[Vieilles branches] À Miramas-le-Vieux, le pin penché fait reculer les camions

Série
le 22 Août 2016
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Témoins et parfois acteurs de l'histoire locale, les arbres les plus anciens ont souvent du mal à trouver leur place aujourd'hui. Ils racontent pourtant leurs communes. Pour ce troisième épisode, direction Miramas-le-Vieux, où un vieux pin penché empêche l'accès des camions au centre du village. La vie s'est donc organisée autour.

[Vieilles branches] À Miramas-le-Vieux, le pin penché fait reculer les camions
[Vieilles branches] À Miramas-le-Vieux, le pin penché fait reculer les camions

[Vieilles branches] À Miramas-le-Vieux, le pin penché fait reculer les camions

Biscornu, il n’en est pas moins majestueux. Comme s’il avait toujours été là, comme s’il faisait partie des remparts. À deux pas de l’ancienne porte de Miramas-le-Vieux, perché sur une colline, un vieux pin d’Alep, penché, fait office de nouveau seuil. Il enjambe ou plutôt embrasse l’unique route qui mène à l’ancien village. Rattaché à la ville nouvelle construite en contre-bas, il compte aujourd’hui une centaine d’habitants. Aux pieds de l’arbre démesuré, le long du mur en pierre sur lequel il s’appuie, stationnent des voitures. De l’autre côté, la route a été taillée dans la roche. L’arbre semble hésiter entre la vue sur l’étang de Berre et la compagnie des maisons et des ruines du château du XIIe siècle.

Ce matin d’août, une riveraine vient coller sur l’arbre une affichette indiquant que le stationnement sera gênant dans les jours qui suivent pour cause de déménagement. Nul besoin d’avoir le compas dans l’œil pour s’apercevoir qu’aucun camion ne peut passer sous l’arbre dont certaines branches reposent sur la roche en face. Ce sera donc une “camionnette qui fera des allers-retours tout au long de la journée”, indique l’affichette. L’œil curieux, l’amoureux des arbres ou le professionnel de la route ne manquera pas de remarquer que la branche la plus basse porte des traces de nombreux passages en force. L’histoire ne dit pas qui de l’arbre ou du véhicule a gagné le bras de fer.

“Ce qu’il craint le plus c’est le vent du Sud”

[Vieilles branches] Le pin penche qui a fait recule les camions a Miramas Le Vieux 2L’affaire est d’autant plus complexe que la route est en pente, rendant difficile l’appréciation de la hauteur exacte. Aucun panneau n’indique, comme ce serait le cas pour un pont, la hauteur. Il faut dire que la marge varie au gré de la croissance de l’arbre. “On devrait le mesurer”, lance Didier Segura, employé municipal aux espaces verts à deux amoureux de l’arbre venus conter son histoire. Doris Salomon, présidente de l’association des Amis du vieux Miramas, habite en face du pin, littéralement, au dessus de l’atelier d’artiste qu’elle tient. Jacques Lemaire, instituteur au village pendant 29 ans, a présidé l’association pendant de longues années. Un mètre métallique tiré de la voiture électrique de la ville et voilà que la hauteur est connue : 2,70 mètres au plus bas, 3,60 au plus haut.

 

“On s’adapte, explique Didier Segura. Pour la fête médiévale la semaine prochaine, on amène le matériel avec une camionnette et une remorque”. “Le dernier accrochage c’était avec un camion de pompier, ajoute Jacques Lemaire. Avec l’âge, il se rabaisse. On peut voir là qu’il manque un gros rameau”. Il y a vingt ans, se souvient-il, les services de la ville avait coupé une des grandes branches qui barrait la route. “Des coupes comme cela, cela fragilise. C’est comme nous, avec le temps, on se remet moins bien des blessures”. Du vent du Sud, beaucoup de pluie et la branche avait vrillé. “S’il s’est adapté au mistral, très puissant en ce bout de Crau, ce que le pin craint le plus c’est le vent du Sud”, ajoute son défenseur. Le mari de Doris Salomon, sculpteur, avait même imaginé un système de socle à rouleaux pour soulager l’arbre en soutenant ses branches.

“Pour les touristes, pour le folklore”

Aujourd’hui, l’arbre ne reçoit aucun soin particulier. “J’avais demandé à mon responsable de couper les branches mortes, il m’a dit de ne rien toucher!”, commente Didier Segura. “Il y a un nid de frelons là”, lui indique Doris Salomon. “J’ai la bombe dans la voiture je passerai demain sûrement”. L’employé de la ville a récemment recouvert de mousse une plaie de l’arbre, “afin que les insectes n’aggravent pas la blessure”.

Sur cette photo du début du début du XXe, le pin est déjà visible près du château en haut de la route d'accès

Sur cette photo du début du début du XXe, le pin est déjà visible près du château en haut de la route d’accès

Quel âge peut bien avoir cet arbre ? La légende urbaine voudrait qu’il soit multicentenaire mais Jacques Lemaire n’y croit pas. “Même deux cent ans, comme c’était indiqué avant sur une plaque, c’est impossible. C’est bon que pour les touristes, pour le folklore. Fernand Julien, conseiller municipal pendant des décennies, avait dit un jour qu’il pensait que c’était un arbre de la liberté [planté au moment de la Révolution Française] mais c’est impossible. Il n’aurait pas été mis derrière un mur mais au milieu de la place du village”. Aujourd’hui, une plaque indique que le pin a reçu le label “arbre remarquable” délivré par l’association A.R.B.R.E.S.

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Le fils naturel et la relève

Si plus bas les pins qui longent la route semblent, par leur alignement régulier, avoir été plantés par l’homme, celui-ci est le fruit d’un hasard. Son plus grand admirateur en est en tout cas persuadé. Le retraité a mené sa petite enquête sur l’âge du pin, photos issues de sa collection personnelle à l’appui. Il montre le pin, déjà présent mais bien plus modeste, sur un cliché de 1908. “À l’époque, il était de la taille du petit qui est aujourd’hui à son pied”. Sur un autre de 1918, on le reconnaît, “on voit qu’il a progressé”. “Des grands-parents de mes élèves me racontaient que petits, ils passaient entre le tronc et le mur”. L’arbre a aujourd’hui poussé les blocs de pierre. “S’il date de 1880, ce qui fait presque 140 ans, c’est déjà beau pour un pin”, se félicite-t-il. Les pins d’Alep, que l’on dit importés par les Croisés et dont la sève était notamment utilisée comme vernis, ne sont pas des arbres connus pour leur longévité. Tanqué à flanc de colline, on se demande surtout où celui-ci trouve son eau, dans un village qui ne dispose d’aucune source.

“Quand un pin meurt, il meurt. Il n’est pas comme le chêne ou l’olivier qui peuvent se régénérer à partir de la souche, se résigne Jacques Lemaire. Mais je mourrai sûrement avant lui”. Il indique, derrière les voitures garées, un jeune pin frêle, à l’extrémité d’une des branches. “Lui, j’en suis sûr, c’est un fils naturel”. Et un autre, à proximité, au milieu de quelques homologues, que l’ancien instituteur a planté avec ses élèves il y a des années : “Lui, c’est la relève”.

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Commentaires

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  1. Regarder2016 Regarder2016

    Bon! Un pin ! Et d’Alep ! Sacrebleu, il se passe quoi à Alep ? En voila du pain sur la planche du journaliste.

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  2. CAN. CAN.

    Rassurant d’apprendre que quelque fois, l’esprit de la Pachamama souffle en notre Provence.

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