Un petit scarabée grand maître d'une autre économie
Un petit scarabée grand maître d'une autre économie
Des “experts”, qu’ils soient gérants de société d’investissement ou chercheurs en université, des hommes politiques, des journalistes voire des quidam au détour d’un micro-trottoir : on entend beaucoup de monde parler “économie”, surtout en ces temps de crise des dettes souveraines. Une fois n’est pas coutume, c’est le point de vue d’un insecte, Cerambyx cerdo que l’on découvre, par l’entremise de l’auteur Emmanuel Delannoy dans un livre paru et présenté sur le Vieux-Port la semaine dernière, L’économie expliquée aux humains.
Directeur de l’institut marseillais Inspire (se donnant pour mission de “réconcilier développement économique et biosphère”, il est en contact poussé avec le pôle régional de d’innovation et de développement solidaire Eco entreprises et conseille notamment La Poste et Yves Rocher), il nous fait partager sa conversation avec un Grand capricorne rencontré dans la vallée de Saint-Pons, “un des rares vestiges de la forêt méditerranéenne antique”, non loin de Gémenos. A moins que ce ne soit le fruit de son imagination, hypothèse que la conclusion du livre n’exclut pas…
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On l’aura en tout cas compris, sous couvert de faire parler la petite bête, l’idée est de développer de manière pédagogique une autre approche de l’économie. Moins celle du bon client des journaux télévisés Marc Touati que celle qui correspond davantage à l’étymologie du mot : oikos nomos, gestion de la maison (“maison” que l’écologie se charge de mieux connaître). Même livrés par Cerambyx cerdo, les premiers chapitres qui en posent les bases en traitant des services rendus par la nature ou de la notion de valeur du vivant pourront nécessiter pour les lecteurs visés (à partir de 10 ans) de s’accrocher un peu. La suite de ce livre concis de 146 pages se dévore plus facilement.
Espèces parapluie, espèces inspirantes
La bestiole nous raconte avec ses mots les concepts de trame écologique (pour éviter les “barrières infranchissables” qui empêchent espèces de se déplacer pour faire face aux changements de l’environnement, brasser leurs gènes etc.) d’espèce parapluie” (comme l’aigle de Bonelli, dont la protection “permet de conserver les landes et maquis qui lui servent de territoire de chasse”) ou de cause multifactorielle (à travers l’exemple du frelon asiatique qui est récemment venu faire office de “coupable idéal” bien pratique du déclin des abeilles en évitant une remise en question sur les autres causes comme les OGM ou le modèle agricole).
Mais on rentre vraiment dans le vif du sujet, et ceux qui découvrent cette thématique dévoreront cette partie, avec le biomimétisme : après avoir un brin mouché notre orgueil d’humains ayant tout découvert, tout inventé, avec des exemples tirés de l’inépuisable ingéniosité de la vie (qui fait l’objet d’un autre livre tout juste sorti, rédigé par deux journalistes scientifiques), il lance un appel à s’en inspirer (c’est ça le biomimétisme, un champ où la base de données Ask Nature répertorie les moyens de la biodiversité pour faire de la colle, des colorants, climatiser un bâtiment ou optimiser l’aérodynamisme).
Remèdes pour accros au pétrole
On voit déjà plus le rapport avec l’économie à laquelle nous sommes plus familière, avec un moyen pour les entreprises de disposer d’un labo de recherche qui fonctionne depuis 3,8 milliards d’années. Le chapitre suivant s’en rapproche encore davantage, dressant un parallèle entre le Grand capricorne, “espèce inféodée”, c’est-à-dire dépendant, aux arbres, et l’homme, qui après “avoir su utiliser habilement toutes les ressources que la nature [lui] prodiguait”, se retrouve aujourd’hui fortement dépendant d’une seule : le pétrole.
Suivent quelques idées pour l’atténuer, et avec ça sortir d’une économie trop basée sur la croissance de la consommation, la linéarité (on prélève des ressources qui au bout deviendront des déchets) et les externalités (très bien résumées par la citation “veuillez laisser à d’autres le soin de remettre les lieux en l’état où vous l’avez trouvé en entrant”), notamment l’économie circulaire et de fonctionnalité. On voit aussi posées des questions qui nous ramènent au cœur du débat politique, avec une fiscalité qui incite plus à être économe en travail qu’en ressources naturelles, dont le pétrole.
On pourra regretter qu’elles soient trop peu approfondies. Tout comme les incursions sur le terrain de l’urbanisme et de l’agriculture. Sur l’obsolescence programmée ou la provocation de nouveaux désirs pour “faire tourner la machine”, on est loin de l’enquête d’Arte Prêt à jeter et des analyses de Jean Baudrillard. Mais la concision est aussi un atout, et Cerambyx cerdo se révèle être un bon outil pour éveiller, susciter la curiosité, donner envie d’aller plus loin.
“L’économie expliquée aux humains”, Emmanuel Delannoy, Editions Wildproject, 16€
Sur le biomimétisme, voir l’association Biomimicry Europa
Sur l’écologie industrielle, voir l’atelier mené lors du débat public sur le terminal méthanier Fos Faster, qui pourrait établir des synergies avec Combigolfe
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Il faut outre ou avec ce livre, lire ou relire la Ferme des animaux d’Orwell écrit à une époque où les bons étaient à l’ouest et les mauvais à l’est.
On se rend compte d’une continuité dans le script
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Un peu sur le même sujet, le biomimétisme, voir aussi la vidéo de l’intervention de Gunter Pauli lors de Lift 09 à Marseille : http://videos.liftconference.com/video/1229406/gunter-pauli-changing-the
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