Le sauté de bœuf aux cardes de Manu Théron
Depuis plus de 20 ans, Malika Moine croque la vie en dépeignant l'actualité plus ou moins brûlante de Marseille et d'ailleurs. Au long cours, elle s'intéresse aussi aux lieux où l'on boit, mange et danse parfois. Pour Marsactu, elle va à la rencontre des gens dans leur cuisine. Elle en fait des histoires de goût tout en couleurs.
Le sauté de bœuf aux cardes de Manu Théron
Manu Théron, chantre de la musique occitane, a fondé Gacha Empega, puis Lo Còr de la Plana. Troubadour moderne en lien perpétuel avec les musiciens traditionnels des quatre coins du monde, c’est aussi un grand gourmand et un très bon cuisinier. Il nous livre sa recette inventée et inspirée d’un sauté de bœuf aux cardes, entre autre…
“Ma maman est parisienne, d’origine savoyarde par son père et de l’Oise par sa mère et mon papa était de Lille. Je suis né à Nancy et en 72, on est descendu, on s’est installé aux Pennes-Mirabeau parce qu’ils ouvraient une aciérie à Fos. Quand j’ai eu 10 ans, on a déménagé rue Thiers, à l’angle de la rue des Loisirs, à la Plaine. Je me souviens qu’à l’époque, il y avait des loueurs de vélos sur la place, et de temps en temps, un gars venait avec un âne”.
“Mon papa adorait toute la nourriture industrielle. Il faut dire qu’il a fait les 3/8 une grande partie de sa vie. Par contre, il avait des plats : il aimait le lapin à l’aigrelette. Il avait une confiance absolue en un livre suranné de cuisine bourgeoise, le Ginette Mathiot, qui a dû traumatiser des générations de ménagères françaises”.
“J’ai un peu appris à cuisiner avec ma grand-mère bressane, qui était spécialiste de toutes les cuissons à la crème et au beurre, et qui adorait le braisé. L’ex-compagnon de ma mère, qui était du Dauphiné, cuisinait aussi très bien. Je l’ai beaucoup regardé faire des gratins, du filet mignon… Mais j’ai surtout appris tout seul car j’ai vécu seul très jeune. A la cité U, c’est moi qu’on requérait pour les repas en commun. Je me suis servi du livre de mon père et du Reboul.”
“Les olives, le bœuf et l’aubergine, c’est mon trio gagnant, mais je cuisine de saison. Alors aujourd’hui, je fais un sauté de bœuf aux cardes. C’est une inspiration spontanée, d’après la daube Sainte Gilloise : on y met de l’anchois et ça rend la sauce onctueuse. Là, comme c’est un sauté, la cuisson est plus rapide, 1 heure environ. Je prends de la gallinette, du paleron.”
“Les cardes, c’est provençal, mais pas seulement : tu les trouves en Algérie et aussi dans le nord de l’Italie, notamment dans le Piémont. Il y a des recettes délicieuses là-bas. L’intérêt de la cuisine provençale, c’est les herbes. Le thym, le romarin, la sauge. Mon compagnon est un très bon cuisinier et il est d’une autre culture culinaire, il ne comprend pas nos herbes. Lui, il cuisine avec des épices. Leur intérêt est aussi thérapeutique et prophylactique dans son pays d’origine où la médecine de ville n’est pas très développée. En plus, le piment est un outil de contrôle de la sudation.”
“Dans mon sauté, il y a du navet. Je suis un grand adorateur du navet. C’est délicieux en salade, râpé cru avec du citron, des amandes pilées et un tout petit peu de sucre. Cuit, c’est très bon avec du gingembre râpé, de l’ail pilé. Tu rajoutes de l’huile de moutarde, du curcuma, du cumin, un clou de girofle, tu fais revenir sans faire brûler, tu mets l’oignon, le navet haché, un peu d’eau, du sel, une demi cuillère de curry et un petit piment vert. C’est une inspiration du sous-continent indien. Ils font des mariages vraiment intéressants là-bas : ils cuisinent des poissons de rivière avec des aubergines, des choux-fleurs.”
Manu poursuit, passant de la cuisine à la culture à la politique : “Au Bengladesh, ils brandissent avec fierté le fait d’être tolérants avec les autres religions, même si l’Etat est islamique. D’ailleurs, presque la moitié de la population voulait enlever le terme « islamiste » du Bangladesh. C’est un pays pauvre, qui a pourtant accueilli les Rohingas. Comme souvent, comme à Noailles, c’est les pauvres qui aident les pauvres”
Sauté de bœuf aux cardes
Recette pour cinq personnes
– 500g de viande de bœuf -mais ça peut être plus
– des cardes
– 1 oignon pas doux
– 2 navets
– 1 carotte
– 5 anchois à l’huile
– des olives noires
– 3 gousses d’ail
– du thym, du laurier…
A cuisiner en écoutant le Belouga Quartet. Bélouga est l’anagramme de galoubet et Benjamin Melia, à l’origine du groupe, un complice et ami de manu.
La carde : J’enlève le trognon et je la pèle, comme le cèleri, et j’enlève les petites épines qui sont sur le côté et qui ne sont pas digestes. Après, je la découpe. En cuisine, je mesure en phalanges, 2 au début et plus ça s’affine, plus je rallonge. Je réserve le cœur -beaucoup plus doux- pour faire une autre fois avec des pommes de terre et du thym.
Je plonge les cardes dans l’eau bouillante salée, au moins 40 minutes.
Je coupe les navets et la carotte en tronçons et garde un bout de carotte pour le riz.
L’oignon : J’en coupe la moitié en tout petits dés pour les faire revenir et la moitié en demi anneaux.
On est prêt pour commencer la cuisson du bœuf.
Je lave la viande et la fais égoutter. Dans une grande sauteuse, un genre de wok, je fais revenir une gousse d’ail coupée en tranches très fines, très vite dans l’huile d’olive, pour qu’elle en prenne le goût. Je met l’ail sur le côté du wok pour pas qu’il brûle.
Je verse la viande directement et la fais revenir, puis, je rajoute l’oignon haché qui va donner un peu d’eau, toujours à feu vif. Je sale, je mets les herbes, laurier, thym. Ça se colore petit à petit et je rajoute un peu de poivre, puis, les rondelles d’oignon. Le temps qu’ils s’attendrissent et je verse les carottes et les navets.
Je remets un peu d’eau chaude à mi-hauteur. Je coupe chacun des 2 aulx en 2 tronçons, le germe fait la ligature. J’attends que ça bouille un peu et je baisse le feu.
Je goûte le bouillon pour voir ce qu’il faut : une pointe seulement de gros sel car après, c’est les anchois qui saleront. Il y a du « retro gusto », de l’arrière goût quand tu détailles le bouillon : la viande, les légumes et après les herbes…
Les légumes sont cuits. Je retire d’abord la viande, puis, les légumes. Et je remets la viande. Je rajoute un peu d’eau de cuisson des cardes qui continuent à cuire de leur côté. Là, c’est le dernier bouillon, je rajoute l’ail. J’aurais eu un peu de persil, je le mettais mais bon, comme je vais mettre de l’anchois, ça ira.
Quand la viande est cuite, je mets les anchois, au dernier moment sinon ils perdent leur goût. Je rajoute quelques olives au dernier moment car il faut juste qu’elles chauffent. Et en même temps, je remets les légumes. Je vais nous servir le sauté avec les cardes à côté et peut-être un petit riz, mais c’est pas obligé.
Ce que j’aime avec les cardes, c’est l’amer, et ce que j’aime avec l’amer, c’est que t’as pas besoin de manger beaucoup, tu as l’impression d’être rassasié assez vite. Et tout ce qui est amer est bon pour le son. »
Et Manu a choisi la belle voix italienne de Maria Mazzotta pour accompagner ce délicieux repas…
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