Ezéchiel Zérah vous présente
La chronique gastronomique

À la recherche du marron glacé non aubagnais

Chronique
le 23 Déc 2017
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Chaque mois, le chroniqueur culinaire Ézéchiel Zerah nous offre sa vision de l'art de la table à Marseille. En cette veille de noël, il se met en traque des meilleurs marrons glacés.

Marron glacé, Tamaki, Creative Commons.
Marron glacé, Tamaki, Creative Commons.

Marron glacé, Tamaki, Creative Commons.

Avec Noël imminent, quitte à faire dans le marronnier, autant charger la barque et causer marrons glacés. Bonne nouvelle, Marseille est l’un des (rares) centres névralgiques français de la chose. Ou plutôt Aubagne depuis que la maison Corsiglia a déserté la rue François Progin pour s’agrandir.

Là-bas, jusqu’à 90 personnes s’attèlent à lustrer de la châtaigne en saison pleine. Déjà un quart de la production annuelle se fait la malle pour les clients des pays du Golfe et autres destinations hors frontières comme le Japon où la légende raconte que depuis que l’Empereur a touché au mont-blanc, ses sujets sont devenus accros. L’honnêteté m’oblige à dire que je suis un converti sur le tard : ma mère s’est toujours fait offrir de délicats ballotins auxquels je touchais peu. C’est l’idée du marron glacé plus que le marron glacé lui-même qui m’a séduit. Tri, épluchage vapeur, emmaillotage dans une mousseline de coton avant de les blanchir, opération confisage sept à huit jours, glaçage, emballage dans son petit papier doré : le marron sucré de fin d’année est la Rolls de la confiserie et traduit toute la patience nécessaire à l’artisan qui le confectionne (mieux vaut pas de marrons du tout qu’un mauvais marron, exit donc les vilaines boîtes cartonnées des discounters).

Il y a deux samedis de cela, je me suis mis en tête de courir la ville à la recherche de marrons glacés dignes de ce nom, Corsiglia ou pas. La vendeuse senior de Marrou à Castellane avait raison : Corsiglia «inonde la ville». L’entreprise familiale est une fierté locale et je fais partie des (nombreux) admirateurs (notez que le magasin d’usine ouvre exceptionnellement ses portes jusqu’à 17 heures ce samedi). Mais les fidèles lecteurs de cette chronique savent mon souci de l’alternative à mettre dans le bec. Marrou ? Puyricard ? Jeff de Bruges aux Terrasses du Port ? Raté, Corsiglia. Idem pour la pâtisserie Riederer qui a choisi sur catalogue le marron de Naples ou Plauchut qui affiche ses préférences pour l’origine turinoise et se targue de ne pas faire exploser les portefeuilles (« On est à 125 euros le kilo contre 180 euros pour les confrères et on les emballe en plus devant le client »). Quant à Dromel sur le Prado, l’adresse appartient aux Corsiglia… Je ne me suis pas avoué vaincu pour autant. Chez Noailles (Torréfaction), on fait dans le savoir-faire ardéchois, comprenez que c’est le fameux Sabaton qui est à la manœuvre avec ses marrons rustiques aux cristaux de sucre visibles à 2,30 euros la pièce. À l’Epicerie Gourmande (137 rue Mermoz), on joue l’originalité avec les (excellents) coffrets de la maison Charaix située, ça ne s’invente pas, à Joyeuse en Ardèche. Comme Sabaton, le marron glacé Charaix opte pour la tendreté avec un cœur quasi-crème de marron mais s’avère moins sucré. Comptez 3,50 euros l’unité tout de même.

Pour ceux qui voudraient éviter la couleur locale, je suggère également le travail du chocolatier belge Pierre Marcolini, qui affine ses marrons à la vanille. La comédienne Marie Facundo (Le Placard, Nos Chers Voisins) ne jure elle que par la Mère de Famille à Paris. Vrai que cette confiserie historique est une bonbonnière irrésistible. Et pour un effet encore plus chic l’an prochain, tentez le « Ah, tu te fournis en Corsiglia chez untel ? Moi je passe directement commande à Giovanni Galli à Milan ». Je n’oublie pas un produit dérivé que l’on commence à se refiler sous le manteau à savoir la gelée pomme vanille aux marrons glacés de la confiturière Catherine Manoël.

Avis aux fervents défenseurs du strict papier doré : l’INA a mis au début du mois sur sa page Facebook une délicieuse et désuète vidéo des années 50 autour de la gourmandise suprême. Il faut y lire les commentaires associés : il y a Evelyne qui regrette l’inflation du marron glacé à cause du cynips parasitant les châtaigniers et faisant logiquement baisser la production ou encore Fabienne qui tient à rappeler qu’en déposant la marque « marrons glacés » dans leur pays, les Japonais obligent les producteurs hexagonaux à retirer toute mention à l’export. Denyse elle aussi s’insurge. « Comment ça gourmandise d’hier ? Je ne connais rien de meilleur ! ». Au rayon des optimistes, Kazuki souligne l’élégance des ouvrières de l’époque quand Raymonde confie que le marron était « la seule friandise de (sa) grand-mère, cachée dans son armoire ». Sur ce, je vous laisse et m’en vais regarder l’épisode 31 de la saison cinq de Bonne nuit les petits. Une petite idée du sujet ?

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