Gaz non conventionnels : silence, on creuse à Gardanne ?

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le 15 Fév 2011
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Gaz non conventionnels : silence, on creuse à Gardanne ?
Gaz non conventionnels : silence, on creuse à Gardanne ?

Gaz non conventionnels : silence, on creuse à Gardanne ?

Gaz de schiste. Le terme est devenu explosif depuis quelques semaines, à la faveur de la mobilisation d’associations et d’élus locaux, stupéfaits de découvrir que l’Etat avait accordé de gigantesques permis de prospection d’hydrocarbures sur leur territoire. Une polémique qui a poussé la ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusco-Morizet à suspendre toutes les opérations, en attendant de clarifier les conditions d’exploitation de ces gisements de gaz.

Mais à Gardanne les élus s’alarment : Achim Gertz, délégué Cap 21 pour les Bouches-du-Rhône raconte « qu’il est tombé un jour lors d’une balade en VTT sur un chantier dans la forêt de Gréasque. Quand je suis revenu plus tard, il n’y avait plus qu’une butte, ils avaient bouché le trou ». A ses côtés, le conseiller municipal Europe Ecologie-Les Verts (EELV) de Gardanne François-Michel Lambert s’indigne et appelle à un débat public sur le sujet : « les élus ne sont pas informés. Les structures de l’Etat ont des informations qu’elles conservent. Et qui vient devant les citoyens ? Personne, on passe par dessus. » Un collectif local tiendra sa première réunion ce mardi, rejoignant une vingtaine de regroupements créés ces derniers mois en France, et qui se rassembleront le 26 février à Valence.

Des petits trous

Avec un moteur de recherche et une bonne dose de patience, les deux écologistes réussi à reconstituer le fil des événements : un permis accordé en 2004 à la société European Gas Limited (EGL) pour 730 km2, renouvelé en juillet 2010 pour 365 km2. Avec parallèlement des études menées par le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), établissement public dépendant des ministères de la Recherche et du Développement durable, concernant le stockage du CO2, qui viendrait remplacer le gaz extrait.

Surtout, les élus notent qu’EGL fait référence à 36 forages dans un document. En fait, il est probable qu’il s’agit plutôt d’opérations réalisées il y a plusieurs dizaines d’années par le BRGM, dans le cadre de l’exploitation et du suivi de l’ancienne mine. Si depuis plusieurs années les rapports d’EGL mentionnent régulièrement qu’un forage est prévu, la préfecture des Bouches-du-Rhône nous indique qu’« il n’y a pas eu de travaux » et ajoute qu’une demande devrait comporter une étude d’impact.
C’est peut-être pour bientôt : le dernier rapport d’activité mentionne des études environnementales menées pendant le dernier trimestre 2010, et une demande de forage qui devrait être déposée au premier trimestre 2011. Est-ce toujours d’actualité ? Mystère, la compagnie n’étant pas disposé à communiquer pour le moment. L’anecdote du trou dans la forêt et des 36 forages est en tout cas révélatrice du manque d’informations que les élus dénoncent. Du côté du maire de Gardanne, on n’est au courant que depuis 2007, grâce à un article… du Républicain Lorrain, sur des forages, cette fois-ci réellement menés, par EGL. Mais le maire Roger Meï ne juge pour l’instant pas nécessaire de communiquer.

Au charbon

Sous leurs pieds, les réserves sont estimées à 2,803 milliards de m3 de gaz. Pas rien. Mais pas non plus le Qatar : c’est grosso modo environ 5% d’une année de consommation en France. Ce qui fait se demander à Michèle Rivasi, députée européenne EELV « si le jeu en vaut la chandelle ». Et de détailler les risques pour l’environnement, en particulier l’eau, de la fracturation, une technique utilisée pour extraire le gaz de schistes. « Il ne faut pas être trop alarmiste sur ce côté car on va nous répondre que le gaz de houille est plus facile à extraire que le gaz de schiste. Là on est dans les veines de charbon, où se trouve du méthane, qu’on appelle grisou dans les mines », intervient Achim Gertz.

Là encore, les politiques sont dans le flou. En particulier, ils ne savent pas si la très controversée technique de fracturation – où de l’eau, du sable et des produits chimiques sont injectés à haute pression (voir le « jeu » mis en ligne par Owni) – serait utilisée à Gardanne. Pour ne rien arranger, ni l’IFP ni le BRGM ne communiquent plus sur le sujet.

Reste la mine de documents que représente le Web, où l’on comprend vite que le projet rentre dans la catégorie « Coal Bed Methane » (CBM) qui est notamment exploité de manière assez importante aux Etats-Unis depuis les années 80. Le principe : les gisements de charbon ne sont pas des blocs compacts mais stockent du gaz et comprennent tout un réseau de fractures, où l’on trouve également du gaz mais surtout de l’eau. En pompant cette eau, on crée une dépression qui permet de libérer puis d’aspirer progressivement ce gaz. CQFD.

Problème n°1 : l’eau

Reste à savoir quelles sont les conséquences de cette exploitation. « D’un point de vue environnemental, la production associée d’eau constitue une réelle contrainte. Dans le bassin de la Powder River, dans l’état du Wyoming aux États-Unis, l’eau était par exemple utilisée en surface, évacuée dans des cours d’eau ou des bassins de sédimentation ou vaporisée sur des terres agricoles. Dans certains cas, les minéraux contenus dans l’eau ont réagi avec le sol, ce qui a nui aux activités agricoles. Dans d’autres cas, la quantité d’eau évacuée ou la différence de qualité entre l’eau évacuée et celle du cours d’eau a posé problème », apprend-on dans un document de l’Institut français du pétrole (IFP), qui évoque cependant une évolution des pratiques et des recherches pour atténuer ces effets.

En tout cas ça commence mal… Dans un communiqué, le NRDC, une très puissante ONG américaine, explique également qu‘ »afin d’augmenter la quantité de méthane extrait du charbon, des fluides sont pompées dans les formations via un puits à de très hautes pressions pour fracturer les veines de charbon ». Nous y voilà. La suite est connue : « la possibilité que les produits toxiques et cancérigènes utilisés dans les fluides de fracturation hydrauliques contaminent les sources souterraines d’eau de consommation est importante ».

A propos de cette technique, François-Michel Lambert avertissait notamment que « dans le meilleur des cas 30% de cette eau chimique reste dans des couches fortement secouées. » Dans un autre point sur le CBM, rédigé par James Cobb, directeur de l’Institut géologique du Kentucky, on apprend que la technique des puits horizontaux, où l&#8
217;on creuse des galeries d’une centaine de mètres après avoir foré verticalement, est également une possibilité pour l’extraire. EPG prévoit-elle de les utiliser à Gardanne ? Là encore, mystère. Et même si l’extraction était soft, « on ne l’accepterait pas pour autant car il est urgent d’engager tous nos efforts vers les énergies renouvelables », ajoute Achim Gertz.

Un lien Première réunion du collectif à 20h au local de l’UL-CFDT, 7 rue Mignet à Gardanne. Contact : collectifgazgardanne@laposte.net

Un lien Une plate-forme pétrolière à 24 km des côtes provençales, ça vous tente ?, sur Marsactu

Un lien Gaz de charbon : miracle ou malédiction ?, par la Western Organization of Ressource Councils (en anglais)

Un lien Le site d’European Gas Limited, où l’on trouve des rapports d’activité (en anglais aussi)

Un lien Cap 21 attaque une modification du code minier qui facilite la tâche des compagnies, sur Terra eco

Un lien Le point sur les permis accordés dans la région et les réactions qu’ils suscitent, par les Echos

Un lien La carte des permis en France, où l’on voit que deux demandes sont en cours d’instruction pour des territoires conséquents dans la région


Chemin des Mines, 13120 Gardanne, France

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Commentaires

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  1. Casanovette Casanovette

    On va leur mettre le Feu !!! ça suffit les conneries !

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  2. bastien bastien

    Oh mais on a plus d’industries !! tout est pari en Chine, Inde, Vietnam …. Faut bien que notre Pays ait de l’ambition, retrouve une vraie croissance qui génère de la richesse pour TOUS !
    La France régresse de jour en jour ça fait peur, je vous le dit mes amis !!!
    Et tant mieux si on trouve des matières premières dans notre sol, on sera moins dépendants de ceux (OPEP) qui nous augmentent le baril de pétrol de +500% en 10ans …..
    Et ceux là qui couinent pour 36 petits “trous” sur l’immensité de notre territoire sont les premiers à couiner car leur plein de gaz-oil leur coutent trop cher, peux être que leurs enfant se diront que ça vallait le coup ! tant économiquement, qu’écologiquement !!
    alors oui, c’est comme en médecine: il faut peser le bénéfice – risque d’un traitement, et les investissement coutent peut être cher en terme d’environnement (local) mais il faut étudier les bénéfices économiques, écologiques qu’ils nous raportent… et si ce gaz nous payait la LGV Marseille – Nice ou des hopitaux plus modernes avec des équipements de pointe et de la recherche pour sauver des vies … ? 🙂 nouveau concept: L’investissement pour l’investissement, le bien-être des populations de notre beau pays…
    Tous ce qui s’opposent pour s’opposer ne sont pas patriotes mais des égocentriques et des égoïstes … Ils doivent comprendre qu’il ne faut pas lutter mais accompagner ce genre de projets en étant partie prenante et en soumettant des idées et en étant constructifs (même débat pour le GPMM et la CGT): l’intérêt de TOUS (de la ville et de tout son tissu économique et de ses habitants) est sacrifié sur l’hôtel de certains petits bénéfices particuliers …

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  3. Chris Chris

    Ce qui fait se demander à Michèle Rivasi, députée européenne EELV « si le jeu en vaut la chandelle ».

    …probablement pas plus que la cochonnerie de lignite qu’on a auparavant extrait de ces mêmes mines…

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  4. Jojomigrateur Jojomigrateur

    Il faudrait faire des recherches et cela n’a peut-être aucun rapport, mais je me souviens qu’il y a quelques années, après la fermeture des mines de Gardanne, les riverains avaient signalé des secousses sismiques sur la zone, essentiellement la nuit.
    Alors que certains se demandaient si ces mines abandonnées ne servaient pas à des expériences mystérieuses, le phénomène avait été imputé à l’ennoiement suivi de l’effondrement de certaines galeries, ce qui avait laissé beaucoup de monde sceptique.
    Sans être spécialiste, est-il absurde de se demander si cette histoire ne devrait pas être revisitée avec l’éclairage de la recherche de gaz de schistes sur la zone ?

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  5. Yvette Yvette

    Bonjour Bastien ,ton comentaire est intéressant ,les chercheurs dans ce domaine ne manque pas et a mon avis il serait plus intelligent de porter notre attention sur ceux qui respectent la nature et qui s’adapte a elle …ex les algues .je t’invite a voir le film sur le gaz de schiste qui a été extrait en Amérique ceci porte a réfection . A toi de voir … Bonne journée .

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