Après une liquidation judiciaire, le salon d’art contemporain d’Aix se tient l’air de rien
Le Sm'art, salon d'art contemporain aixois qui s'est ouvert le 16 mai, attend 25 000 visiteurs. Pourtant, l'association organisatrice a été liquidée l'année dernière. Une décision judiciaire qui aurait dû lui être fatale. Sauf qu'entre-temps, une deuxième structure a émergé pour prendre le relais, en faisant fi des créanciers.
Après une liquidation judiciaire, le salon d’art contemporain d’Aix se tient l’air de rien
Tourbillons de couleurs, sculptures luisantes, tableaux à paillettes inspiration post-pop art. C’est au détour d’une allée du Sm’art, le salon méditerranéen d’art contemporain au parc Jourdan à Aix, que les journalistes retrouvent l’organisatrice du rendez-vous. Sous les toiles couleur blanc cassé du coin VIP, Christiane Michel confie fièrement : “depuis le temps que j’organise cet événement, je peux dire que pour la première fois, il ressemble vraiment enfin au rêve que j’en avais au début.” La réussite est indéniable… à un détail près : l’association qui a permis au Sm’art de voir le jour est en liquidation judiciaire. D’anciens prestataires n’ont pas été payés et la somme des créances atteint plusieurs dizaines de milliers d’euros. Une situation délicate que les organisateurs avaient anticipée, en créant une deuxième association qui elle, encaisse les bénéfices depuis trois ans.
Nous sommes au matin du 16 mai, collectionneurs et curieux ne vont pas tarder à se presser en foule : 25 000 visiteurs ont parcouru les allées en 2018. Pour cette 14e édition, le dossier de presse promet un “feu d’artifices de nouveautés surprenantes, attachantes, iconoclastes”. Plus de 200 artistes et galeries habillent le parc public, que le festival loue à la Ville. La majorité LR, menée par Maryse Joissains, est “un soutien indéfectible du Sm’art”, reconnait Christiane Michel.
Cette dernière est aussi élue LR d’opposition de la commune de Port-de-Bouc. Passionnée d’art contemporain, elle a créé le salon et déposé la marque Sm’art à l’INPI en 2005 via son association, Art tension. Jusqu’en 2016, c’est cette structure qui a organisé ce rendez-vous, grâce aux financements de partenaires et au loyer que les artistes et galeries exposés doivent avancer : 1 600 euros le stand. “Selon les années, nous atteignons entre 500 000 et 600 000 euros de chiffres d’affaires”, affirme Christiane Michel. Cela n’a pas empêché de laisser plusieurs prestataires sur le carreau.
“Je lui envoie mon travail, elle me dit que ça convient, puis plus rien.”
Lucas Monin, réalisateur-producteur, craint de ne jamais voir les 2 200 euros que son entreprise a facturé à Art tension en 2015. “En 2014, je fais un premier reportage vidéo pour le Sm’art et cela se passe bien, se souvient-il. L’année suivante, le festival fête ses dix ans, et Christiane Michel propose que je réalise le film d’anniversaire du salon avec mon entreprise, Mocas Prod. Nous étions devenus amis, je lui propose un forfait très arrangeant. Je lui envoie mon travail, elle me dit que ça convient, puis plus rien.”
Plusieurs mois passent et le discours de la présidente change : “son silence m’inquiète, alors je commence à communiquer avec elle par recommandés. Elle me répond dans un mail affirmant finalement que mon travail est mauvais.” Pourtant, à l’hiver 2015, le film de Lucas Monin est mis en ligne sur la page d’accueil du site internet du Sm’art en version téléchargeable. Lucas Monin s’en plaint auprès de Christiane Michel, le film est retiré.
Entre-temps, des captures d’écran ont été faites sous contrôle d’huissier, que Marsactu a pu consulter, une action juridique s’ouvre. En août 2017, Art Tension est condamné pour impayés et violation des droits d’auteurs à verser près de 4 000 euros.
D’autres prestataires se plaignent d’impayés lors de l’édition 2015 du Sm’art. C’est le cas d’une indépendante qui réclame 3 500 euros au Sm’art, mais dont la facture n’a jamais été signée par l’employeur, rendant les poursuites judiciaires plus compliquées. “J’ai perdu l’équivalent de deux mois de travail”, souffle-t-elle. Mais au moins deux autres prestataires ont poursuivi l’association devant le tribunal. Parmi eux, le Groupe Lagardère et une société de régie publicitaire locale, Sydel-Ha Media. Ils ont également obtenu gain de cause devant le tribunal d’instance de Martigues. “Nous menions à ce moment des actions juridiques séparées, en supposant que chacun de nous était un cas isolé”, se souvient Laurent Malfettes* de Sydel-Ha Media. En réalité, Art tension accumule les condamnations, et la facture s’élève à plusieurs dizaines de milliers d’euros.
Passage de témoin
Placé en redressement judiciaire, Art Tension est finalement liquidée par le tribunal de grande instance d’Aix le 15 février 2018. “En raison du passif exigible, des actifs identifiés et de l’impossibilité de recouvrement des créances, l’état de cessation des paiements de l’association est caractérisé”, conclut le jugement. Une condamnation censée porter un coup fatal au Sm’art. Sauf qu’il y eu anticipation et qu’entre-temps, une autre association, sans passif, a pris le relais des finances du salon : Smart organisation.
Créée en 2010, Smart organisation est composée des trois mêmes responsables qu’Art Tension. Jusqu’en 2016, Christiane Michel préside les deux structures, qui ont pour même vocation de “réunir le désir de participer à des échanges sur l’art, la culture, l’image, les techniques audiovisuelles, informatiques et multimédia”, apprend-on à la lecture de leurs statuts respectifs. Les associations se partagent aussi la même adresse mail. La confusion atteint même l’identification légale des associations : sur les procès-verbaux de deux assemblées générales de Smart Organisation, c’est le numéro Siren d’Art Tension qui est indiqué…
En juin 2016, alors que plusieurs prestataires de l’édition 2015 montent au créneau pour réclamer paiement de leur dû, Christiane Michel démissionne de la présidence d’Art tension. Elle mettra plus d’un an à déclarer ce changement en préfecture. Lors de l’édition 2016, le dossier d’inscription destiné aux artistes prévient : “les exposants sont invités à adresser leur règlement à ART TENSION”, mais c’est “la dernière fois”. Et lors des éditions suivantes, Smart organisation, la structure sans passif, prend le relais. Un collaborateur du Sm’art confie : “j’ai bien vu le passage d’une association à une autre mais j’ignorais pour la liquidation. Cela explique des choses. Les finances sont taboues et j’ai déjà entendu des partenaires se plaindre de ne pas être payés.”
La Ville informée par courrier
Interrogée à l’ouverture du Sm’art le 16 mai, Christiane Michel fait d’abord abstraction de ses soucis judiciaires : “nous avons changé d’association car certains membres historiques ont eu peur quand le festival a pris de l’ampleur. Quand on grandit, ça crée des conflits.” Interpellée sur la liquidation, elle ne s’estime pas concernée : “rappelez-vous que je ne suis plus présidente d’Art tension depuis 2016.” Quant aux créanciers, “c’est le tribunal qui décidera.” Elle assure qu’elle paye tous les prestataires du Sm’art, et que son chiffre d’affaire de 500 000 euros lui offre tout juste l’équilibre financier.
La manœuvre aura donc offert un sursis d’existence au Sm’art. Mais selon nos informations, le liquidateur d’Art tension, Vincent de Carrière, s’apprête à déposer une demande d’extension de la liquidation à la deuxième structure, Smart organisation. Deux créanciers sont associés à cette demande. En juin 2018, ils ont adressé un courrier à Maryse Joissains. Ils y déclarent vouloir informer la maire “de manière officielle, sur une mésaventure qui nous est arrivée (…) et pour éviter à d’autres personnes de subir à nouveau le même sort.”
Contactée, la mairie précise qu’elle facture l’occupation du parc Jourdan 12 500 euros au Sm’art. Les comptes de la Ville font état d’une subvention à Art tension de 10 000 euros en 2012 et 5 000 euros en 2016, mais elle assure que le festival en lui-même “ne bénéficie d’aucune subvention”. Marsactu n’a en revanche pas obtenu de retour concernant le courrier écrit par les créanciers.
* Laurent Malfettes est un des 62 lecteurs-investisseurs de Marsactu.
À la suite de la parution de cet article, l’association Sm’art-Organisation nous a fait parvenir le droit de réponse ci-dessous. Celui-ci ne remet en cause aucune information contenue dans l’article ni le sérieux de notre enquête. Nous soulignons notamment que, contrairement à ce qui est affirmé, l’article fait bien mention de la création de l’association Sm’art-Organisation en 2010 et d’un nombre de créanciers concernés au moins égal à trois.
Droit de réponse de l’association Sm’art-Organisation
Monsieur le directeur de la Publication
Conformément à l’article 13 de la loi sur la liberté de la presse je vous demande en ma qualité de Présidente de Sm’art-Organisation mandatée par le Conseil d’administration dès ce matin, de publier le droit de réponse rédigé ci-dessous. Faisant suite à l’article paru le 18 Mai 2019 signé Clara Martot, diffusé sur votre site internet MARSACTU véhiculant des informations que nous considérons comme non vérifiées et partiellement fausses :
– L’association Art Tension a été fondée en 1995, pour créer des rencontres artistiques et organiser des expositions en lien avec l’art.
– En 2003, le salon Sm’art est créé et sera organisé jusqu’en 2016 sous convention par l’Association Art Tension.
– Le 30 Juin 2016, Christiane Michel a donné sa démission de la Présidence, car des membres de l’association souhaitaient revenir à des activités plus modestes : organisation de conférences et rencontres artistiques. Une nouvelle Présidente a alors été élue pour diriger Art Tension. Elle a élaboré un programme pour continuer à gérer ces autres activités. Il s’avère que des problèmes de santé ne lui ont pas permis de développer ces projets. A la suite de ces contrariétés, la trésorière est décédée le 23 Décembre 2017. Ce drame et ces soucis n’ont pas permis de donner la possibilité de continuer. A la suite de ça, la Présidente de Art Tension a été conseillée par L’Avocat de l’association et a déposé un dossier de redressement judiciaire suivi de la liquidation judiciaire. C’est au mois de septembre 2017 que la Présidente de Art Tension a décidé de mettre un terme à ses fonctions de Présidente.
– C’est à la suite de ça, pour pérenniser le Salon Sm’Art, devenu un véritable rendez-vous pour les artistes, collectionneurs et amateurs d’art contemporain, que son organisation est confiée à l’association Sm’Art Organisation. Contrairement à ce qui est affirmé dans l’article, cette association existe déjà depuis 2010. Il est difficile d’imaginer qu’elle aurait été créée en 2010 pour masquer des créances de 2016 ou générer des bénéfices au détriment de fournisseurs lésés.
– Le Salon Sm’Art, fait rayonner l’art contemporain à Aix en Provence et toute la région. L’événement est financé exclusivement par ses artistes et galeristes exposants, ses partenaires privés et ses visiteurs.
– Il ne bénéficie d’aucune subvention publique. Ce succès est certainement dû à son concept inédit et à l’implication de son équipe, et certainement pas par le prétendu engagement politique LR dont Mme Michel n’est d’ailleurs plus membre depuis 2017.
– L’article pointe également les deux seules difficultés rencontrées avec des créanciers sur près d’une centaine d’intervenants chaque année.
– Pour le premier, le contentieux était lié à une vidéo qui n’était pas utilisable. Pour le second, une émission radio devait être organisée en direct du Sm’Art dans le cadre d’un partenariat d’échange de prestations lié à un contrat d’achat d’espaces publicitaires. Hors, ce prestataire a voulu faire supporter à l’association les frais techniques et de gestion de l’organisation de cet événement.
– Les membres du conseil d’administration de l’association Sm’Art Organisation et Christiane Michel regrettent que MARSACTU, média d’information pertinent, n’ai pas vérifié davantage ces allégations erronées. D’autant plus, que les différents éléments comptables et juridiques sont, et ont toujours été, à la dispositions des journalistes pour leur travail d’investigation.
– Le Sm’Art est organisé depuis 14 ans à Aix en Provence, jamais un tel événement, n’aurait pu avoir une telle longévité et un public chaque année croissant, sans un profond respect de ses fournisseurs et ses partenaires.
Signé par Le Conseil d’Administration et sa Présidente Christiane MICHEL
Commentaires
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Beaucoup d’aigrefins dans ce milieu ! à voir le pantalon et les godasses de la donzelle, c’est zéro crédit et paiement “au cul du camion”
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La ville d’Aix supprime la subvention de quelques euros à la Ligue des Droits de l’Homme mais donne 5 000 € + la location du Parc Jourdan à une association d’aigrefins. Sans contrôle . Entre LR on ne va pas se contrôler …
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Vu le respect que Madame a pour ses créanciers, une interdiction de gérer d’une durée de quelques années pourrait peut-être lui donner le temps de réfléchir à la licéité de ses petites manip…
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t
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Euh… Là, quand même, ça va pas tarder à ressembler à ” Aix en Provence Ville d’Eaux Ville de Bas Arts” hein. Va pas falloir tarder à changer les panneaux; ou alors, se ressaisir… (Tiens, d’ailleurs, faudra que je songe à déposer la marque Baz.Art à l’INPI; Mrdre, moi aussi j’ai des idées qu’elles sont bonnes…).
Cette Mm Michel, conseillère municipale LR (d’OPPOSITION hein) à Port de bouc, se pose là; Dame, 500 OOO Euros de chiffre d’affaires, qu’elle a la gentillesse d’aller réaliser ailleurs que dans sa bonne ville, ça aide aux représentations.
C’est pas comme nos élus LR marseillais qui n’investissent que sur place, dans une proximité fragile certes, mais”rassurante”, et toujours dans l’immobilier, une économie de rente quoi, des qui nous la jouent petit bras. Elle a plus d’ambition, voit grand, vise les secteurs porteurs, les créatifs tout ça tout ça, ça relève un peu le niveau. Et ça montre bien que les élus LR ont bien toute leur place dans le Nouveau Monde de la Start up nation, contrairement à ce qui se murmure dans certains collectifs de par chez nous…
Bon après, il convient d’éviter quelques erreurs grossières et le plus souvent fatales. Genre, en cas de difficultés passagères, on couillonne les autres, mais on paye Lagardère; Faute de quoi, il y aura toujours un tribunal de l’ancien monde qui viendra derechef “liquider les rêves” de notre Start uper.. Ne jamais mordre la main de celui qui nourrit hein! Mais c’est quand même pas sorcier à comprendre, d’autant que et la règle et les maitres sont directement passés de l’ancien monde au nouveau. Elle devrait donc finir par y arriver. (Essaye encore!).
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