Un enfouissement sauvage de déchets dans une manade fait voir rouge à Saint-Martin-de-Crau

Actualité
le 14 Août 2020
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Selon les associations FNE 13 et Anticor 13, des déchets seraient enfouis sans autorisation sur le terrain d'une manade à Saint-Martin-de-Crau. Deux inspections des services municipaux et de l’État ont eu lieu sur place. Tout comme les associations, la mairie annonce qu'elle va porter plainte. Le dossier est sur le bureau du procureur de Tarascon.

Un pré dans la plaine de la Crau, en bordure du chemin d
Un pré dans la plaine de la Crau, en bordure du chemin d'accès à la manade Chapelle Sophie & fils. Crédits : capture d'écran Google street view.

Un pré dans la plaine de la Crau, en bordure du chemin d'accès à la manade Chapelle Sophie & fils. Crédits : capture d'écran Google street view.

Des camions déposant des déchets sur le sol. Une pelleteuse prenant le relais pour enfouir le tout dans le sol de la plaine de la Crau, sans autorisation, sur le terrain d’une manade où paissent des taureaux. Ce ballet se déroulerait depuis le mois de janvier selon un courrier anonyme transmis aux fédérations locales de France nature environnement (FNE 13) et Anticor (Anticor 13).

L’association environnementale et l’association anti-corruption ont sonné publiquement l’alarme ce 11 août, via un communiqué commun envoyé à la presse. Les faits leur “semblent être d’une gravité extrême et [leur] laissent à penser que nous sommes face à un vaste trafic organisé et non pas une simple décharge sauvage.”

La nappe est peu profonde, quels que soient les déchets, il peut y avoir des dégâts sur l’alimentation en eau des populations alentours.

Stéphane Coppey de FNE 13

Comme Marsactu a pu le vérifier, des alertes ont été transmises depuis mars aux autorités par le conservatoire des espaces naturels Paca (CEN Paca), qui gère une réserve naturelle voisine, et le syndicat mixte de gestion de la nappe phréatique de la Crau (Symcrau). Ce dernier craint une pollution de la nappe qui alimente en eau potable les habitants de Mas-Thibert, situé sur la commune d’Arles, et de Saint-Martin-de-Crau. “La nappe est peu profonde, quels que soient les déchets, il peut y avoir des dégâts sur l’alimentation en eau des populations alentours, considère pour sa part Stéphane Coppey de FNE 13. On demande que ça s’arrête, que l’on enlève ces déchets qui n’ont rien à faire là, puis que le terrain soit remis en état et que des analyses soient faites pour savoir si la nappe phréatique est polluée”, ajoute le responsable associatif.

Saisine du procureur

Le directeur des services techniques et de l’urbanisme de Saint-Martin-de-Crau nous confirme avoir reçu le signalement du CEN Paca, fin mars. “Nous nous sommes rendus sur place début avril. Et nous avons immédiatement informé les services de l’État”, affirme Laurent Galy. Puis, confirmant ce que la maire, Marie-Rose Lexcellent, a déclaré à France 3 Provence-Alpes, l’agent municipal explique qu’une seconde inspection a eu lieu le 4 août.

À ce stade, la préfecture n’apporte pas de précisions sur les déchets. “Concernant l’origine des apports, le risque de pollution de la nappe, ces éléments sont en cours d’analyse. À ce jour, les dépôts ont cessé”, affirme-t-elle. Néanmoins, “plusieurs procès verbaux (PV) ont été dressés par la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM)”, indique-t-elle à Marsactu : “au titre de la police de l’eau et de la nature ; au titre du code forestier, un PV d’infraction pour absence d’autorisation de défrichement ; au titre du code de l’urbanisme, un PV pour défaut de déclaration préalable et non-respect du plan local d’urbanisme (PLU).” Les services de l’État ont transmis le dossier au procureur de la République de Tarascon. Contacté, le parquet n’a pas fait suite à nos demandes de précisions.

La manade se situe au lieu dit Mas-de-Pernes, entre la quatre voie de Fos à Arles (N 568, en rouge) et l’étang des Aulnes qui fait partie de la réserve des Coussouls de Crau (délimitée en rose). D’Est en Ouest, la D24 mène de Saint-Martin-de-Crau à Mas-Thibert (en orange). Source : Géoportail.

Du point de vue des associations, la mairie de Saint-Martin-de-Crau et les services de l’État n’auraient pas agi avec suffisamment de diligence : “presque six mois ont passé depuis les premiers constats et alertes de la part de personnes qui, pour certaines, ont été victimes d’intimidations et de graves menaces”, précise le communiqué. Une appréciation que rejette Laurent Galy : “il faut replacer les choses dans leur contexte, la France était fermée et notre priorité était de gérer la crise sanitaire. Malgré cela, nous avons agi.”

Tout comme FNE 13 et Anticor, la municipalité annonce qu’elle va porter plainte et se constituera partie civile si une instruction judiciaire venait à être ouverte. “Si des choses sont déviantes, elles devront être réparées”, estime Laurent Galy.

Les associations estiment avoir affaire un réseau de trafic de déchets, sans avoir de certitude, pour l’heure, sur la nature, le volume et l’origine des déchets. Le terrain d’enfouissement présumé se trouve dans un espace classé Natura 2000, tout proche de la réserve naturelle des Coussouls de Crau. Soit dans un environnement fragile, considéré comme l’une des dernières steppes semi-arides d’Europe.

La propriétaire de la manade Chapelle Sophie & fils, située au lieu dit Mas-de-Pernes se défend de participer à du trafic de déchets. “Notre métier c’est d’élever des taureaux et nous sommes très conscients que l’on est en zone Natura 2000. Nous n’avons aucun déchet sur notre terrain. Nous avons fait venir des gravats pour faire une plateforme sur une petite parcelle de 3000 mètres carrés”, explique Sophie Chapelle. Des gravats qui serviraient donc à combler un trou dans le but d’aplanir le sol pour bâtir un hangar. “Notre seule infraction, c’est de ne pas avoir fait de demande à la mairie”, reconnait-elle. La justice pourrait désormais aider à éclaircir cette affaire.

Actualisation à 11 h 40 : Ajout de la réponse de la préfecture sur son action dans ce dossier.

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Commentaires

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  1. raph2110 raph2110

    La délinquance n’est pas qu’une affaire de jeunesse. Certains qu’ils soient en col blanc ou pas, outrepassent les lois sans une once de remord et bien sûr de responsabilité, de respect des autres. J’espère que de tels actes seront sanctionnés comme il se doit et que les amendes seront nettement supérieures aux gains que ces voyous ont obtenus illégalement.

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  2. Titi du 1-3 Titi du 1-3

    Des gravats pollués (amiante, arsenic, métaux lourds….) ?

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  3. barbapapa barbapapa

    Peut-être que c’est beaucoup de bruit pour quelques gravats inertes sur 50×60 mètres ?

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  4. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    Longue vie à Anticor et à la FNE, qu’elles vivent longtemps, très longtemps…!
    Plus sérieusement, heureusement que les associations sont là pour que les proprios indélicats respectent les lois.
    ”Tout comme FNE 13 et Anticor, la municipalité annonce qu’elle va porter plainte et se constituera partie civile si une instruction judiciaire venait à être ouverte”. Le mot important c’est ”VA” qui en dit long sur ces communes qui ont le réflexe lent concernant leur biotope…!
    Enfin quelle est la ”qualité” des déchets?

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  5. Jacques89 Jacques89

    “…et nous avons immédiatement informé les services de l’État”.
    Tiens, il me semblait que c’était le Maire (officier de police judiciaire) qui était en charge de faire respecter le règlement sanitaire départemental?!
    Sont tous en train de dire qu’on ne les consulte pas assez mais quand il faut aller au charbon: plus personne! “M’sieur, M’sieur, on nous a dit que des méchants venaient polluer notre nappe…” Et en plus on construit en zone Natura 2000 sans demander d’autorisation?! Serait pas au courant le Maire par hasard? Ah! elle est belle notre Province!

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