Valls à Marseille pour lutter contre les rafales

Valls à Marseille pour lutter contre les rafales

Souvent, à peine le ministre de l'intérieur était-il remonté dans son Falcon pour regagner Paris, après avoir annoncé un nouveau préfet de police, plus de bleu dans les rues, des moyens pour l'investigation, blablabla, que les insolentes balles recommençaient à siffler dans le ciel marseillais. C'était sous Nicolas Sarkozy. Sous Hollande, ce changement là ce n'est pas pour maintenant. La fantasia c'est juste la veille, pas le lendemain. Fond noir, lettre jaune, La Provence a adopté ce matin les couleurs de Détective. "Le crime de trop" a annoncé hier soir Manuel Valls en arrivant "par surprise" au Derby, sur les lieux du crime d'hier midi. Magnéto Igor :

À la même heure le président de la chambre de commerce et d'industrie Jacques Pfister tenait un déjeuner de presse où il dénonçait "l'exagération" des médias parisiens dans leur traitement de l'actualité marseillaise :

J'ai suivi l'émission d'Europe 1 lundi matin en direct de Marseille, et j'étais scandalisé, il voulait absolument nous faire dire que nous vivions un enfer, entouré des tirs de kalas. Des malades, ils m'ont même demandé si nous n'allions pas devoir annuler MP 2013

Et, le nez creux, Pfister d'ajouter "enfin il faut qu'on fasse gaffe, on ne sait pas ce qui va encore nous tomber sur la tête". Quelques secondes plus tard, ses spin-doctors lui font passer le message "encore un assassinat, en plein jour au 5 avenues". Pas sur que sur le coup, le président de la CCI n'ait pas cru à une mauvaise blague. Mais le 21e règlement de compte depuis le début de l'année a bien eu lieu hier midi à Marseille, "en plein jour", et pas loin d'un lycée. C'est plus les quartiers nord, c'est plus des jeunes blacks ou arabes, c'est plus la nuit. Moins drôle.

Du coup, Manuel Valls qui avait prévu de se rendre ce matin à Marseille d'abord pour visiter le commissariat de Noailles puis filer au congrès national du plutôt droitier syndicat de policier Alliance, sous fond du #Bacgate et alors que plus personne ne croit vraiment la fable qui raconte que les chefs n'étaient pas au courant, l'admirateur de Clemenceau a donc décidé d'arriver quelques heures plus tôt pour aller faire un tour au Derby, accompagné du proc', qui va bientôt pouvoir demander un cachet à TF1 et à M6 pour ces multiples apparitions, du nouveau et très discret préfet de police, mais aussi de Marie-Arlette Carlotti, collègue de Valls au gouvernement et surtout élue de secteur.

"Ce n'est pas républicain"

Au même moment justement le maire de secteur, le sénateur-maire UMP Bruno Gilles était au premier rang à un meeting de François Fillon qui se tenait à quelques embouteillages de là, au Florida Palace. Gilles, comme la majorité de la fédération UMP des Bouches-du-Rhône dont il est secrétaire départemental, est copéiste, mais comme son président Jean-Claude Gaudin, il avait tenu à être là. "Mon cher Jean-Claude, mon cher Bruno, votre présence ici montre que ce débat est amical et ne doit pas être un affrontement". Fillon a fait le job.

Mais Gaudin et Gilles avaient la tête ailleurs, du côté du Derby. Car ils étaient bien entendu au courant de la visite "surprise" ministérielle. Et toute la soirée, les deux hommes ont attendu une invitation officielle de Manuel Valls. Fanny. Pas un fax, pas un coup de téléphone. Ils étaient fous de rage. "Ce n'est pas républicain, c'est une honte", s'étranglait Bruno Gilles hier soir que nous avons joint à la fin du meeting de Fillon :

Que le ministre de l'intérieur se déplace et n'invite même pas le maire de la ville et le maire de secteur, ce n'est pas normal. Et puis que venait faire Marie-Arlette Carlotti ? Ce n'est que de la basse politique. Alors que la situation est grave, et qu'il y a eu mort d'homme, je n'ai jamais encore rencontré ni le nouveau préfet de police – à la limite, c'est normal il vient d'arriver – mais pas non plus le directeur départemental de la sécurité publique, qui lui est là depuis plusieurs semaines. J'irai d'ailleurs ce midi à Alliance leur distribuer mes cartes de visite car ils semblent avoir perdu mon numéro de téléphone.

Mais ce n'est pas la règle du jeu ? "Non, quand nous étions au pouvoir, quand Hortefeux ou Guéant venaient à Marseille dans les quartiers nord, on prévenait à chaque fois les maires socialistes, et d'ailleurs Valls fait une erreur politique car je vais encore plus hurler comme un putois pour avoir des effectifs dans le 4/5. Qu'ils commencent par nous envoyer les effectifs prévus !" Bon, bon, bon.

Hier soir dans la nuit un violent orage a éclaté dans le ciel marseillais et des trombes d'eaux sont tombées. Comme dans Seven. "On ne ment jamais tant qu'avant les élections, pendant la guerre et après la chasse" comme disait Georges Clemenceau. Bonne journée Monsieur le ministre.