Les syndicats et le procureur s’opposent sur le meilleur repreneur pour Ascométal
La justice a commencé l'examen des deux offres de reprises du groupe sidérurgique Ascométal qui détient une usine à Fos-sur-Mer. L'une d'entre elles, plus avantageuse socialement, semblait partir favorite. Jusqu'à ce que le procureur de la république donne un avis contraire.
Deux offres, deux horizons différents. Ce mercredi, la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg a écouté les deux candidats à la reprise d’Ascométal, qui emploie notamment 350 personnes à Fos-sur-Mer. Selon la décision du tribunal, attendue lundi, l’avenir du site fosséen ne prendra pas le même chemin : celui d’une conservation totale du site ou celui d’une sauvegarde partielle, menaçant à terme 120 postes. En attendant de mettre un point final à cette période de redressement judiciaire qui dure depuis novembre dernier, les salariés de Fos guettent les signaux qui, aux dernières nouvelles, n’annoncent rien de bon.
“On se méfie des tribunaux, mais il y a des signaux forts”, estimait encore hier dans la journée Christian Pantoustier, délégué central CGT à Ascométal. Ce mardi, les comités d’entreprise des cinq sites français d’Ascométal et de son siège ont voté pour leur candidat favori. Avec trois voix pour et trois abstentions, le groupe du repreneur anglo-indien Liberty House semble recueillir la faveur des représentants syndicaux par rapport à son rival. À Fos, cette offre a fait l’unanimité des voix.
Une offre mieux-disante socialement
Liberty House, qui a été le premier a proposer le maintien de l’usine provençale, propose l’offre la plus avantageuse socialement. “C’est simple, entre les deux offres, il y a presque 500 postes d’écart, et supprimer 500 postes, c’est inadmissible”, défend le syndicaliste, qui compte également les sous-traitants d’Ascolmétal*. Liberty House prévoit en effet de garder la totalité des salariés. Ce qui n’est pas le cas de l’autre candidat, le groupe Schmolz + Bickenbach, fondé en Allemagne et aujourd’hui basé en Suisse, qui envisage de ne garder que 1243 salariés sur les quelques 1600 que compte le sidérurgiste et de fermer une aciérie géante du groupe dans les Hauts-de-France. Mais, ce mercredi soir, les comptes-rendus de l’audience qui se tenait à Strasbourg sont venus tout remettre en question. Et la confiance s’est transformée en colère après que le procureur de la République a fait savoir qu’il penchait pour l’offre de S + B.
“Rien n’est encore joué, mais si les Allemands rachètent, on ne répondra plus de rien. Et je peux vous dire qu’il y aura des actions importantes, même à Fos”, réactualise Christian Pantoustier, nerveux. Car si aujourd’hui Schmolz + Bickenbach compte garder le site de Fos, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans un premier temps, l’offre prévoyait de conserver le site de Dunkerque, tout en fermant celui de Fos, avant de remédier à cette incohérence, le premier site dépendant du second pour des raisons de production. Mais bien que dans son offre, S+B conserve le site, le groupe prévoit également de fermer le “service fils”, qui emploie environ un tiers des salariés d’Ascométal à Fos-sur-Mer, soit environ 120 personnes.
“Nous voulons garder notre identité”
“En fait, les Allemands veulent faire marcher leurs outils. Avec eux, nous sommes en sursis. Ce qui les intéresse, c’est d’acheter des parts de marché. Ils ne sont pas là pour faire vivre l’aciérie française”, s’inquiète Christian Pantoustier, qui à l’inverse, vante les mérites du groupe Liberty House : “Non seulement il prévoit le maintien de l’emploi dans l’ensemble du groupe mais aussi la pérennité de l’activité avec une stratégie mondiale intéressante qui nous permet de conserver notre identité”, ajoute-t-il. Interrogé par le Républicain Lorrain, le délégué CGT Yann Amadoro estime toutefois que le tribunal ne se contentera pas d’examiner le volume d’emploi conservé, “mais aussi la pérennité (…) Liberty est plus sur une offre de développement, c’est un peu un pari. L’offre allemande, elle, est plus sur de la consolidation de marché, avec moins de risque sur le long terme.”
Christian Pantoustier n’est pas le seul à considérer le patron de Liberty House, Sanjeev Gupta, comme un sauveur. Au début du mois de juin, le journal Les Echos consacrait un long portrait à cet homme titré “le milliardaire qui relance les sites sidérurgiques en crise”. Dans un communiqué, l’industriel a annoncé vouloir “sécuriser l’avenir d’activités sidérurgiques françaises emblématiques”. Sanjeev Gupta compterait ainsi investir dans sa nouvelle acquisition 300 millions d’euros sur cinq ans “pour stabiliser et développer l’activité, et notamment [avec] un investissement de capitaux de 100 millions d’euros pour rénover les sites et augmenter leur production“, a-t-il encore fait savoir par voie de communiqué. Mais cet investissement prévoit une aide des pouvoirs publics.
PACA soutient, mais Grand Est décline
Si, la semaine dernière, l’entourage du président de la région PACA Renaud Muselier confiait à Marsactu être prêt à mettre la main au porte-monnaie à hauteur de 5 millions d’euros, il n’en va pas de même pour la région Grand Est. “Au départ, Grand Est devait mettre 8 millions, finalement, elle n’en mettrait qu’un”, précise Christian Pantoustier. Une nouvelle qui a peut être motivé l’avis du procureur de la République, qui a préféré l’offre S+B notamment parce qu’elle ne comprend pas d’aides publiques. Pour autant, le montage financier de Liberty House, qui maintient son offre, ne change pas. “Ils prévoient de compléter avec leurs fonds propres”, rend compte le représentant du personnel.
“Cela m’intrigue et je suis inquiet de la position qu’a adopté le procureur de la République”, s’inquiète à son tour le député communiste de la 13e circonscription Pierre Dharréville qui s’est rendu la semaine dernière à Bercy pour évoquer ce dossier avec le gouvernement. “Objectivement, l’offre de Liberty est la meilleure en terme d’emplois et de sites préservés. J’espère que les juges qui connaissent bien le dossier feront le bon choix”, explique-t-il, inquiet, à Marsactu.
L’avis du procureur de la République vient ainsi contredire des indices que le président de la République lui-même avait distillé quelques jours plus tôt. En visite ce lundi dans une usine Toyota des Hauts-de-France, à quelques kilomètres de l’aciérie géante d’Ascoval (coentreprise d’Ascométal avec Vallourec) que Schmolz + Bickenbach ne compte pas reprendre, Emmanuel Macron aurait glissé à la maire de la commune qu’elle pouvait “dormir sur ces deux oreilles”, indique La Voix du Nord. Le tribunal de grande instance de Strasbourg fera-t-il mentir le président de la République ? Réponse le 29 janvier.
*Précision apportée le 25/01/2018 sur le fait que les 500 postes cités englobent également les sous-traitants.
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