Un docu sur le Château en santé, “cocon protecteur” pour les patients des Quartiers Nord

Interview
le 11 Oct 2021
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Ce lundi soir, France 3 Provence Alpes diffuse le documentaire Le Château en santé, du nom de ce centre médical atypique, installé aux pieds des tours de Kalliste (15e). Le réalisateur Olivier Bertrand nous plonge dans cette bulle de répit, où une équipe de courageux tentent de ramener le soin dans l'une des cités les plus déshéritées du territoire.

Capture du film Le Château en santé, d
Capture du film Le Château en santé, d'Oliver Bertrand.

Capture du film Le Château en santé, d'Oliver Bertrand.

Depuis 2018, un projet un peu fou a pris forme au cœur du parc Kalliste, grande copropriété délabrée et squattée du 15e arrondissement. Une équipe de soignants et de médiateurs y ont rénové une vieille bastide abandonnée, pour en faire un centre de santé d’un genre nouveau. Basé sur le principe de la “thérapie communautaire intégrative”, l’objectif est de venir en aide à une population écartée de l’offre de soin. Parmi les particularités du lieu : une hiérarchie horizontale, la prise en compte de l’aspect social et la collaboration entre les différents corps de métier.

C’est ce projet qui a passionné Olivier Bertrand, ancien journaliste pour Libération, co-fondateur du site Les Jours et réalisateur de plusieurs documentaires. Après avoir passé des mois sur place pour y faire du repérage, mais aussi du bénévolat pendant la crise du Covid, il a filmé ce lieu atypique. Mais surtout, les femmes et les hommes qui se battent chaque jour pour tendre la main à ceux que les pouvoirs publics ne regardent plus. Un documentaire à voir.

Quand entendez-vous parler du Château en santé pour la première fois ?

Je travaillais pour Libération et je cherchais un sujet de chronique régulière.

Olivier Bertrand

C’était avant les présidentielles et je voulais aller dans un quartier où l’on ne vote quasiment pas. Kalliste fait partie de ces quartiers où l’on vote le moins à Marseille, c’est aussi l’un des plus pauvres de l’agglomération et de France. J’ai fait là-bas beaucoup de chroniques, ce qui a créé un lien assez fort avec les habitants, j’y revenais régulièrement, pour boire un café au PMU par exemple et parler avec les gens.

En janvier 2018, j’ai réfléchi à une nouvelle Obsession pour Les Jours autour de la barre H de Kalliste. Cette barre a été démolie pendant mon film et, à l’époque, il y avait beaucoup de violence entre migrants nigérians et derniers propriétaires occupants. J’ai même envisagé d’y habiter pendant plusieurs semaines. À ce moment-là, la villa qui est au milieu du parc Kalliste était en travaux. Elle m’a toujours fasciné. J’ai demandé ce que c’était et on m’a dit que des médecins s’installaient là. Quelqu’un dans le quartier m’a même dit : “Ils viennent pour faire de la maille”. C’est très révélateur des quartiers déshérités du service public. Quand on y installe un nouveau projet, le premier réflexe est de dire “Tiens, des gens viennent faire de l’argent sur notre dos”.

Pourquoi avoir choisi ce projet-là pour en faire en film ?

Mon idée de départ n’était pas la même que celle de l’arrivée. Ce qui m’intéressait d’abord dans ce projet, c’était leur façon de réconcilier le social et le médical. Avant, le ministère de la Santé était aussi celui des Affaires Sociales. Aujourd’hui, on a dissocié ça.

Par ailleurs, je me suis dit que c’était un super prisme pour raconter le quartier. Je suis donc allé les voir et j’ai présenté les choses comme ça. Au départ, ils m’ont dit qu’ils ne voulaient pas d’un film sur eux, mais que je pouvais venir déjeuner. Ça s’est bien passé, mais ils ne voulaient pas de caméra. Ensuite, j’ai abusé de leur déjeuner, jusqu’à leur faire à manger et à les aimer.

Ce sont des gens engagés, sans posture, cohérents entre ce qu’ils font et ce qu’ils pensent, avec du bon sens. Cela a fait évoluer mon projet, Kalliste m’intéresse toujours autant, mais en fait je leur ai dit “c’est vous qui m’intéressez”. Ils se sont réunis, sans ma présence, et se sont dits qu’ils devaient arrêter de me faire tourner en rond, me dire soit non, soit oui et en me donnant tous les moyens de faire mon film.

C’est quelque chose que l’on sent dans votre film. On s’attend à voir le quartier, mais on reste tout au long du film dans la bulle du Château en santé, comme dans un havre de paix. On ressent le quartier, sans jamais vraiment le voir…

Cette idée de bulle, de protection, de lieu de répit, c’est quelque chose que j’entends souvent dans les avant-premières. Je suis content de l’entendre, car c’est une vraie intention de cinéma. Ce n’était pas une intention de départ, mais c’est ce que je ressens au château. Cela peut être une difficulté pour un réalisateur parce que c’est important de filmer la violence. Pas pour la montrer, mais pour qu’on la comprenne, or le château est un lieu où tout s’apaise.

Les gens arrivent avec les violences qu’ils subissent où qu’ils font subir. Un jour, dans la salle d’attente, un monsieur m’a dit “quand je m’assoie ici, je commence déjà à être un peu moins malade”. Je voulais restituer ce cocon protecteur.

Vous parliez de la violence. On la ressent dans votre film, mais on ne la voit jamais. Comme cette scène où un homme arrive au Château après une bagarre. Vous le filmez de profil de telle sorte qu’on ne voit pas sa plaie.

Je pense que la violence suggérée, sans forcément la montrer a plus de force. La violence sociale du quartier, qui submerge tout ne doit pas être recouverte par la question de la violence physique qui est réelle dans le quartier. On n’est pas en manque de la représentation de la violence. Quand on parle des quartiers Nord, nous sommes assez abreuvés de ça. Je n’apporterais rien de plus en mettant une plaie en gros plan. Et puis, quand on va se balader à Kalliste, il n’y a pas de violence de partout. Ça, c’est dans nos représentations.

Un médecin ausculte la plaie d’un patient après une bagarre. (Capture du film Le Château en santé)

Si on ne voit pas de violence, on sent tout de même une lourdeur, quelque chose qui pèse sur les habitants de Kalliste et qui fait de leur vie un enfer. Comment qualifieriez-vous cela ? Qu’avez-vous appris sur le quartier ?

Je ne parlerais pas d’enfer, même si certaines personnes du quartier le diront ainsi. À Kalliste, je n’ai rencontré qu’une seule famille qui était là par choix. Pour le reste, les gens qui y vivent ne l’ont pas choisi. On vient là parce qu’on ne peut pas avoir de logement social, et on va trouver un marchand de sommeil qui va vous louer trop cher un appartement.

Ensuite, on se heurte à l’enclavement. Aller dans le centre-ville n’est pas simple du tout. Même à l’école, il n’y a aucun mélange. La question de la non-mixité radicale se pose. Il n’y a que des habitants d’origine comorienne, algérienne, turque. Ce n’est pas un problème en soi sauf qu’il n’y a aucun mélange et très vite vous allez vous sentir stigmatisé en permanence. Tout cela participe à ce que l’on pourrait appeler un enfer, c’est-à-dire être différent, dans un espace enclavé, enfermé. Et soumis à diverses formes de violences sociales ou physique, à la présence de réseau de drogue qui exerce un contrôle social.

On a le sentiment que ces soignants sont au pied d’une montagne de problèmes qui empêche les gens de se soigner, qui sont plus dans une forme de survie. Où trouvent-ils la force ? Qu’est-ce qui les fait tenir ?

Ils trouvent la force dans leur collectif avant tout. Ils sont souvent à la limite, sur un fil. Tout le monde a peur qu’un jour cela s’arrête, et moi aussi. Je mesure la fatigue, l’épuisement, la désespérance, toute la violence qu’ils portent, familiale et conjugale. La seule chose qui les fait tenir c’est d’être un vrai collectif, et de se réunir énormément.

Olivier Bertrand capte les moments de répit et de complicité dans l’équipe. (Capture du film)

Tous les jeudis matin, ils se réunissent pour gérer les problèmes de la maison qu’ils gèrent collectivement. Ils fonctionnent de manière très horizontale. Ils choisissent un cas médical et tout le monde apporte son regard. Ils essayent de démêler la situation ensemble. Et puis, ils partagent un tel combat qu’aujourd’hui ils sont devenus de vrais amis.

Il y a dans votre film, dans ce lieu, beaucoup de femmes.

C’est très vrai. Souvent, quand il y a de l’engagement, il y a beaucoup de femmes. En tout cas dans les lieux d’intimité. Dans les quartiers populaires, c’est encore plus fort. Tout l’investissement est féminin. Toutes les associations qui font des choses intéressantes sont tenues par des femmes. C’est aussi le cas au Château. Les femmes y prennent une place très importante.

Comment se sont-elles, se sont-ils rencontrés et constitués en équipe ?

Au départ, ce sont deux médecins, Ségolène et Irène qui sont en fac de médecine et qui sont déçues de l’internat, de la façon de soigner en France. Elles rencontrent le collectif marseillais Massilia santé system, constitué essentiellement de soignants. Elles y trouvent des infirmiers, font des débats, collent des affiches dans Marseille. Elles sont contre la surmédicalisation, contre ce système de santé très vertical, contre le patriarcat à l’hôpital.

La bastide rénovées est aux pieds des tours de Kalliste. (Capture du film)

Un jour, elles vont à Toulouse faire un stage à la Case de santé, qui est le centre précurseur en France sur ce modèle et reviennent en disant : “on arrête tout, on arrête de coller des affiches, on va construire notre centre”. Elles commencent la bagarre pour convaincre, l’ARS [Agence régionale de santé, ndlr], la Ville, la métropole, la région… Tout le monde avait beaucoup de sympathie pour eux, parce que les fous font plaisir.

Jusqu’à la venue de Jean-Marc Ayrault à Marseille après un énième règlement de comptes. Les services du Premier ministre disent alors aux services : “il nous faut trois projets prêts à être financés assez spectaculaires pour qu’on en parle dans les médias”. La préfète déléguée à l’égalité des chances soutient ce projet depuis le début et en parle. Matignon dit “banco”. À partir de là, tous les financeurs se mettent au garde à vous, la région, la métropole et surtout l’ARS.

Un coup de chance, en somme…

Non, ce n’est pas un coup de chance. Cela raconte quelque chose qui est très redondant dans notre pays. Dans les banlieues, on investit réellement et on invente des politiques seulement lorsqu’on est face à la violence.

Le Château en santé est diffusé ce lundi 11 octobre en deuxième partie de soirée sur France 3 Provence Alpes.

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Commentaires

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  1. Alceste. Alceste.

    Violette, bonjour.
    Cette structure benefie t’elle d’aides ou de subventions ?

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    • Violette Artaud Violette Artaud

      Bonjour,
      Le Château en santé a bénéficié pour son lancement de subventions de la région et de l’Etat via l’Agence régionale de santé.
      Aujourd’hui, la moitié de ses financements proviennent du remboursement de la sécurité sociale et des mutuelles et l’autre moitié de subventions (notamment pour les ateliers, la “santé communautaire” etc…).

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  2. Alceste. Alceste.

    Ou plutôt s’ont elles conséquentes ?

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  3. pas glop pas glop

    J’aurai tendance à répondre bien sûr Le Château en santé bénéficie de subventions et ils/elles en ont un très bon usage !

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    • Alceste. Alceste.

      J’aurais aimé connaître l’implication de la région et/ ou du département dans ce type de projet par rapport à la pantalonnade de la Barben.

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    • Pierre12 Pierre12

      C’est écrit à la fin, financement de la région et métropole, il faut lire les articles jusqu’à la fin mon cher.

      J’imagine vôtre grande déception, vous n’allez pas pouvoir déverser vôtre fiel habituel et ridicule sur Martine et Renaud.

      D’ailleurs, qu’est ce qu’on s’en fout de savoir qui a financé, l’important c’est le projet, pas de savoir qui a payé…sauf pour les médisants et partisans dont vous faites partie.

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      Ah Pierrot toujours prêt à défendre la Vassal et l’orphelin. C’est beau comme du Balzac.
      Sauf que les financements sont arrivés parce que le premier ministre de l’époque l’a imposé via la préfète à l’égalité des chances. Donc à la création de la Metropole, et Jean-Claude, trop content de débarrasser la ville d’un financement de plus, a tout fait supporter par la Metro.

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  4. cyrille cyrille

    Merci pour votre article, je vais regarder ce documentaire ce soir. Et merci à Olivier Bertrand d’avoir investi du temps pour nous faire découvrir ce lieu.

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  5. Zumbi Zumbi

    Quand des journalistes font du journalisme, ça fait du bien, vous trouvez pas ?

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  6. Lazarre Lazarre

    OLIVIER ou OLIVER ?
    SVP faites une relecture. J’adore Marsactu mais c’est dommage, il y a souvent des coquilles dans vos articles. Si vous cherchez un correcteur, j’en connais.

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  7. Alceste. Alceste.

    Pierre 12, la bêtise peut être excusée,la méchanceté,non et la connerie encore moins.
    Être le toutou de la mémére Vassal est votre droit le plus strict ,mais ne vous les donnent pas tous.
    J’ai bien lu tout l’article , d’où la demande de précision auprès de Violette Artaud.La structure en question ne peut survivre seule,donc mon questionnement était de savoir si nos impôts contribuaient à ce financement et c’est mon droit le plus strict,et aussi de savoir où votre Martine et Renaud dépensent nos sous et quels sont leurs choix .
    Si cela vous ennuie ou bien si cela vous agace,un je m’en fiche totalement et de deux cela démontre que , suivant l’expression populaire, certaines cuisses ne sont pas si propres que cela.
    Donc je suis curieux de connaître le montant de la subvention allouée par les institutions locales au profit de cette structure.Si cela est conséquent,bravo.Sinon……….
    A votre égard ,je reprendrais ce mot de Clemenceau dont le sujet de moquerie était un ambassadeur,vous l’êtes quelque part pour Vassal, Clemenceau disait à ce dernier : “.Monsieur,pour être ambassadeur,il ne suffit pas d’être con,il faut être aussi poli”.
    Bonne après-midi,et je fais mon acte de contrition auprès des autres scripteurs pour cette réponse un peu sèche.

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    • ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

      Il vous sera beaucoup pardonné

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  8. LN LN

    “Ce sont des gens engagés, sans posture, cohérents entre ce qu’ils font et ce qu’ils pensent, avec du bon sens” Hé oui, quand tout y est, ca marche !
    Beaucoup dans le coin devraient s’en inspirer

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  9. Alceste. Alceste.

    Ars a versé, sauf erreur de ma part 173 000 euros sur 2020.Je n’ai trouvé que cette donnée.
    Si d’autres ont d’autres chiffres ???

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    • Pierre12 Pierre12

      Non 172.990 euros.

      Je ne sais pas pourquoi, mais je vous imagine bien en réunion de copropriété, vilipender le syndic pour un dépassement du budget de 50 euros.

      Qu’est ce qu’on s’en fout de ce qu’a payé l’ars 🙄😘

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  10. Alceste. Alceste.

    C’est bien Pierre 12, vous aurez un bon point.Et au bout de trois une image.
    Mais je ne sais toujours pas pour combien les autres institutions ont contribué.J’ai vu passer un chiffre tellement ridicule que je n’ose y croire.
    Un conseil ,quand même , il faut toujours surveiller son syndic de copropriété à Marseille,ils sont gratinés.

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  11. Alceste. Alceste.

    Violette, bonsoir.
    Merci de votre aimable réponse, mais vous n’avez pas plus détails sur la composition des 50% de subventions ?.
    Cela me permettrait de mesurer le différentiel entre les dires et la réalité des faits.

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  12. Francois Cadiergue Francois Cadiergue

    Bonjour, je n’ai pas pu voir le documentaire, savez-vous s’il est rediffusé ? je ne l’ai pas trouvé en replay.
    Et merci bcp pour cet article

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