Y aura-t-il un meurtre de vache sur le toit de la Friche ?

Y aura-t-il un meurtre de vache sur le toit de la Friche ?

Un homme à la broche. Sur le croquis qui annonce sa performance, l'artiste Joep Van Lieshout a représenté un barbecue humain. Sur les réseaux sociaux, la Friche Belle de Mai en plaisante : le 15 septembre prochain, sur le toit de la Friche, on ne mangera pas de viande humaine mais bovine, cuisinée par l'artiste.

"The Butcher", grand buffet aux allures de festin de Bacchus, rassemblera 700 personnes autour de l'artiste et d'un boucher, Charles Assirlikian, aka le père de la "saucisse marseillaise", qui découpera la viande destinée à être consommée par les convives. Un bon gros barbecue, le style hollandais en plus. Pourtant la démarche artistique ne plaît pas à tout le monde : elle devient même une cause de plus pour les défenseurs des droits des animaux.

"Libérer ces vaches"

Tout part d'un malentendu. En voyant l'annonce de l'événement dans le journal, Alice Greetham, qui vit à Eguilles, s'insurge, pensant dans un premier temps que les vaches seront tuées sur place le 15 septembre. "Ce n'était pas clair dans la description de l'événement, explique-t-elle. J'ai alors contacté le service presse de MP 2013 pour en savoir plus". Elle découvre alors que ses craintes ne sont pas fondées : les animaux seront tués en abattoir. Cela ne l'empêche pas de mobiliser pour demander l'annulation de l'événement au nom de la défense des animaux. Vendredi, "sous le coup de l'émotion" – elle lance une pétition numérique intitulée, non sans excès "Libérez les vaches sacrifiées au nom de l'Art". Elle interpelle alors Aurélie Filippetti dans une lettre : "Madame la Ministre de la Culture, nous vous supplions d’agir et de faire en sorte qu’aucune vache ne sera tuée pour le banquet du 15 septembre au nom de l’Art et que les deux vaches déjà achetées pour l’occasion puissent être remises en liberté. Vous seule avez le pouvoir de libérer ces vaches, ces êtres vivants."

La jeune femme se dit "engagée pour la cause animale, mais pas militante d'une association". Pourtant, son combat paraît proche de l'idéologie Vegan, du nom de ces radicaux de la cause animale. "Il y a trop de choses faites aujourd'hui avec les animaux dans la culture pour MP 2013, déjà Transhumance puis "The Butcher"…  Je ne vois pas en quoi l'art a besoin de sacrifier deux animaux. A ce moment là, il fallait juste parler d'un barbecue géant". Sur la page facebook de l'événement, les commentaires de défense des animaux fusent, beaucoup parlant de "cruauté" envers les bovidés qui seront préalablement tués selon les règles d'hygiène de rigueur dans un abattoir. A priori pas de dépeçage en direct non plus.

"Mise en pratique d'un rituel"

Du côté de la Friche et de l'organisation, on ne s'attendait pas à une telle réaction. "Nous avons été très surpris, explique Véronique Collard-Bovy, président de Cartel, le regroupement d'associations qui organise la performance. "Surtout que nous sommes très loin de quelque chose d'uniquement provocant", poursuit-elle, rappelant qu'ils sont en contact depuis des mois avec un éleveur pour acheter les animaux. "Il s'agit d'un banquet principalement dédié à la viande bovine où l'artiste cuisine et le boucher perfome. D'ailleurs, le titre de leur pétition est trompeur. Du coup, on ne sait pas trop à quoi s'attendre de leur part le soir de l'événement". Côté pétitionnaires, on assure, du moins pour l'initiatrice, que rien n'est prévu.

Toujours est-il que la pétition a largement circulé au sein du réseau des militants contre la consommation de viande, au point d'attendre plus de 15 000 signatures. Le Ministère de la Culture a réagi en apportant pleinement son soutien à l'artiste dans un article dans Le quotidien de l'Art datant du 4 septembre : "Cet événement, qui se veut festif et artistique, ne pose aucun problème éthique ni d'hygiène", explique Romane Sarfati, conseillère en charge des arts plastiques auprès de la ministre. Les services d'hygiène ont tout de même passé un petit coup de fil aux organisateurs pour vérifier que tout était bien en règle. Un bon sacrifice de tofu aurait fait moins de bruit.

[Actualisation le 6 septembre à 10h30 : le service presse de Marseille Provence 2013 dément avoir échangé avec Alice Greetham en personne]