Béton Art Mai
Béton Art Mai
Avec l’exposition Rudus, Ruderis, la Double V Gallery nous révèle la perception tout à fait romantique d’Ugo Schiavi, sculpteur aimant les grands écarts dans le temps. L’ensemble des œuvres bétonnées qu’il nous présente se révèle aussi magistral que déroutant. Héros du quotidien, clins d’œil à l’antiquité… Le mythe se raconte sous nos yeux ébahis. Un éloge des décombres qui séduit passionnément… à la folie.
L’exposition toute personnelle Rudus, Ruderis qui se tient actuellement à la Double V Gallery est une restitution archéologique moulée dans la beauté. Il y a du gris, de la dureté, du relief et de l’intensité. Toutes les sculptures du jeune artiste Ugo Schiavi se lisent comme les partitions du romantisme et de la mélancolie. Et aucun des messages délivrés ne nous ennuie.
Si la matière première est le béton, le sculpteur reconnaît aussi avoir utilisé de la silicone à base d’algues dont la consistance « chewing gum » laisse des traces granuleuses sur les œuvres. Comme des cicatrices, des vergetures, voire « des rides » de créativité que l’on retrouve çà et là, d’une sculpture à l’autre. Un impact physique recherché qui rend les modèles encore plus fiers (d’être marseillais ?).
Mais que nous donne-t-on à voir ? Des symboles tout d’abord, à l’instar de Pythéas, premier navigateur-explorateur originaire de Massalia et dont on retrouve la superbe aux abords de la Mairie. Des modèles vivants, ensuite, qui posent « à l’antique » et deviennent naturellement aussi mythiques et héroïques que tous les dieux réunis. Le supporter marseillais qui est ici sculptural à souhait incarne le protagoniste sacré d’une mythologie footballistique propre à notre cité. La représentation du « combat de rue » offre une jolie métaphore de la mythologie : un univers où les histoires de sexe, les romances et les querelles sont légion…L’allégorie a du bon !
À travers cette scénographie bien pensée, Ugo Schiavi crée un diorama aussi bétonné que singulier. L’objectif ? Que le spectateur ait la sensation de se trouver dans un museum d’histoire naturelle (la végétation semée dans chaque coin et recoin) ou un musée d’archéologie (les palettes de bois volontairement conservées). Comme si les pièces à l’honneur n’avaient pas encore été restaurées ou analysées. Les éléments essentiels de cette installation peu ordinaire ont été prélevés dans Marseille. Les bases et outils de travail utilisés sont donc bien ancrés, même si le résultat final se perçoit comme une réalité intelligemment déstructurée.
Dans ce ballet de la temporalité, le visiteur constate que la magnificence peut être curieuse à regarder. Qu’il s’agisse d’une basket montante fermement « catchée » par une main peu farouche ou d’un short en jean agrippé de façon osée, les sculptures entretiennent le lien, l’attache, l’intimité du toucher, voire du palper. Finalement, ces œuvres amputées de l’intégralité de leur être, mutilées mais fastueuses, sévères mais gracieuses, constituent d’admirables « morceaux choisis ». Tout en les scrutant, fragment par fragment, il nous semble possible de rendre fabuleuses nos vies. Ainsi représentés, les modèles sont sacralisés et leurs postures nous laissent bouche bée. C’est en ce sens qu’Ugo Schiavi réalise un coup de génie. En sculptant son environnement, il dissémine une bonne dose de magie.
Pauline Puaux
Ugo Schiavi – Rudus, Ruderis : jusqu’au 16/06 à la Double V Gallery (28 rue Saint Jacques, 6e). Rens. : 06 65 10 25 04 / www.double-v-gallery.com
Pour en (sa)voir plus : www.ugo-schiavi.com/
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