Mobilisée pour une famille sans-abri, l’école des Accoules se heurte à un mur
Parents d'élèves et enseignants continuent leur mobilisation au Panier pour la famille sans solution d'hébergement. Aucune solution pérenne n'a été proposée par les pouvoirs publics depuis l'expulsion de leur squat en avril. En revanche un logement de fonction de l'école a été muré.
Rassemblement place des Moulins en soutien à la famille sans abri. (LC)
La place des Moulins avait un beau visage estival mercredi, recouverte de tables de pique-nique, d’enfants qui jouent et de parents en plein apéro. Pour la deuxième semaine consécutive, parents d’élèves et enseignants de l’école des Accoules (2e arrondissement) se réunissait en soutien à la famille d’origine roumaine toujours sans toit dont les trois enfants, Dolari, Sonia et Narghita, sont des élèves. Habitants d’un squat expulsés en avril, ils ont d’abord pu bénéficier de 12 nuits à l’hôtel, avant de se retrouver sans solution. Depuis près de trois semaines, le comité de soutien qui s’est formé autour d’eux leur permet d’être hébergés chez les uns et les autres, et maintenant dans une location à prix d’ami, grâce aux dons récoltés dans le quartier qui continuent d’affluer.
En revanche du côté des pouvoirs publics, c’est toujours “silence radio”, confirme la directrice de l’école primaire Corine Lefort. “Nous n’avons toujours aucune réponse, si ce n’est celle du préfet, qui est une non-réponse”, estime-t-elle. En effet, le 10 mai, le préfet délégué à l’égalité des chances, Yves Rousset, a répondu à une missive de la directrice. Dans cette lettre, que Marsactu a pu consulter, le préfet confirmait que la famille se trouvait bien sur les listes d’attente pour accéder à un logement en centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS). Néanmoins, “compte tenu des tensions sur le dispositif d’accueil, un délai est nécessaire avant une prise en charge effective”, précisait le préfet qui n’apportait donc quasiment rien de plus que ce que la famille ne savait déjà.
“On nous a dit de ne pas trop espérer”
À une information près : “Une solution d’accueil et d’hébergement temporaire est proposée à la mère et aux trois enfants par les services du conseil départemental à Marseille”, annonçait le représentant de l’État. Après un passage à la maison départementale des solidarités du Panier, la famille n’a pourtant pas eu le même son de cloche. “On avait déjà pris contact avec cette structure qui héberge les mères avec leurs enfants. Elle nous avait dit que ce n’était pas possible, qu’ils ne peuvent pas héberger une famille avec le père, et qu’en ce moment, c’est de toute façon très compliqué de trouver de la place”, rapporte la directrice d’école. Le conseil départemental n’a pas donné suite à nos sollicitations pour mieux comprendre cette proposition qui semble pour le moins inadaptée.
Bien accompagnée, la famille continue d’essayer de faire avancer sa situation. Le père démarre ce jeudi une formation en français à Pôle emploi, tandis que la mère sera reçue par l’Ampil, association qui gère plusieurs programmes d’accès au logement d’insertion pour les Roms, afin de faire le point. “On nous a dit de ne pas trop espérer”, relativise cependant un des enseignants, Laurent Quintard. Les parents n’attendent de leur côté qu’une chose, être sûrs de “ne pas dormir à la rue avec les enfants”, confient-ils dans un espagnol mêlé de roumain.
Un logement de fonction muré
Un événement a en tout cas marqué la communauté scolaire des Accoules. Le jour du premier repas de soutien, alors que l’équipe enseignante annonçait qu’elle était prête à héberger la famille dans les murs de l’école, un logement de fonction vacant a été muré par les services municipaux, comme le racontait la Provence dans son édition de mardi. La directrice de l’école assure y voir une coïncidence, mais s’interroge : “Pourquoi on préfère murer ? C’est ce que font les propriétaires qui ont peur d’être squattés, pourquoi la municipalité a-t-elle plus peur d’être squattée que de voir des enfants dormir dans la rue ?”.
Interrogée, l’adjointe aux écoles, Danièle Casanova, confirme qu’il ne s’agit pas d’une coïncidence. “Cet appartement a une toiture qui n’est pas solide, nous avons jugé que dans le cas où cette famille s’y serait installée, il en aurait été de notre responsabilité en cas d’accident”. Bien que le comité de soutien n’ait jamais évoqué publiquement cette option, l’élue assure en avoir été informée par la directrice. “Ils vivaient dans un squat auparavant, ils auraient tout à fait pu s’y installer de façon tout aussi illégale.” Sur le fond de l’affaire, Danièle Casanova explique avoir alerté le préfet délégué à l’égalité des chances dès le signalement des problèmes de logement de la famille. La mobilisation l’inquiète en tout cas, notamment après le repas organisé dans l’école “en période Vigipirate, sans contrôle des accès”. “Pour l’instant, on ne demande pas d’intervention de la police ou autre, on comprend l’aspect humanitaire, mais il n’est pas dans nos attributions de loger des familles”, conclut l’élue municipale.
Les grandes vacances comme date butoir
Tous les parents et enseignants interrogés sont en tout cas d’accord pour affirmer que la mobilisation ne doit pas s’arrêter au cas de cette seule famille. Une association ou un collectif verra certainement le jour, sous l’œil attentif et bienveillant des acteurs militants habituels. “C’est l’occasion à tous de montrer qu’on est solidaires, confie le patron d’un bar situé place de Lenche qui a récolté 650 euros pour la famille en organisant notamment une soirée de soutien. Et après, le combat il peut continuer, et même, il doit continuer”.
Un premier mot d’ordre émerge déjà : la réquisition de logements vides. “Nous sommes des personnes tout à fait respectueuses de la loi, mais on demande au préfet, qui en a le pouvoir, de réquisitionner, développe Corinne Lefort. Spontanément, les gens nous signalent plein de logements vides, rien que dans le quartier.” Pour la famille de Dolari, Narghita et Sonia, le compte à rebours vers les grandes vacances est en tout cas lancé. “Ce qu’il faut c’est une solution pérenne d’ici à deux mois, car le 8 juillet, c’est les grandes vacances”, et avec elles, la dispersion des soutiens, plaide Laurent Quintard.
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Si Danièle Casanova, qui se montre toujours à la hauteur de nos attentes dans les situations difficiles, ne veut pas assumer la responsabilité d’une toiture qui s’effondre, elle n’a qu’à la faire réparer au lieu d’assumer de laisser une famille à la rue. J’ai honte pour elle.
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