mettrait le port face à une impasse.
Crédits : Flickr/Napafloma-Photographe
Aller vite et être fiable. Voici pour résumer le credo des ports européens pour devenir le point d’entrée des marchandises venues d’autres continents. Un travail auquel s’attelle le grand port maritime de Marseille (GPMM). Mais être la “porte du Sud” ne suffit plus. “L’attractivité du port dépend des connexions avec l’hinterland”, présente Fabienne Margail, cheffe du département hinterland au GPMM. L’hinterland définit la zone cible vers laquelle sont acheminés les marchandises. Pour le port de Marseille, cela part d’Avignon et cela monte le plus haut possible en France, mais aussi en Allemagne et dans une moindre mesure dans le reste de l’Europe centrale.
Pour que les conteneurs arrivent le plus vite possible, la concurrence se joue sur le rail, le mode de transport du futur quand le transport par route est désormais honni. “En 2018, cela représente 11% [de nos transports de marchandises], l’objectif est de doubler ce chiffre en 2030. C’est un vecteur important du développement du port pour consolider l’hinterland naturel et s’étendre vers des territoires plus lointains”, expose Fabienne Margail. Or, un gros nœud lyonnais pourrait mettre à mal cet objectif.
Il a pour nom de code, le nœud ferroviaire lyonnais (NFL), point de passage obligé du fret marseillais. Il regroupe 12 lignes ferroviaires et accueille 1200 trains par jour, fret et voyageurs confondus. Les bouchons n’y ont rien de gastronomique dans le monde ferroviaire et sont bien connus.
Raison pour laquelle un projet de contournement de l’agglomération lyonnaise (CFAL) a vu le jour il y a près de 20 ans. Il doit permettre d’améliorer la circulation du fret. Sauf que le CFAL se découpe en deux parties, la Nord et la Sud. La première est bien avancée, avec une déclaration d’intérêt public, un tracé défini et le foncier réservé. Ce qui est loin d’être le cas au Sud. “Nous choisissons encore les faisceaux, il n’y a rien de prévu dans les documents d’urbanisme”, confirme Didier Llorens, chargé de la concertation pour les aménagements long terme en Auvergne chez SNCF Réseau.
“Cela peut être le fossoyeur du port de Marseille”, s’alarmait Jean-Philippe Salducci, le président de l’union maritime et fluviale de Marseille-Fos (UMF), en début d’année. Une inquiétude que partage son successeur, désigné avant l’été, Jean-Claude Sarremejeanne. “C’est déterminant, si on invente une route logistique qui évite le port de Marseille, nous allons avoir des ennuis”, prévient-il.
Tous les chemins ferroviaires mènent à Lyon
Pour comprendre cette inquiétude, il faut regarder le tracé des chemins de fer européens. Pour atteindre l’Italie et les pays à l’Est comme la Slovénie ou la Hongrie, tous les rails passent par Lyon. Depuis Marseille, c’est aussi une étape obligée pour accéder au Nord et à tous les marchés.
Au sein de l’UMF, on voit déjà le scénario catastrophe. “Une mort assurée pour le port de Marseille”, lit-on dans une note. “Nous nous disons que si le CFAL Nord se fait, ce qui est en bonne voie, et que le Lyon-Turin se fait aussi… Le fret ce n’est pas compliqué, il va aller là où c’est le plus facile et le plus fluide. Tout le potentiel hinterland va être aspiré par les ports italiens comme Gênes ou Trieste. Et nous, comment pouvons-nous accepter que des fonds publics français favorisent des détournements de trafic ?“, s’inquiète Marie-Hélène Pasquier, secrétaire générale de l’UMF.
Sans contournement, le Lyon-Turin avantage quand même le Nord
“Nous perdrons en compétitivité par rapport à tout le monde”, appuie Fabienne Margail. En plus de voir émerger une nouvelle concurrence portuaire avec l’Italie, le risque serait de voir les ports du Nord s’accaparer les marchés de l’hinterland actuel, mais aussi les bassins économiques des pays de l’Est où Marseille veut se développer.
“C’est un sujet technique et de lobbying”, sourit Jean-Claude Sarremejeanne. L’UMF, le port, la métropole et la chambre de commerce et d’industrie Marseille-Provence ont signé une note versée au débat publique sur le nœud ferroviaire lyonnais, qui s’est terminé durant l’été. L’arrivée d’Hervé Martel, qui n’a pas répondu à nos sollicitations, est bien vue par les différents acteurs que nous avons interrogés. “C’est un homme de réseau, notamment auprès des politiques”, glisse un acteur du conteneur. Et il va falloir se montrer convaincant.
L’avancée du Lyon-Turin
“On peut dire que 20% du projet est déjà réalisé”, chiffre Stéphane Guggino, directeur général du comité pour La Transalpine, une association en faveur du projet. Après des mois de blocage par le gouvernement italien, la liaison ferroviaire sous les Alpes entre Lyon et Turin semble sur la bonne voie puisque Rome a donné son feu vert pendant l’été pour la poursuite du projet. Les nominations de Paola De Micheli comme ministre des infrastructures et de Roberto Gualtieri à l’Economie, renforcent cette tendance puisqu’ils sont connus pour être en faveur du Lyon-Turin. La mise en service est prévue pour 2030.
“Les orientations de la loi d’orientation des mobilités indiquent que le contournement de Lyon n’est visiblement pas la priorité immédiate. La ministre nous a demandé d’étudier dans quelle mesure nous pouvons continuer à utiliser la voie historique. Le but est d’avoir des échéances ultimes pour savoir à quelle date le réseau arrivera à saturation”, explique Didier Llorens. Dans le débat public, une solution de secours est évoquée avec le doublement des voies entre Vénissieux et le début du Lyon-Turin. Ce qui représenterait un moindre mal. La piste que privilégiera SNCF Réseau doit être communiquée d’ici le 11 décembre. Et elle pourrait bien fermer la “porte du Sud”.
Commentaires
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La gestion du port de commerce de Marseille, jadis Port Autonome de Marseille (PAM), maintenant Grand Port Maritime de Marseille (GPMM), est calamiteuse depuis la fermeture du canal de Suez! Peu de prospective et d’ambition mais beaucoup de collusion politique. Avec la généralisation du trafic conteneurisé, il ne s’est guère développé au sud en comparaison de Barcelone et de Gênes et pas du tout au nord comme Le Havre, Anvers et Rotterdam. Ce qui se passe à présent avec Lyon est connu depuis une vingtaine d’années. Les dirigeants du GPPM, qui n’est plus autonome, doivent agir dans l’urgence. Et dans l’urgence, on fait souvent n’importe quoi!
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Intéressant de voir combien la France est dépourvue de “corridors ferroviaires” , ça va être coton pour rattraper tout ça !
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Où comment se retrouver en deuxième division économique . Cette situation en est l’illustration parfaite en se retrouvant hors des grands circuits de flux de marchandises.
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Si c’est comme la LGV c’est pas gagné : il y a 30 ans tout le monde se battait pour que la ligne ne passe pas trop près de chez lui. Pas dans le Tricastin à cause des truffes, pas le long du Rhône c’est trop peuplé et ça tourne trop, pas à la campagne à cause des vignes, …
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Je me souviens d’une acheteuse qui me disait : “Quand tu es bon, tu te fais pas livrer à Marseille…”
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Vraiment inquiétant, les dirigeants économiques n’ont pas anticipé !
Le port de Marseille restera t’il le premier en Méditerranée après avoir perdu la première place en Europe ?
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Tradition bien marseillaise que la non anticipation. Pourtant au pays de l ‘auteur de Cyrano , nos élites et édiles auraient pu avoir un peu plus de Nez.
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La ligne Lyon Turin est une excellente chose pour les habitants des vallées alpestres actuellement polluées par le trafic poids-lourds. Quant à Marseille autrefois porte de l’Orient et qui bénéficiait du « monopole du pavillon » pour le trafic avec l’ex empire colonial français, ses “décideurs” se sont montrés incapables de s’adapter après les indépendances des pays du Maghreb et de l’Afrique francophone. Au même moment l’ouverture des frontières avec le Benelux et la République fédérale d’Allemagne, lui a fait perdre son hinterland qui allait au moins jusqu’à la région parisienne. Le calcul est vite fait pourquoi alors que Rotterdam et Anvers se trouvent à 450 et à 350 kms de Paris, faire un parcours deux fois plus long en transitant des marchandises par le port de Marseille distant de près de 780 kilomètres de Paris ? Plutôt que de jouer collectif le personnel du port et les patrons marseillais se sont mis d’accord pour ne jamais être d’accord ensemble. Par ailleurs tous les projets d’envergure : création du port de Fos, TGV entre Paris et Marseille ont fait l’objet d’opposition récurrente de soi-disant « défenseur de la Provence authentique ou de l’écologie » qui ne voulaient pas de ces équipements dans leur jardin. Pourtant il existe peut-être une possibilité de désenclaver le port de Marseille et en particulier les bassins de Fos, en utilisant pour le ferroutage ,au moins la nuit ,les voies du TGV, (comme pour le Lyon Turin au besoin en y ajoutant une troisième voie comme c’était le cas sur une partie du réseau du PLM. Mais les décideurs marseillais sont-ils capables de s’investir dans ce genre de projet eux ,qui tolèrent la gestion calamiteuse des transports en commun à Marseille et avec les villes situées à proximité. Qui sait que la ligne entre Aix-en-Provence et Marseille encore à voie unique sur une bonne partie de son parcours a été construite il y a bientôt 150. Ans. Mais en attendant on glose sur la LGV entre Marseille et Nice et la construction d’une gare souterraine sous la Gare Saint-Charles « comme à Paris sous la Gare de Lyon », sans oublier le téléphérique de Notre-Dame de la garde alors qu’on est incapable de prolonger, dans les délais, le métro entre les stations Bougainville et capitaine Géze !
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En résumé une ville de nuls.
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Excellent article, merci.
“La piste que privilégiera SNCF Réseau doit être communiquée d’ici le 11 décembre.” Qu’en est-il ressorti ?
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