Parc Corot : la catastrophe annoncée des copropriétés dégradées
Suite aux articles publiés par Marsactu sur le Parc Corot, copropriété dégradée du 13e arrondissement, Alain Fourest, initiateur de la politique de la Ville à Marseille et militant depuis plusieurs décennies au sein de différentes association de défense des droits de l’homme et de protection des minorités, nous a fait parvenir cette tribune, que nous avons choisi de publier ici, dans l’espace de libre expression qu’est l’Agora.
Les deux articles publiés par Marsactu récemment ne sont que le reflet d’une situation dramatique qui concerne directement les conditions de vie de près de cent mille marseillais, en majorité propriétaires de leur logement, et qui ne peuvent plus faire face aux indispensables travaux d’entretien et de grosses réparations. Les copropriétés où ils ont choisi d’habiter il y a parfois plus de cinquante ans, ont mal vieilli et sont recensées à Marseille depuis une vingtaine d’années déjà parmi les copropriétés à risque sinon dégradées. Un telle situation est largement connue par les autorités politiques et administratives locales mais aussi par les services de l’Etat.
Dès la fin des années 80 des premiers signaux d’alarme ont été lancés sans résultat. L’Agam, agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise, avait alors estimé qu’environ 20 000 logements étaient concernés par cette dégradation. Cette enquête est demeurée à l’époque confidentielle, car on estimait que sa diffusion aurait renforcé la stigmatisation et par conséquent affaibli la valeur patrimoniale des immeubles en question. Selon l’observatoire des copropriétés dégradées, aujourd’hui 360 copropriétés rassemblant 83 600 appartements seraient concernées. Après de nombreuses tractations un premier programme appelé “plan de sauvegarde” était engagé mais se heurtait vite à la règle de la sacro-sainte propriété privée qui oblige un accord des copropriétaires avant toute intervention et interdit tout financement public.
Depuis lors, les rapports, études et plans d’intervention divers se multiplient sans pour autant mettre un frein à cette évolution dramatique pour laquelle la ville de Marseille est considérée comme la plus touchée, et de très loin, par ce phénomène. On peut affirmer que c’est hélas une spécialité marseillaise dont les habitants concernés se passeraient bien.
Pour confirmer ce diagnostic sévère, le parc Corot est un exemple parmi d’autre bien décrit par le reportage de Marsactu mais il semble utile de faire un retour en arrière. Pour ma part, ayant été directement impliqué dans ce quartier en 1982 je peux témoigner que, à cette époque, les premiers signes d’une dérive inquiétante apparaissaient. J’ai ainsi pris part à une réunion à la préfecture des Bouches-du-Rhône sous l’autorité du préfet et qui rassemblait tous les bailleurs sociaux. Après une présentation du bâtiment B du parc Corot, la démolition de l’immeuble avait été actée et le préfet imposait à chaque organisme présent l’obligation de reloger chacun un nombre précis de locataires. À l’issue de cette réunion j’ai pu entendre les avis pour le moins réservés des participants. Si le bâtiment B a finalement été démoli en 1991 soit huit ans plus tard, les raisons d’une telle dégradation n’ont pas été prise en compte et la “maladie” constatée alors s’est propagée aux autres bâtiments.
Un rapide tour d’horizon sur les origines d’une telle évolution est aujourd’hui nécessaire pour mieux comprendre les origines et les cause d’un tel désastre. Dans les années soixante, pour faire face à un besoin massif de logement, des programmes immobiliers ont surgi de toute part dans Marseille et, pour répondre à la diversité des besoins, des programmes d’accession à la propriété à faible coût sont venus compléter les programmes de logements sociaux locatifs. C’est ainsi que, par exemple dans la ZUP N° 1, qui regroupait près de 12 000 logements, plusieurs copropriétés ont vu le jour au milieu des groupes HLM. Les Quartier du Mail et du parc Corot ont ainsi répondu à l’époque au souci des aménageurs de prévoir une mixité sociale tant recherchée aujourd’hui. Quelques années plus tard, les premiers signes de dégradation apparaissant, l’effort de requalification a porté sur les ensembles HLM, laissant aux copropriétaires le soin de l’entretien et des réparations de leur bien. On notera que ces immeubles, en dehors de leur statut et parfois de leur apparence, étaient très similaires aux immeubles HLM tant en confort qu’en qualité de la construction. Assez rapidement donc les assemblées de copropriétaires, souvent d’origine modeste, n’ont pu rassembler les moyens juridiques et financiers pour entreprendre les travaux indispensables au bon fonctionnement de la vie commune. Deux autres facteurs sont venus accroître les risques de dégradation.
Nombre de syndics n’ont pas su ou pas voulu, par incompétence ou négligence et parfois aussi malversation, faire face à des situations souvent complexes. On rajoutera que le recours à la justice pour tenter de réduire les conflits n’a fait que ralentir les démarches sinon les conduire à une impasse. Au-delà de ces causes spécifiques on n’oubliera pas de noter que ces copropriétés ont subi au fil du temps les mêmes dérives que les quartiers où elles se situent. Malgré l’affichage revendiqué de “la Politique de la ville” les élus marseillais n’ont jamais pris sérieusement en compte ces quartiers populaires et cette politique est aujourd’hui un échec reconnu.
Pour l’instant, malgré les diverses déclarations publiques les élus municipaux n’ont pas pris la mesure de la catastrophe annoncée de longue date. Les maigres moyens proposés et les quelques exemples d’interventions envisagées apparaissent dérisoires face à tous les “charognards” qui profitent du désarroi de nombreux propriétaires pour, à bon compte, se constituer un patrimoine de logements locatifs, certes très dégradés, mais qui trouvent cependant des clients, en raison de la dramatique carence de logements sociaux à Marseille.
Alain Fourest
Commentaires
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merci pour cet article qui résume bien la situation à laquelle peu de copropriétés parviennent à échapper .
La paupérisation des résidents et/ ou propriétaires trop intéressés par un rapport élevé à court terme , ajoutée à la mauvaise volonté de certains syndics sont des facteurs aggravants dans la qualité du logement à Marseille .
La spéculation immobilière fait également partie de cette gangrène et nous en avons eu dans le passé de beaux exemples dans le centre ville …avec la complicité des maires et autres édiles ….
Il est interdit dans ces commentaires de citer des noms mais ce n’est pas l’omerta qui fera avancer les choses .
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Je crois qu’il faut etendre ce probleme a tout Marseille et non aux seuls quartiers Nord.
On a construit des ensembles immobiliers de qualité moyenne et aucun entretien n’a suivi : ravalement, conduites d’eau et de chauffage, espaces,…..
Aujourd’hui, les acheteurs devenus retraités se sont appauvris, les nouvels acquéreurs ont des moyens plus faibles et le retard accumulé ne permettent pas d’espérer une solution heureuse.
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