Gaudin à l'OM : "On vous vend la Commanderie à vil prix"

Gaudin à l'OM : "On vous vend la Commanderie à vil prix"

Lundi matin, dès potron-minet, le maire de Marseille, Jean-Claude Gaudin, arpentait le chantier du stade vélodrome pour une visite privée. Une visite privée où étaient tout de même conviés les principaux groupes de supporteurs, quelques élus de la majorité municipale, des représentants de l'opposition parmi lesquels Pascal Chamassian était le seul présent le consortium de construction, Arema, l'Olympique de Marseille représenté par Cédric Dufoix et La Provence. Et ce, même si le cabinet du maire avait strictement interdit la visite à la presse.

"En fait, l'idée est partie d'une discussion avec le maire à la communauté urbaine, raconte René Malleville, conseiller communautaire et ardent supporteur. Dans l'hémicycle, on est voisin et même si j'ai été élu sur une liste de gauche, on a une bonne relation. C'est lui qui a proposé de m'organiser une visite privée du chantier". Comme l'élu communautaire est un des intervenants du Phocéen, il a décidé d'y associer le site. "C'est en arrivant sur place qu'on s'est aperçu que s'était devenu un gros truc avec les groupes de supporteurs et les élus. Et c'est là qu'on nous a dit qu'il était interdit de filmer". 

Le journaliste du Phocéen, Sébastien Ruggieri, confirme l'interdiction : "Même les photos avec nos portables étaient proscrites. La consigne venait du cabinet du maire". Du côté du service presse de la Ville, on indique ne pas avoir suivi la visite, gérée un étage plus haut. La visite, rapide, se déroule avec les principaux groupes de supporteurs : les nouveaux aménagements sont passés en revue et notamment ceux de la tribune Ganay qui accueille les tifosi du virage nord. Sur la photo de La Provence, côté virage sud, on peut remarquer la présence de Rachid Zeroual, vice-président des Winners dont c'était le retour au Vel' puisqu'il est sous le coup d'une interdiction de stade depuis janvier 2012 qui l'oblige à pointer au commissariat à chaque match, à l'extérieur comme à domicile.

Mais ce n'est pas cette curieuse proximité qui faisait le sel de la visite. Comme à l'accoutumée, à l'occasion de son petit discours de fin de visite, Jean-Claude Gaudin s'est livré à quelques improvisations notamment sur l'aspect financier du dossier. Le fameux naming qui doit permettre de compenser le coût faramineux de 11 millions d'euros par an que la Ville devra verser à Arema. Visiblement, le dossier fait du surplace, le maire se contentant d'évoquer des "pistes asiatiques" plutôt exotiques.

"50 000 euros par an"

En revanche, le maire s'est fait plus taquin concernant le loyer que l'OM paie à la Ville pour la jouissance du stade. Ce loyer doit justement être renégocié à la hausse pour amoindrir encore la facture. "La Chambre régionale des comptes a tiqué devant le montant du loyer. D'ordinaire, il est d'1,5 million par an mais avec les travaux, on l'a passé à 50 000 euros par an". Effectivement, il y a de quoi tiquer. D'autant plus que l'information est vraie : dans le cadre de son contrôle régulier des comptes de la Ville, la CRC a passé au crible le financement du Vélodrome et notamment sa relation avec le club. Ledit rapport d'observation (qui comprend également la gestion des personnels des musées et des bibliothèques) est attendu pour le mois de juillet. En effet, celui-ci doit être présenté en conseil municipal et les séances sont rares d'ici à la fin de l'année. Or, après le mois de décembre commence la période de réserve en prévision des municipales à venir.

Le représentant de l'OM, Cédric Dufoix apprécie moyennement l'allusion au loyer. Son montant doit faire l'objet de négociation et les avis sont très partagés. Le maire a prévu de rencontrer le président du club, Vincent Labrune, dans la semaine. Le maire insiste : "En revanche, la Chambre a cherché quelque chose du côté de la vente du terrain de la Commanderie et ils n'ont rien trouvé. Oh! Ils étaient déçus. Pourtant, ce terrain, on vous l'a vendu à vil prix, un prix dérisoire". Là encore, selon plusieurs témoins, le représentant de l'OM regimbe un peu. Contacté par nos soins, il n'a pas donné suite à nos demandes d'entretien en raison des vacances de printemps.

U​n loup dans la Commanderie

Effectivement, en regardant la convention qui lie le club et la Ville pour cette vente, le tour de passe-passe juridique a de quoi surprendre. Voté le 8 octobre 2012, le rapport mentionne un prix évalué par France Domaines à 17 millions d'euros pour l'ensemble du terrain de la Commanderie. Le rapport précise que la Ville de Marseille est bien propriétaire de "l'ensemble immobilier y compris les constructions existantes sans qu'il soit nécessaire de distinguer selon que la Ville ou l'OM les a édifiées". Le loup surgit dans la Commanderie par le biais de l'article 9 de la convention. En effet, avant de vendre, la Ville est obligée de résilier ladite convention. Or, l'article 9 prévoit qu'en cas de résiliation, celle-ci doit verser une indemnité "égale aux amortissements prévus sur les années restant à courir pour les constructions édifiés par l'OM".

Même si la Ville est propriétaire en droit des bâtiments construits, la résiliation de la convention l'amène à débourser la coquette somme de 10,5 millions d'euros. Elle ne se fait pas trop prier puisque ce montant sort directement des tableaux d'amortissement communiqués par le club. Donc si le rapport mentionne bien un prix de vente de 17 millions, il faut lui retrancher 10,5 millions versés par la Ville. 6,5 millions pour 91 703 m2, c'est bien un vil prix, le mot est certes bien choisi. En attendant, ce cadeau fait à l'OM est encore tiré sur le chéquier des Marseillais.