Le vaisseau hôtelier de la Canebière sort enfin du brouillard

Actualité
le 4 Oct 2017
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Après plusieurs mois de retard dus à des aléas de chantier, le projet d'hôtel sur la Canebière prend forme. Mais cet emblème du renouveau du centre-ville cache mal les aléas du projet de rénovation du cœur populaire de Marseille.

Le vaisseau hôtelier de la Canebière sort enfin du brouillard
Le vaisseau hôtelier de la Canebière sort enfin du brouillard

Le vaisseau hôtelier de la Canebière sort enfin du brouillard

En latin, alea signifie “coup de dés”. En langage de chantier, gros soucis. C’est ce que le groupe Fondeville a découvert en 2016 en mettant à nu la structure de l’immeuble hausmannien qui doit accueillir un hôtel quatre étoiles sur la Canebière, dos à Noailles et à la place des Capucins. Un aléa qui a mis un coup de frein au démarrage du chantier (Lire notre article).

La Soléam, la société d’aménagement de la métropole, et le groupe immobilier organisaient une visite de presse ce mardi pour éclairer ces difficultés et l’avancée du chantier. “Nous avons constaté que l’ensemble des étages supérieurs reposaient sur des poutres et piliers en acier, qui sont venus remplacer les murs en pierre qui composaient la structure au XIXe siècle et que l’on retrouve dans les étages, raconte Emmanuel Dujardin, l’architecte et patron de l’agence Tangram. Ces travaux, assez comparables à ce que nous faisons aujourd’hui avec le béton, datent sans doute des années 20 ou 30, époque à laquelle l’acier était le matériau roi.” 

Lors de sa construction au milieu du XIXe siècle, l’îlot des Feuillants était composé de cinq immeubles distincts. Au début du siècle, les surfaces du rez-de-chaussée sont transformées en locaux commerciaux. “C’est sans doute à cette période que les structures métalliques du type Eiffel ont été installées en remplacement des murs porteurs, explique Emmanuel Dujardin de Tangram. À cette époque, une rue intérieure coupait en deux l’îlot de la Canebière à la rue Feuillants.” Ces surfaces sont ensuite découpées en plusieurs locaux commerciaux avec mezzanines. Bien plus tard, l’immeuble prendra le nom de Bata, d’après la marque du chausseur installé là. L’ancêtre de la Soléam, Marseille aménagement, a acquis l’ensemble de l’immeuble dans le cadre du périmètre de restauration immobilière,  sans déboucher sur un projet concret. Au final, la société d’économie mixte revend son patrimoine à la Ville à la clôture de l’opération et le projet d’hôtel émerge, en 2012.

 Bruits de chantier enregistrés

Dans l’immeuble aux structures mises à nu, les poutrelles et piliers style Eiffel dessinent des pieds de dentelle au futur hôtel. Depuis, les structures ont été renforcées par des piliers et des poutres en béton. Mais le décalage de temps a mis en branle la machine à rumeurs autour d’un projet emblématique du renouveau vanté du centre-ville. “On nous a même dit que les bruits de chantier que l’on entendait à l’extérieur étaient des enregistrements destinés à donner le change”, soupire une salariée du groupe Fondeville. Les aléas ne se sont pas arrêtés là. La dalle du rez-de-chaussée mise à bas, le sol sur lequel repose l’immeuble s’est avéré plus humide que prévu. Rivière souterraine, sources, remontée de la mer depuis le Lacydon ? Nul ne sait mais l’eau est là.

Le groupe a donc pris toutes les précautions pour sécuriser le bâtiment et ceux alentours. “Nous avions étudié différentes possibilités, explique Raymond Fondeville, le président du groupe familial à un aréopage d’élus réunis pour la visite. L‘une d’elles était de pomper l’eau présente en sous-sol. Nous avons fait un référé préventif concernant les autres immeubles [cette procédure vise à faire visiter des immeubles avoisinants par un expert dans le cadre d’une procédure judiciaire, ndlr] car, en pompant l’eau, nous risquions de les fragiliser.” Au final, le groupe a fait le choix de renforcer les fondations, sans pomper l’eau souterraine.

Le président du groupe Fondeville entouré d’élus municipaux.

La fin du spa

Ce nouvel aléa a eu pour conséquence une révision du projet. Ainsi, le spa qui devait prendre place côté Capucins a été remplacé par une salle de sports avec fenêtre donnant sur le marché. “Le spa a été effectivement écarté du fait d’une moindre disponibilité des sous-sols, explique Mathieu Blanc, directeur du pôle santé et hôtellerie chez Fondeville. La question est encore de savoir si on placera tout de même un jacuzzi…”

Pour le reste, le projet n’a pas bougé même si l’ouverture est désormais projetée au printemps 2019. L’hôtel compte toujours 4 étoiles avec 90 chambres exploitées par le réseau Mercure (groupe Accor), une salle de réunion, un espace de co-working et une brasserie “bistronomique” de 132 places assises et 55 en terrasse sur le petit triangle dessiné par le croisement de la rue des Feuillants et la Canebière.

“Hôtel Mercure Canebière Vieux-port”

Ledit hôtel portera un nom calibré pour les moteurs de recherche, “Hôtel Mercure Canebière Vieux-Port” et s’inscrit volontiers dans l’opération de com’ “Ambition centre-ville” portée par la Ville. La maire de secteur, Sabine Bernasconi (LR) rappelle l’arrivée prochaine d’un nouveau cinéma en lieu et place de sa mairie et l’installation de ladite mairie juste en face du futur hôtel. “Nous sommes dans le cœur de la ville, son âme profonde, formule-t-elle. Nous avons maillé le centre de projets structurants. Le département devrait annoncer dans quelques semaines une nouvelle installation en pied d’immeuble”.

Image Tangram.

Au-delà de la vitrine de la Canebière, le véritable enjeu se situe à l’arrière de l’immeuble, dans ce quartier Noailles, souvent vanté pour son foisonnement métissé mais largement oublié à la fois dans la prise en compte de ses espaces extérieurs et de son habitat très dégradé. “Nous n’oublions pas Noailles, se défend la maire de secteur. La place des Capucins va être en travaux en fin d’année avec une reprise des sols et des velum des 16 marchands de primeur”. Des travaux pris en charge à 80% par le ministère de la cohésion des territoires. Comme annoncé, le marché sera déplacé pour six mois sur le haut de la Canebière, entre le kiosque à musique et le monument des mobiles.

Piétonnisation de la rue d’Aubagne

Cette rénovation légère n’élude pas totalement une réflexion plus large portée sur le quartier dans tous ses aspects. Or, si la construction d’un hôtel de luxe sur l’artère centrale de la Ville n’apparaît pas inopportune, son adossement à un quartier populaire dont la réhabilitation dure depuis plus de 20 ans pose question. En 2014, dans le cadre du projet grand centre-ville porté par la société publique d’aménagement Soléam une réflexion a été menée par une équipe de sociologue et d’urbanistes en concertation avec les habitants. Elle portait sur les questions d’aménagement urbain, de gestion de proximité, de propreté, de sécurité, de transports et d’habitat…

Plusieurs mois plus tard, elle a débouché sur un plan-guide rendu à la municipalité mais jamais diffusé aux habitants, premiers concernés. “Dans les semaines qui viennent, nous allons communiquer en direction de la population, se défend Gérard Chenoz, président (LR) de la Soléam. Nous avons construit un nouveau plan de déplacement avec une semi-piétonnisation de l’ensemble du quartier. À commencer par la rue d’Aubagne qui sera équipée de vrais plots rétractables.”

Tronçon mis en plateau

Ce plan de déplacement était un des points durs du projet Noailles, car directement lié à la fois à la rénovation de La Plaine mais aussi à celle des axes structurants du cours Lieutaud, du Jarret et, plus loin, de la mise en service de la rocade L2 censée désengorger le centre-ville d’une partie de son trafic.

“Il faut ajouter le programme de mise en plateau des rues du quartier, plaide Sabine Bernasconi. Après la rue Pollak, nous allons lancer les travaux de la rue de l’Académie en 2018″. En revanche, elle reconnaît que le plan-guide, censé porté la réflexion globale de la municipalité sur le quartier “est encore au stade des arbitrages entre élus”. Un arbitrage qui dure -au bas mot- depuis deux ans.

Mais ce n’est pas simple et si on communiquait à tout va, vous nous reprocheriez des effets d’annonce, plaide la maire du centre-ville. Prenez la question des déchets : il faut arbitrer pour savoir si on met en place des bacs de tri sélectif, des composteurs collectifs et de quel type. Or, cette question a forcément un impact sur la gestion des espaces publics. Mais n’allez pas croire que nous ne concertons pas avec la population. J’étais encore la semaine dernière avec l’association de la rue de l’Arc. Les choses avancent même si on ne communique pas dessus.”

Membre du collectif Noailles et ardent défenseur de la piétonnisation du quartier, Mathieu Trigon reste sceptique. “La mise en plateau de la rue de l’Académie, c’est très bien mais cela ne concerne qu’un court tronçon de la rue sans que l’on sache vraiment pourquoi, si ce n’est des problèmes budgétaires. D’un autre côté, Gérard Chenoz promet des annonces. Bref, c’est flou. Et on attend toujours le plan global de rénovation du quartier, et du centre-ville”.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    On ne communique pas mais on communique qu’on communique sans communiquer, on communique qu’on réfléchit à “mettre en plateau” des petits bouts de rue. Aucun plan d’ensemble pour le centre ville de Marseille ! C’est triste à dire, nos élus ont la hauteur de vue d’un CIQ

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Mais puisqu’on vous dit qu’il y a un “plan”. Il a un nom : “Ambition centre-ville”. Mais pas de calendrier, pas de budget, pas de contenu. On jurerait que c’est Miron qui l’a écrit.

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    • Voyageur Voyageur

      Merci de me faire rire à ma pause journal.

      Mais je crois bien qu’il y a un plan d’ensemble pour le centre ville de Marseille. Toujours le même malheureusement depuis plusieurs siècles : dégager, et à défaut contenir, les classes dites dangereuses.
      On ne peut que saluer la belle ténacité des édiles massaliotes et des patriciens qui leurs ont offert leurs sièges.

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  2. LaPlaine _ LaPlaine _

    Quel sens de ‘euphémisme : “Cette rénovation légère n’élude pas totalement une réflexion plus large portée sur le quartier…” Notons également le propos gaudinesque repris par bébé Bernasconi “Mais ce n’est pas simple…” Cela fait vingt ans que ce n’est pas simple si bien que “l’on” ne fait rien par manque de volonté. Si c’est un problème budgétaire (ce dont je doute) il pouvait être réparti sur toutes ces années d’immobilisme municipal. Et toutes ces études, rencontres, déambulations urbaines, plan-guide… pour ne rien faire ou si peu. En entreprise c’est bien ce qu’on appelle une incapacité à exercer sa fonction. Pour le positionnement de l’hôtel (plus de Spa au passage, bientôt trois étoiles…?) je reste très sceptique (la terrasse au coin…).

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    • Voyageur Voyageur

      bien dit !

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    • ElGandul ElGandul

      À la place du SPA, une salle de sport avec vue sur le marché ! On nage en plein délire.

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  3. Alceste. Alceste.

    Gaudin se prétend ancien professeur d’histoire , il est raconteur d’histoires tout au plus .Il est donc bien dans cette ligne depuis des années et notamment avec ce soi disant projet rénovateur. Il faudrait quand même que nos petits amis de la municipalité se sortent de la pratique de la méthode Coué , à long terme cela fait vraiment des dégâts au niveau psychologique.

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  4. corsaire vert corsaire vert

    Encore des lecteurs qui n’ont pas compris le message de la maire de secteur et de son mentor Gaudin …on tchatche ,on tchatche,( cela s’appelle communiquer ) avec un point d’orgue au moment des élections , un peu de goudron par ci par là , un peu de peinture ,une poubelle qui dégueule son trop plein, et voilà mission accomplie !
    La saleté et l’insalubrité c’est pour la couleur locale ! les touristes adôôôôôrent s’encanailler rue Longue, avec les vendeurs de cigarettes à la sauvette, les rats qui courent entre vos jambes et l’eau sale qui ruisselle au milieu de la rue …
    A l’heure des touristes, les cafards sont planqués , dommage !!! ils refusent de participer à la vitrine de réhabilitation du centre- ville , quels ingrats !

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  5. Dark Vador Dark Vador

    Pour A. de Meria : J.-C. Gaudin a effectivement exercé une activité professionnelle, une seule, professeur d’histoire, mais seulement six mois! en tout et pour tout… Il s’en vante très souvent, pour “prouver” qu’il sait ce que c’est qu’un “vrai travail”… Ho Bonne Mère…

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  6. Alceste. Alceste.

    Merci de cette précision qui éclaire encore plus ma lanterne et qui confirme bien son statut de con…..teur

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  7. Voyageur Voyageur

    Donc le problème de gale dans les murs a été traité ? Sur tout le pâté de maison ainsi que les immeubles limitrophes ? Parce que lors de la construction de la caserne de pompiers, puis du commissariat de police ce problème de gale avait empoisonné les occupants. Et empoisonne encore un grand nombre d’immeuble anciens du centre.
    Tout comme les punaises de lit qui ont envahit la cité depuis 5 ans ?

    Parce que ce type de problème qui relève tout de même de la santé publique (avec la dératisation et autres joyeusetés), les locataires marseillais sont invités à se débrouiller tout seul en général : comme si on pouvait traiter tout un environnement laissé à l’abandon par les propriétaires et les autorités publiques. Lesquels continuent de percevoir loyers et taxes sans traiter les immeubles en entier.

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