Insoumis contre marcheuse, choc de nouvelles têtes dans la 5e circonscription
Au second tour, la cinquième circonscription offre un duel inédit entre le candidat de La France insoumise, Hendrik Davi et Cathy Racon-Bouzon pour la République en marche. Ces deux figures nouvelles et différentes incarnent une forme commune de renouvellement.
Insoumis contre marcheuse, choc de nouvelles têtes dans la 5e circonscription
“Qu’est-ce qu’il fait Hendrik, on n’a plus de tracts et on va rater la sortie des écoles…” Fadela peste. Militante de la France insoumise, elle a le listing complet des cités HLM de 13 Habitat dans la circonscription, en soulignant celles où les bureaux de vote ont porté la France insoumise au plus haut. Le candidat au prénom et à l’allure de viking doux arrive à la gare de la Blancarde.
Chercheur en écologie à l’INRA, Hendrik Davi était pris entre “la paperasse administrative” liée à son travail et son inscription au second tour de la législative dans cette circonscription des 4e, 5e et 6e arrondissements. Il y affrontera Cathy Racon-Bouzon, candidate de la République en marche, arrivée en tête avec 29 % des voix. “Notre campagne est passée sous les radars médiatiques [y compris ceux de Marsactu, ndlr], entre autres, parce que Jean-Luc Mélenchon a fait le choix de mettre en avant Sarah Soilihi, ce que je ne critique pas. Mais nous ne sommes pas là par hasard. Nous avons fait une vraie campagne de terrain”.
La même que revendique La République en marche mais sans doute pas dans les mêmes lieux. De chaque bord, on reconnaît ne pas s’être beaucoup croisé dans la campagne du premier tour, comme si les deux camps évoluaient dans des sphères parallèles. “Ils ont démarré tard et sont un peu inexpérimentés”, commente Raphaël, ancien de la LCR et du Front de gauche qui tracte à la Blancarde. Pour le second tour, ils vont chasser les abstentionnistes dans les cités populaires qui n’ont pas voté.
Du côté de LREM, les militants vont plutôt chercher les bureaux où Yves Moraine a fait de bons scores. “J’ai un peu d’avance, mais rien n’est fait, assure Cathy Racon-Bouzon. Surtout si notre électorat se démobilise en pensant que tout est fait. Notre discours sur la modernisation de l’économie et la libération des énergies pour donner de l’emploi peut résonner chez les électeurs d’Yves Moraine. Sur la culture, l’école, l’environnement ou le renouvellement, on peut convaincre à gauche”.
Louis-Loucheur en cible
En cette fin de matinée, l’équipe de la France insoumise chemine le long de la voie de tramway en direction de la cité Louis-Loucheur, à Sainte-Thérèse. L’idée est de poursuivre sur cette lancée en insistant sur les abstentionnistes qui constituent la réserve de voix du candidat. “C’est vrai que le report des voix ne m’est pas favorable, poursuit Hendrik Davi. Je peux espérer que les électeurs écologistes, ceux du parti communiste votent pour moi. Ainsi qu’une partie de ceux du FN qui ne veulent pas de Macron. On peut grimper à 24 %, eux sont à 29. Mais je vise d’abord ceux qui ne se sont pas déplacés. Notre principal adversaire, c’est la résignation.”
Effectivement, au fil des pas, de nombreuses personnes refusent les tracts avec un définitif : “j’vote pas”. Dominique en offre une illustration parfaite même s’il n’est pas inscrit dans cette circonscription. Son “j’vote pas” est assorti d’un “tous des escrocs” qu’Hendrik Davi saisit au bond. “Je suis candidat aux législatives et je pense que tu as tort. Je suis fonctionnaire et je ne fais pas de la politique pour en faire mon métier”.
“Pas un escroc, un margoulin”
“Je vous connais pas, vous êtes pas un escroc, mais vous deviendrez un margoulin.” Ouvrier à la RTM, Dominique se considère comme quantité négligeable, oublié de la politique, en tant qu’agent d’un service public. “Les gens, ils nous voient comme un morceau du bus”, constate-t-il. Pour lui, tout est déjà joué et l’appel à voter Macron “mêmes des syndicats le 1er mai“ au second tour de la présidentielle l’a dégoûté.
Hendrik poursuit la discussion alors que les autres militants chassent les électeurs sous un soleil de plomb. “Moi, je n’insulte pas les abstentionnistes, argue-t-il. Cela m’est déjà arrivé. Mais rien n’est joué. Si je suis élu, je vais passer mon temps à aller voir les députés En marche pour les convaincre de ne pas détricoter le code du travail. Et si Macron veut modifier la Constitution, il lui faudra les 3/5 du parlement. C’est le cœur de notre démocratie.” Tout ceci ne suffit pas à convaincre Dominique, persuadé qu’avec Macron, la retraite qu’il attend “dans 6 ans arrivera dans 10…”
“Volonté de dégagisme”
Arrivé devant la cité Louis-Loucheur, le petit groupe d’Insoumis se distribue les rôles dans une joyeuse confusion. À chaque citoyen croisé, Cathy montre du doigt le candidat. Un grand gaillard s’arrête pour discuter. “J’étais de la campagne de Sarah Soilihi mais je vais vous donner un coup de main. On a besoin de renouvellement à Marseille”.
Cette question des nouvelles têtes, de la nouvelle façon de faire, est partout présente. Hendrik Davi reconnaît qu’il y a des similitudes dans l’effet de nouveauté que partagent les deux mouvements. “Jean-Luc Mélenchon a senti venir cela avec la volonté de dégagisme des Français ou l’effritement du clivage gauche/droite, explique-t-il. Dans l’esprit des gens tout est devenu très confus”.
L’autre candidat à la poussette
Comme Cathy Racon-Bouzon en début de campagne, Hendrik Davi a passé ses mercredis avec sa fille en poussette à aller à la rencontre des commerçants, des “gens qui travaillent sur la circo”. “C’est ce que j’ai préféré, avoue-t-il. Car ce sont des gens très différents de ce qu’on attend, très anti-Macron pour la plupart, et qui vous parlent de problèmes concrets que vous n’avez pas forcément en tête”. Il évoque ainsi une marchande de jouets du boulevard Chave, électrice de Debout la France “mais prête à voter pour moi au second tour car même si on ne partage rien sur l’aspect sociétal, elle va nous rejoindre sur les questions de l’Europe, de la souveraineté…”
Jeune femme à la tête couverte d’un voile gris perle, Gamze est depuis longtemps convaincue par les idées de de Jean-Luc Mélenchon “peut-être parce que je suis jeune, musulmane et que je veux travailler”. Mais ce qui l’a vraiment convaincue, c’est paradoxalement le refus d’appeler à voter Macron contre Marine Le Pen, malgré le discours de celle-ci sur l’islam. “Pour moi, monsieur Macron n’est pas meilleur, cette nécessité de faire barrage est un piège”, explique-t-elle. Pour Hendrik Davi, cela n’est pas une ambiguïté : “Marine Le Pen est raciste. Ce parti est néfaste pour la France. Nous avons été très clair en disant pas une voix pour Le Pen. Mais l’appel au barrage finit par nourrir le Front national”.
100 % ou 50 % de bio à la cantine ?
Cet effacement des clivages, La République en marche en a fait son cheval de bataille. Cathy Racon-Bouzon reconnaît que sur les propositions qui touchent à l’environnement ou à l’éducation, elle constate des points de convergence avec le programme de la France insoumise. “Mais sur de nombreux points, ils font des propositions irréalistes, pas chiffrées”, insiste-t-elle. Elle cite pour exemple le 100 % de bio dans les cantines scolaires “alors que l’agriculture bio concerne 6 % des exploitations agricoles. Avec notre proposition à 50 % sur laquelle nous travaillons déjà, ce n’est pas simple mais réaliste”.
Pour autant, elle n’a pas accepté la proposition de débat télévisé qu’Hendrik Davi a formulé à de nombreuses reprises. “Je crois que les gens en ont un peu marre et je préfère aller à leur rencontre plutôt que d’échanger des arguments avec mon adversaire, explique-t-elle. On ne va pas refaire en moins bien ce que Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron ont fait pendant la présidentielle”. Peut-être craint-elle aussi son adversaire, plus rodé à la rhétorique politique et qui revendique un engagement politique “depuis les grandes grèves de 1995”.
Le face à face de La Blancarde
Pour l’ancien militant de la LCR, du NPA puis du Front de gauche avec Ensemble, l’échange d’idées doit permettre justement de faire remonter le clivage profond qui les sépare et “l’idéologie ultra-libérale” qui sous-tend le projet Macron. “On sent bien que leurs électeurs n’ont pas de problèmes, ils veulent juste un peu d’huile dans les rouages, explique Cathy, militante de FI. Nous, on s’adresse à ceux qui souffrent et pour qui ce sera pire demain.”
Un peu plus tard dans la journée, l’équipe de La République en marche se retrouve pour tracter à la Blancarde. Jeune militante un peu épuisée, Fanny déroule un kakemono tandis que sa candidate discute avec des électeurs. À quelques mètres à peine, des militants de la France insoumise haranguent les voyageurs qui sortent du métro. Comme dimanche prochain, un court instant, les deux camps se font face, tête nouvelle contre nouvelle tête.
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