À l’école maternelle Sainte-Anne, on fait la sieste au pied des bureaux
Les parents d'élèves de cette école maternelle du 8e arrondissement sont mobilisés depuis plus d'un an pour dénoncer les conditions de sécurité liées au manque de place en dortoir. Certains ont mis à profit leurs compétences, d'avocat ou d'architecte, tandis que d'autres se préparent à aller en justice, malgré les promesses d'installation d'un préfabriqué dans quelques mois.
À l’école maternelle Sainte-Anne, on fait la sieste au pied des bureaux
“Je me vois donc contraint de solliciter la fermeture de la classe.” Il y a dix jours, Jean-Claude Gaudin a reçu un courrier inhabituel, adressé par l’avocat Victor Gioia au nom de quatre parents d’élèves de l’école maternelle Sainte-Anne (8e). Ulcérés par les conditions dans laquelle est organisée la sieste des enfants dans l’une des petites sections, ils demandent la “fermeture administrative” des locaux et espèrent ainsi mettre la pression sur la mairie de Marseille.
Le “vrai” dortoir ne peut accueillir que dix lits. Une vingtaine de lits sont donc installés le moment venu dans la salle de classe. “Cela fait plusieurs années que cela dure. Il y a des enfants dans chaque mètre carré de libre, jusque devant la sortie de secours”, s’indigne un parent d’élève, qui préfère garder l’anonymat. “Lors de la réunion d’information à la rentrée, la directrice nous a prévenu qu’il y avait un problème de dortoir, mais on n’avait pas réalisé ce dont il s’agissait”, témoigne une autre, qui se dit “profondément choquée”.
On nous a dit : “ce serait mieux si vous récupériez votre enfant pour faire la sieste chez vous”. Quand vous scolarisez pour la première fois, ce n’est pas évident d’être culpabilisé ainsi. Mais essayez de travailler l’après-midi quand il faut ensuite redéposer votre enfant à 3 h et le récupérer à nouveau à 4 h 20…
Une pétition et un dossier béton
Soldée par cette demande de fermeture administrative, la mobilisation a démarré de manière plus classique, en février 2018, avec une pétition signée par près de 300 parents d’élèves, dont certains ont utilisé leurs compétences pour faire avancer le dossier. En plus de la pétition, Victor Gioia joint à son courrier à Jean-Claude Gaudin un “état des lieux relatif à l’absence de dortoir pour la classe de petite section 2, école maternelle Sainte-Anne”, que l’on croirait sorti d’un service officiel ou d’un cabinet de conseil. Plans, photos et rappels réglementaires jalonnent ce dossier, signé par une parent d’élève architecte, qui a trouvé là le moyen de mobiliser le corps enseignant et les autres parents.
Mais aussi de passer le flambeau à chaque rentrée, histoire d’éviter que la municipalité puisse miser sur le renouvellement permanent des parents concernés. Le premier parent d’élève cité a ainsi pris le dossier à bras le corps après avoir découvert ce document, lors de la première rentrée de sa progéniture. Lui-même avocat, il a épluché les règles de sécurité dans les écoles maternelles, considérées comme des “équipements recevant du public” (ERP). Après une demande de communication du permis de construire initial de l’école et de la déclaration ERP, restée sans suite, il a déposé en début d’année un recours devant la commission d’accès aux documents administratifs.
En octobre 2018, huit mois après la pétition, les parents pensaient avoir obtenu gain de cause avec le vote en conseil municipal d’un budget de 200 000 euros pour des “travaux d’urgence” consistant en “la construction d’un dortoir supplémentaire en bâtiment modulable”. “On ne s’attendait pas à avoir mieux qu’un préfabriqué”, souligne notre interlocuteur, soucieux de ne pas paraître trop exigeant au regard des problèmes rencontrés dans d’autres établissements.
Des préfabriqués promis pour mai
Sauf que la livraison, annoncée initialement pour les vacances d’avril, tarde. Interrogé, le maire des 6e et 8e arrondissements Yves Moraine (LR) reconnaît que l’agrandissement du dortoir est “incontestablement nécessaire” et tente de convaincre que les délais sont relativement courts “pour un dossier qui a nécessité un marché public et un permis de construire. Ce dernier sera déposé [cette semaine] et les travaux démarreront en mai en mode occupé, avant une adaptation des sanitaires pendant l’été”.
Un discours accueilli avec circonspection, après plusieurs engagements similaires. “La pétition date de février 2018 et un an après il n’y a toujours ni permis déposé ni mesures provisoires. Ça ne devrait pas être aussi long !, s’exaspère l’autre parent d’élève déjà cité. Il peut arriver n’importe quoi, un gamin peut avaler une perle dans un tiroir au-dessus de lui et l’enseignant n’aura jamais le temps d’intervenir.”
Et déjà, les parents d’élèves pensent à l’après. “On ne veut pas des préfabriqués qu’on met 3 ans à obtenir si c’est pour les garder 15 ans.” Une mise en garde qui sonne comme une référence à d’autres écoles de la ville qui comptent des dizaines de classes en préfabriqué, provisoires mais qui durent.
Interpellée lors d’une réunion publique sur le manque de places en dortoir dans le 3e arrondissement, plus particulièrement à l’école Pommier, l’adjointe déléguée à l’éducation Danièle Casanova a évoqué une “expérimentation” en cours dans deux petites sections de la ville avec “des lits superposés dont la hauteur est compatible avec la loi. Nous sommes en train de repérer toutes les écoles où l’on manque de places en dortoir.” Comme si la Ville avait entrepris un audit des dortoirs avant celui que l’assemblée nationale a fait voter (lire notre article). Nous n’avons pas pu joindre l’élue pour obtenir des précisions sur cette piste. “Si on placardait les conditions d’accueil des enfants quand les promoteurs vendent leurs appartements dans le quartier, ils n’y arriveraient pas”, grince une parent d’élève.
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“Si on placardait les conditions d’accueil des enfants quand les promoteurs vendent leurs appartements dans le quartier, ils n’y arriveraient pas.” Car, précisons-le, la municipalité délivre à jet continu, dans ce quartier, des permis de construire pour des immeubles collectifs sans se préoccuper le moins du monde des écoles, des transports, etc. Sans parler du projet, à un jet de pierre, d’urbanisation massive autour de la Cité Radieuse : un millier de logements (au moins) et pas l’ombre d’un nouvel établissement scolaire.
Les quartiers sud ne sont pas mieux traités que les autres par Gaudin et son gang : les carences en équipements et services publics y sont aussi criantes qu’ailleurs. Au fait, information pour les parents d’élèves de l’école publique Ste-Anne : à quelques dizaines de mètres, il y a une école privée – vous savez, l’une de celles qui sont choyées par not’bon maire…
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Il faut bien qu’il justifie avoir mérité ses décorations :
Commandeur de l’ordre de Saint-Grégoire-le-Grand (Saint-Siège)
Commandeur de l’ordre souverain de Malte
Grand-croix du Mérite de l’ordre équestre du Saint-Sépulcre de Jérusalem
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