[C’est mon data] Chronologie d’une vague de périls
En six mois de crise, la Ville a pris plus d'arrêtés de péril que lors des trois années précédentes. Marsactu reconstitue sur une carte animée cette propagation qui a suivi le drame de la rue d'Aubagne et frappe par sa persistance dans le temps.
Derrière chaque point, il y a des vies bousculées. Des affaires préparées à la hâte, une porte scellée et un parcours qui commence. Marsactu a reconstitué dans une animation l’ensemble des arrêtés de péril grave et imminent pris par la Ville depuis le 5 novembre 2018*, jour où deux immeubles se sont effondrés causant la mort de huit personnes. En six mois, l’adjoint au maire Julien Ruas en a signé 250, sur la base de rapports d’experts constatant la dangerosité d’immeubles ou d’appartements pour leurs occupants. S’y ajoutent quelques procédures voisines ayant donné lieu à des interdictions d’occuper, souvent en attente d’un futur arrêté de péril. C’est davantage que lors des trois années qui ont précédé cette crise.
N.B. : La date indiquée est celle de l’arrêté de péril et non de l’évacuation. Légende : les points rouges représentent les arrêtés de péril. Ils apparaissent ensuite en jaune en cas de réintégration partielle et en vert après réintégration totale. Source : LPED Aix-Marseille université / Marsactu.
Si la peur s’est emparée de nombreux locataires et propriétaires, en particulier dans le centre ancien, les dernières statistiques fournies par la mairie montrent qu’elle était souvent justifiée. Sur 1752 visites des services municipaux après signalement, plus d’une sur six ont conduit à une évacuation. Une proportion à peine moindre qu’en 2017. Et ces évacuations n’étaient pas le fait du simple principe de précaution, d’une peur qui aurait gagné les fonctionnaires de la Ville : les experts mandatés par le tribunal administratif ont conclu 250 fois à un péril grave et imminent, contre 57 réintégrations, validant dans leur majorité les choix faits par les services municipaux. La Ville comptabilise aussi “401 visites effectuées sans évacuation pour lesquelles une suite technique sera donnée autre qu’un péril imminent”.
Plus d’un tiers des arrêtés dans le 1er arrondissement
Géographiquement, ce recensement confirme la concentration des arrêtés sur le centre et le Nord de Marseille (88 dans le 1er arrondissement, 40 dans le 6e, 38 dans le 3e) à quelques exceptions près. L’autre constat permis par ce recensement est la durée de cette vague d’évacuations. On en comptait encore plus de trente en janvier, une vingtaine en février, plus d’une dizaine en mars comme en avril.
Sur ce point, nos chiffres se font moins précis, car les arrêtés arrivent en décalage de l’intervention d’urgence, dont ils ne mentionnent pas toujours la date. “C’est le cas rue Baussenque au Panier, où les occupants ont reçu une interdiction d’occuper mais sans arrêté de péril. Au 10 cours Julien, c’était carrément le syndic qui avait dit aux occupants de partir. Les gens sont aussi parfois évacués d’immeubles sains parce que celui d’en face est en péril”, souligne Laurence Buffet, membre du collectif du 5 novembre. Ce délai, de plusieurs jours voire de plusieurs semaines, fait d’ailleurs partie des complications administratives et financières pour les délogés, dont la situation ne s’appuie alors pas sur une procédure de péril en bonne et due forme.
Même si nous ne disposons pas des arrêtés correspondant à certaines évacuations récentes, le rythme semble en voie d’accalmie. Interrogée sur le nombre précis d’immeubles évacués, la Ville n’est pas revenue vers nous dans les délais impartis à la publication de cet article. Dans sa communication, elle avance celui de 184 immeubles, qui semble ne pas prendre en compte les immeubles qui étaient déjà inoccupés, notamment les propriétés publiques de Marseille Habitat, la Soleam.
Une nouvelle phase
“Depuis quelques jours, les indicateurs commencent à s’infléchir”, s’est félicité vendredi dernier le maire de Marseille Jean-Claude Gaudin. Le nombre de personnes hébergées à l’hôtel est tombé à 603, contre près de 1300 trois mois plus tôt. Mais les retours à la maison après travaux sont encore marginaux : 30 arrêtés de péril ont été levés complètement, 22 partiellement, permettant la réintégration de certains appartements. “Effectivement, ils ont commencé à reloger des gens et il y a moins d’évacuations, même si cela continue”, reconnaît Marie Batoux, membre du collectif du 5 novembre. Mais cette phase concentrée autour des questions du relogement, temporaire ou définitif, s’accompagne de “problématiques nouvelles”.
Le collectif a aussi eu écho d’évacuations non ordonnées par la Ville. “Il y a des propriétaires qui ont compris la situation, qui veulent faire des travaux et qui essaient de reloger leurs locataires correctement. Tout à coup, tout le monde s’est rappelé la loi”, glisse la militante. Une nouvelle étape où le cadre d’une charte du relogement pourrait aider à limiter les improvisations.
* Carte mise à jour avec les arrêtés jusqu’au 17 juin 2019. Ces données utilisent en partie un travail du LPED Aix-Marseille université. Nous avons exclu les arrêtés liés à une procédure enclenchée avant le 5 novembre 2018. Le fichier source est disponible ici. N’hésitez pas à nous signaler toute erreur.
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