Plainte pour vol d’ordinateur, suspicions et climat de tensions à l’IFAC Provence

Actualité
le 19 Déc 2017
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Principal partenaire de la Ville pour la gestion des maisons pour tous et des temps périscolaire, l'IFAC Provence traverse une "zone de turbulence sans précédent", de l'aveu même du conseil d'administration. Un climat de défiance s'est installé, pour lequel salariés et direction se rejettent la responsabilité, à quelques mois d'un renouvellement de délégation de service public.

Des salariés de l
Des salariés de l'Ifac Provence manifestent devant le siège de l'association. (Image VA)

Des salariés de l'Ifac Provence manifestent devant le siège de l'association. (Image VA)

C’est une situation qui empire avec le temps. Et dont les premiers symptômes remontent à plusieurs années. À l’été 2016, Marsactu évoquait déjà un mouvement de grève inédit à l’IFAC Provence, géant du social qui gère onze maisons pour tous et les temps d’activités périscolaires d’une centaine d’écoles. Depuis septembre, avec le placement en redressement judiciaire de la structure, les craintes se sont avivées, avec le sentiment pour certains que le mal vient de l’intérieur, comme expliqué dans une enquête commune avec le journal Le Ravi. Dans les couloirs du Timonier, bâtiment où se trouve le siège social, des salariés sont persuadés que la direction même de l’association tente de couler l’IFAC Provence, au profit de la branche nationale de cette association : l’IFAC PACA.

Aux problèmes financiers que connaît la structure, s’ajoute donc un climat de tensions et de suspicions permanent, nourri du côté des salariés comme de celui la direction. Depuis quelques jours, c’est un vol d’ordinateur qui cristallise ces tensions. Cet été, l’ordinateur d’une salariée, assistante de direction, dont le bureau se trouve dans l’immeuble du Timonier, disparaît. La direction porte alors plainte. Quelques mois plus tard, rebondissement : la salariée utilisatrice de l’ordinateur voit son domicile perquisitionné, très tôt dans la matinée du 6 décembre. Pour certains syndicats et représentants des salariés, c’en est trop.

Perquisition matinale

“Soupçons surprenants et méthodes violentes”

“Nous avons été nombreux à témoigner à la direction notre indignation, suite à la perquisition opérée par les forces de police à 6 h 30 du matin, au domicile d’une salariée en arrêt de travail”, écrit dans un communiqué une intersyndicale réunissant la CFE-CGC, CFTC et l’UNSA. Ce lundi midi, environ quarante personnes se sont réunies devant le siège de l’association avec des pancartes “je suis solidaire”, en soutien à cette salariée par ailleurs syndiquée chez FO. “Nous ne remettons pas en cause le travail de la police mais c’est évident que les enquêteurs ont été orientés. Il s’agit de soupçons surprenants et de méthodes violentes. Une perquisition c’est un événement dans une vie”, s’inquiète Elisabeth Caruette, la déléguée syndicale de l’UNSA présente sur les lieux, en visant directement la direction de l’IFAC Provence.

De son côté, cette dernière déclarait quelques jours plus tôt et par le biais d’un communiqué interne : “Nous avons porté plainte en faisant part de nos doutes. La police a fait son enquête et le juge d’instruction a décidé d’une perquisition chez la salariée utilisatrice de ce poste. C’est une situation certes violente et inédite, mais elle s’inscrit dans un dossier d’instruction d’une plainte. Bien sûr, nous avons une pensée pour notre salariée. mais fallait-il ne pas porter plainte et laisser faire ? Non”, peut-on encore lire.

À la direction départementale de la sécurité publique, on ne peut s’exprimer sur la plainte en question mais l’on indique que dans les cas de vol “des perquisitions de la sorte [chez l’utilisateur de l’objet volé en l’occurrence. Ndlr] peuvent avoir lieu si par exemple les plaignants émettent des doutes contre ces personnes ou si des éléments de l’enquête orientent les enquêteurs en ce sens”. Ni le parquet ni la direction de l’IFAC Provence n’ont pu répondre à Marsactu dans le temps imparti à la publication de cet article.

Audits en série

Nous notons aussi une forme d’agressivité et de défiance permanente”

Toujours dans son communiqué interne, qui n’est signé d’aucun nom, “le conseil d’administration” reconnaît la “zone de turbulence sans précédent” que traverse l’association, due à des “difficultés de gestion qui ont conduit à la situation de redressement judiciaire”. Mais, très vite, l’objet du message apparaît : “Dans le même temps, les représentants du personnel prennent aussi des initiatives aussi nombreuses que variées au nom des salariés, sans doute pour comprendre la situation mais nous notons aussi une forme d’agressivité et de défiance permanente qui, après nous avoir étonnés, nous choque”, peut-on lire.

Et de lister les actions initiées par les représentants du personnel tel que les audits des comptes, l’audit du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) ou encore une saisine du défenseur des droits et de la Dirrecte (directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi). Des représentants du personnel sont directement cités dans le communiqué dont, entres autres… la salariée perquisitionnée. Parmi les personnes réunies ce lundi midi dans le froid devant le siège, certains y voient une nouvelle illustration d’une “cabale” dont elle serait victime. “L’association se défendra contre ceux qui veulent lui nuire”, rétorque le conseil d’administration qui parle de “sabotage moral”.

Informations sensibles

“Nous répondons à chaque fois mais cela mobilise du temps, de l’énergie, de nouveaux avocats, de nouvelles dépenses alors que cette énergie et ce temps devraient être tournés tout entier vers la continuité de l’exploitation et la sauvegarde de l’emploi”, écrit encore le conseil d’administration à ce sujet avant d’évoquer “à titre d’exemple et d’illustration” le rassemblement en soutien à la salariée perquisitionnée.

Le communiqué précise également “que l’ordinateur contenait des informations particulièrement sensibles sur la vie statutaire, les dossiers des DSP [délégation de service public] antérieurs ou encore cours, les éléments financiers…” Ces éléments sont d’autant plus sensibles pour une structure comme l’IFAC, dont la plupart de l’activité dépend des équipements et missions confiées par les collectivités, à commencer par la Ville de Marseille.

Mais plus que la fuite d’informations, c’est la perspective de ne pas voir ces marchés reconduits qui effraie les salariés. “Nous allons postuler à la nouvelle DSP avec l’IFAC PACA, au sein d’un groupement solidaire”, déclarait à Marsactu en novembre dernier Ronan Paturaux, directeur de l’IFAC Provence au sujet de la DSP des maisons pour tous. La structure nationale, dont l’implantation locale alimente les craintes, prenait sous son aile son homologue, empêchée de candidater par le redressement judiciaire… Or, selon plusieurs sources syndicales, “il n’y a plus de groupement solidaire. L’IFAC Provence n’est plus dans l’histoire”. Sylvie Carrega, l’élue chargée des centres sociaux n’a pas rappelé Marsactu pour confirmer cette information. Mais il y a bien un point sur lequel salariés et direction s’accordent : l’avenir de leur association est plus qu’incertain.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Les “initiatives” prises par les salariés et interprétées par la direction comme de “l’agressivité” ou de la “défiance”, lorsqu’il s’agit de “l’audit des comptes” ou de “l’audit du CHSCT”, sont ni plus ni moins que des droits prévus par le Code du travail.

    On peut donc s’étonner que la direction s’en étonne, surtout dans un contexte de redressement judiciaire : il est légitime que les représentants des salariés éprouvent le besoin de comprendre la situation dans laquelle se trouve leur employeur.

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    • VitroPhil VitroPhil

      De même que la plupart des partis politiques ont un fonctionnement interne non démocratiques.
      Les structures sociales sont très souvent des contre exemple dans le respect du personnel, de ses représentants ou simplement du droit du travail.

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  2. neomars neomars

    Combien de temps les enfants vont-ils pouvoir être tenus hors de portée de ces “troubles sans précédents” ? Croisons les doigts.

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