Un comité (Théodule ?) au chevet de l'emploi à Marseille
Un comité (Théodule ?) au chevet de l'emploi à Marseille
C’est un de ces « machins » – comme disait le grand Charles – dont on n’est jamais sûr, même après explication, de savoir s’il fonctionnera réellement et surtout s’il aura une autre utilité que d’enrichir la gamme des sigles. En l’occurrence COE. Pour comité d’orientation pour l’emploi. Qui est chapeauté par un autre sigle : la MDEM, la Maison de l’emploi de Marseille. Mais avant de vous expliquer le lien entre les deux, sa composition, ses objectifs affichés et de soupeser son intérêt (voir plus bas donc), attardons nous sur le diagnostic qui a accompagné sa création, officialisée jeudi dans la salle du conseil municipal en présence du maire. Comité Théodule ou pas, il aura au moins servi à ça…
L’emploi à Marseille à la loupe
Mené par la MDEM et l’Agence d’urbanisme de l’agglomération marseillaise (Agam), ce travail n’avait pas été réalisé depuis 2005 : faire un tour d’horizon de la situation de l’emploi à Marseille, des enjeux, des faiblesses et des leviers d’actions potentiels. Le tout présenté en débat devant une bonne centaine de représentants de l’Etat, de collectivités, du monde économique, de structures de formation, d’insertion, d’universitaires, avec à la tribune deux invités de marque : Vincent Chriqui, directeur général du Centre d’analyse stratégique, et Isabelle Eynaud-Chevalier, chef du service politiques de l’emploi et de la formation professionnelle à la direction générale du même nom.
Ce qui a notamment permis d’aller au-delà de l’auto-satisfecit de Jacques Rocca-Serra (adjoint délégué à l’emploi et président de la MDEM), calculant que le chômage est déjà passé de 21,5% en 1995 (arrivée à la mairie de Jean-Claude Gaudin) à « 12,5% avant la crise » et du « Marseille a mieux résisté », autre antienne municipale. Les « grands travaux » et les « grands événements » cités par Jean-Claude Gaudin ne sont pas les seules raisons, et Patrick Tanguy (Agam) a résumé les principales qu’il avait développées dans une interview sur Marsactu en juin : en plus d’une part importante des emplois publics – comme toutes les métropoles régionales – Marseille combine « une sur-représentation de l’économie résidentielle, un emploi industriel – très sensible à la conjoncture internationale – peut présent et une diversité du tissu local, avec beaucoup de TPE et PME ». Une « inertie » qui marche dans les deux sens, la reprise étant plus molle qu’ailleurs en France.
Qualification et inégalités
Mais la partie la plus intéressante concernait les « fragilités » de Marseille. « La première est fondamentale : c’est un problème de formation et de qualification de la population. 25% des actifs sont sans diplôme, part la plus élevée des grandes villes françaises. Or, l’avenir appartient à l’emploi qualifié et cette situation peut entraver le développement économique de la ville », a posé Patrick Tanguy. « Attention, il ne s’agit pas d’avoir la religion du diplôme, de savoir combien on a de bac+x, mais la réussite passera par une élévation des compétences. Et on ne peut pas dépasser un certain niveau d’emplois si derrière il n’y a pas les qualifications pour créer, encadrer », a complété Vincent Chriqui.
Sur toutes les lèvres comme l’une des solutions : l’alternance et l’apprentissage. Mais « pour que les Marseillais puissent acquérir un bon niveau de formation il faut que l’école soit à la hauteur. On n’y arrivera pas si on ne travaille pas sur les ruptures dès la primaires mais bien sûr aussi au collège et lycée » a averti Michèle Trégan (PS), conseillère régionale déléguée à l’Emploi. Ce qui nous renvoie à la manifestation de la semaine dernière contre les coupes dans une « éducation au rabais« , mais aussi à la question des inégalités territoriales, avec un taux de diplômés qui plonge pour les 3e, 14e, 15e et 16e arrondissements de Marseille.
Alors qu’il est d’usage de (seulement) la présenter comme une ville pauvre, l’étude rappelle qu’elle est aussi (avant tout ?) la grande ville la plus inégalitaire de France avec un écart de revenu entre les 10% les plus pauvres et les 10% les plus riches de 14 fois. Ce qui « a une incidence sur la capacité de mobilité géographique mais également sur la capacité à financer la garde des enfants », note le document. Et donc sur l’emploi. La mobilité, c’est justement le deuxième grand axe qui ressort de l’étude.
Un marché du travail fragmenté
Avec ces éléments fournis par Patrick Tanguy : les habitants des zones plutôt défavorisées (CUCS) logent « souvent plus loin de leur emploi » (quand ils en ont un), utilisent plus souvent les transports en commun (et sont donc plus sensibles à l’offre) mais occupent également plus souvent des emplois atypiques (d’où un « recours à la voiture qui peut être indispensable, mais son coût peut annuler l’intérêt d’un emploi peu rémunérateur »).
Surtout, on saisit là l’intérêt d’une politique ambitieuse de transports en commun dans les zones peu desservies comme levier de l’accès à l’emploi. Faute de quoi « on se retrouve avec un marché du travail éclaté », où par exemple des offres dans le Sud ne seront pas accessibles à des habitants du Nord. Il faut « éviter d’être dans une situation où en plus de compétences limitées, les gens ne cherchent qu’à proximité », a résumé Vincent Chriqui.
Dernier constat, signé Isabelle Eynaud-Chevalier : l’emploi féminin, dont la progression « explique presque à elle seule l’augmentation du nombre d’emplois depuis 25 ans », est à la traîne avec tout juste une femme sur deux en 2008, contre 59% en France. Et si l’on considère les objectifs européens, « on a une marge de 20 points à Marseille qui fait qu’on tient là un axe très important. Il va falloir stimuler les Marseillaises et les entreprises », a-t-elle lancé. De quoi nourrir l’action des « décideurs » présents ce jeudi…
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On vous explique… en commençant par vous présenter un autre « machin », dont il dépend : la MDEM, créée en 2008 pour rassembler et coordonner le mic-mac des acteurs dans ce domaine (Etat, collectivités, Pole Emploi, AFPA, missions locales, chambres de commerce, des métiers…). Concrètement, tout ce petit monde essaie de regarder ce que fait l’autre puis décide de mettre en place des actions soit « par les partenaires en fonction des compétences et quand il existe un manque, nous rentrons dans notre rôle d’innovation pour monter les projets », explique Laurence Fontaine, sa directrice.
Exemple : un programme sur les métiers de bouche regroupant mission locale, Pôle Emploi et centre de formation des apprentis. « Nous allons voir les jeunes dans leurs quartiers pour leur faire découvrir ces métiers qui recrutent. Puis pendant tout le parcours on ne les lâche pas, pour qu’il n’y ait pas de rupture entre les structures », poursuit-elle.
Un cerveau pour la politique de l’emploi
Et le COE dans tout ça ? Il en sera en quelque sorte le « cerveau », servant à « définir une stratégie, impulser les grandes orientations de notre action », dixit Jacques Rocca-Serra. Et notamment à établir régulièrement le diagnostic détaillé plus haut. Avec pour cela une composition « la plus exhaustive possible », indique l’élu : en plus des partenaires classiques s’ajoutent principalement les syndicats de salariés, davantage de représentants du monde économique (grandes entreprises etc.) et de l’université.
En tout, 150 membres, dont une quarantaine animera – entre les réunions en plénière pour faire le bilan une à deux fois par an – un comité de pilotage réduit, avec un travail articulé autour de quatre commissions correspondant aux enjeux identifiés par un diagnostic présenté à l’occasion de la première séance. Et si, comme sur la mobilité, un groupe existe déjà, il sera élargi au lieu de créer une nouvelle commission.
Moyens et information
Pour quels effets ? Sur la mobilité, « c’est très difficile, requiert des sommes fantastiques », a reconnu Jacques Rocca-Serra. Mais pour Laurence Fontaine, on peut déjà faire beaucoup avec l’existant, notamment en terme d’information sur l’offre et les aides auxquelles les personnes ont accès. Actuellement, après une identification des besoins, la MDEM oriente également vers des formations, vient de se lancer dans le prêt de scooter électrique et réfléchit à des systèmes de navettes. Une bonne part de l’action de la MDEM consiste d’ailleurs à mutualiser les moyens déjà existants : « par exemple, le public n’a en général qu’un seul interlocuteur, cela lui permet de savoir ce qui existe ailleurs ».
Même discours chez Isabelle Eynaud-Chevalier : « La politique de l’emploi, c’est un art de l’exécution. Nous avons beaucoup de moyens, de dispositifs il faut les faire connaître ». Reste que, comme l’a souligné Jean-Pierre Moulard, président de la MDE Ouest Provence, « la loi de finances prévoit une baisse des crédits Travail-Emploi, je crains que comme l’an dernier nos élu soient obligés de mener un travail acharné pour sauver les budgets des MDE« .
Commentaires
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Je me dois d’apporter un petit correctif à votre article. Plusieurs syndicats étaient présents à la séance d’installation du COE du 29 septembre: FO, la CFE CGC, la CGPME et l’UP.
La CFDT et la CFTC n’ont pu se joindre à cette séance mais ont participé activement aux réunions qui ont permis de réaliser le premier diagnostic partagé emploi – formation sur notre territoire et de préparer la première session plénière du Comité d’Orientation pour l’Emploi.
L’implication des acteurs de terrain comme les syndicats et les entreprises est fondamentale pour agir de façon concertée en faveur de l’emploi.
PS: Jean-Pierre Moulard ( et non Garland) est Président de la MDE Ouest-Provence.
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Un vrai machin, comme vous dites, le bon Charles en aurait dit autant.
Comme si les structures en place ne suffisaient pas.
Difficile de se retrouver sur la carte en l’absence des rues principales, dommage.
Voir les quartiers Nord entre – 40 et -60 % du revenu médian est édifiant.
Comme quoi les zones franches n’ont pas vraiment crée de richesses là ou il fallait.
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Le grand Charles avait aussi dit :”je vous ai compris”.
Sauf que personne avait compris…Ce qu’il avait compris.
Maintenant on a tout compris…la douleur en plus.
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