Tireurs et arquebusiers sèment la discorde à la Barasse

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le 10 Avr 2021
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Actif depuis 1976, le club de tir de la Barasse est aujourd’hui dans le viseur de la justice. Une enquête préliminaire est en cours suite aux plaintes déposées par le CIQ et une association de voisins excédés par le bruit.

Situé à quelques centaines de mètre des premières maison, le stand de tir se trouve aussi aux portes du Parc des Calanques. (Photo CM)
Situé à quelques centaines de mètre des premières maison, le stand de tir se trouve aussi aux portes du Parc des Calanques. (Photo CM)

Situé à quelques centaines de mètre des premières maison, le stand de tir se trouve aussi aux portes du Parc des Calanques. (Photo CM)

Le sujet occupe les conversations Whatsapp du quartier, où les habitants de la Barasse (11e arrondissement) échangent les photos et vidéos qu’ils accumulent comme des pièces à conviction. Leur cible ? Le Stab, pour Société des tireurs et arquebusiers, un club de tir actif depuis 1976. Le stand est situé à quelques centaines de mètres des premières habitations, juste après l’entrée dans le parc national des Calanques. Sur les documents amateurs, on voit défiler certains jours des dizaines de véhicules dont certains immatriculés d’autres départements. Certains observateurs grimpent sur les sentiers pour capturer des scènes lunaires : à l’image, la quiétude du parc des Calanques. Au son, d’impressionnants tirs en rafale qui résonnent dans tout le vallon.

Contacté par Marsactu, le parquet de Marseille confirme avoir ouvert une enquête préliminaire “pour les problèmes de nuisance”. Cette décision fait suite aux deux plaintes déposées en janvier 2020 par le CIQ de la Barasse et l’association du Pic Foch, du nom du chemin qui surplombe le vallon. Ces derniers ont été auditionnés le mois dernier, tout comme les responsables du club. Selon la loi, l’association de tir pourrait éventuellement être inquiétée pour délit d’agression sonore. Mais pour le moment, les investigations se poursuivent. L’exaspération des riverains s’exprime alors sur la page de la pétition lancée contre le stand en 2019, qui recueille aujourd’hui 14 000 signatures.

Agents pénitentiaires et semi-automatiques

Cédric et Nadia Vella mènent la fronde contre le stand. (Photo CM)

Cédric et Nadia Vella, respectivement président et référente sécurité du CIQ de la Barasse, habitent le quartier depuis près de vingt ans. Au fil des années l’activité du stand s’est intensifiée et a donc convaincu le couple de judiciariser l’affaire. Le club accueille historiquement ses membres les mercredis et samedis après-midi, ainsi que le dimanche matin dès 9h. Mais en 2012, l’association a signé une convention avec l’administration pénitentiaire. En plus des trois créneaux habituels, de nouvelles plages horaires ont donc été ouvertes pour permettre aux fonctionnaires de s’entraîner, parfois plusieurs fois par semaine. “Ils tirent en plein air au semi-automatique, juste à côté des chemins de randonnée. C’est devenu la folie”, s’insurge Nadia Vella. “Au début, on pestait en silence. Mais petit à petit, ils se sont octroyés des droits et c’est devenu invivable”, souffle un membre de l’association du Pic Foch.

Si la police mène une enquête de voisinage, elle ne sera pas bonne pour nous, naturellement…

Vincent Cencio, président du Stab

Du côté des Baumettes, un responsable du pôle formation assure que les sessions des gardiens sont généralement regroupées sur un seul mois par an. Mais le club de tir a aussi donné ses clefs à l’EPM (Établissement pour mineurs) de la Valentine et aux ERIS (Équipes régionales d’intervention et de sécurité). Si bien qu’en 2019, “les agents s’entraînaient dès que nous n’étions pas là”, reconnaît Vincent Cencio, président du club et adhérent de la première heure – depuis 1977. De quoi rapporter à l’association, dit-il, près de 10 000 euros par an. Sous le feu des critiques, ce dernier décide alors de réduire les créneaux aux seules après-midis. Mais la décision ne suffit pas à calmer des voisins dorénavant excédés. Il exprime aujourd’hui des remords : “avant, personne ne voulait nous fermer. Maintenant, on risque une sanction à cause du bruit. Si la police mène une enquête de voisinage, elle ne sera pas bonne pour nous, naturellement…”

Yves Giordanino, premier vice-président du Stab, explique au contraire être “attaché” à ce partenariat : “c’est important de rendre service à des fonctionnaires qui doivent s’entraîner et ne font pas un métier facile”, argue-t-il. Il assure par ailleurs avoir investi d’importantes sommes pour améliorer l’insonorisation du site. Sans vouloir ajouter à la polémique, il conclut tout de même : “le stand a une existence historique. De nombreux voisins qui se plaignent se sont installés à la Barasse après nous, donc en connaissance de cause. Il en va de même pour le parc national des Calanques.”

Pas d’étude sur la pollution sonore

Sollicités en janvier 2020 par le CIQ, des journalistes de France 3 ont justement eu l’occasion d’interroger le président du parc national, Didier Réault, sur le site du stand. “On a un vrai souci, parce que l’activité s’est développée”, constatait-il alors face caméra. Contacté par Marsactu, le directeur du parc national François Bland assure aussi être “particulièrement vigilant à la problématique de la pollution sonore”. Il ajoute : “l’activité s’est intensifiée, et pourrait donc pousser le parc à émettre des avis ou des prescriptions”.

Depuis la création du parc national en 2012, l’instance échange régulièrement avec les responsables du stand. Notamment par le biais d’ Yves Giordanino, par ailleurs président d’une association de chasse autorisée à « réguler » la faune dans le cœur du parc. Au vu de l’intensification des tirs au club, le parc national pourrait aujourd’hui, a minima, mener une étude d’impact sonore. “Nous serions légitimes de diligenter une telle étude, mais nous n’avons pas pris cette décision à ce jour”, conclut le directeur.

Le bâtiment appartient à la mairie de Marseille. (Photo CM)

La mairie de Marseille, qui loue le bâtiment à l’association, pourrait aussi se positionner en arbitre. Interrogée sur le sujet, cette dernière n’a pas donné suite à nos sollicitations. Quant à la municipalité des 11/12, le maire (LR) Sylvain Souvestre appelle à “plus de vigilance au respect du voisinage” mais s’oppose à la fermeture du stand : “dans un contexte de menace attentats, le site pourrait permettre à la police de s’entraîner, au même titre que l’administration pénitentiaire aujourd’hui”, estime-t-il.

Tensions autour de l’enquête

Du côté de la DDSP (Direction départementale de la sécurité publique), on explique qu’il a été “envisagé un temps de signer une convention entre la police nationale et la Barasse”, mais cette volonté n’a finalement pas abouti. Cela n’empêche évidemment pas les fonctionnaires d’adhérer personnellement au club de tir pour s’y entraîner durant leurs congés. Et cette hypothèse suffit à créer un malaise chez certains riverains qui craignent une enquête biaisée. Du côté du club, Yves Giordanino assure n’avoir “aucune affinité” avec le fonctionnaire en charge de l’enquête préliminaire. Parmi les quelque 500 amateurs licenciés au Stab, on trouve selon lui “quelques policiers, mais aussi des ouvriers, des avocats ou des notaires”. En clair, conclut-il, “monsieur tout-le-monde”.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    C’est le départ de la randonnée pour la source des Eaux Vives, et si on passe par là le dimanche après 9h00, on vit l’enfer ! id si on se balade sur les hauteurs. Ce vallon de la Barasse cumule les handicaps : victime d’une pollution ancienne par l’industrie de transformation de la bauxite, victime sonore et physique de rodéos de quads et motos tout terrains en toute impunité, victime sonore des beaufs guerriers du stand de tir (souvent il y a des détonations de tirs à l’arme de guerre !), victime du percement d’une très large et inutile route de terre vers Saint Marcel par des engins de chantier immatriculés 2a et 2b du temps des Guérini ! Et pourtant, on est ici dans le Parc National des Calanques…
    Le seul endroit acceptable pour un stand de tir serait dans les structures du camp militaire de Carpiagne, ou dans une base aérienne aux Milles ou à Istres

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    • LN LN

      Route construite APRÈS le feu de la Barrasse…. Vous oubliez aussi les “crues” après les violents orages et les tirs de mortiers du camp de Carpiagne le dimanche après midi. Un regal.
      Sinon cet endroit est fabuleux en semaine et par temps gris et venteux l’hiver. On y voit des lièvres, sangliers, bécasses… et c’est paisible

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  2. jasmin jasmin

    Il fut un temps, l’endroit devait etre bien hors de la ville, mais avec une ville aussi tentaculaire, on ne peut plus cohabiter avec ce genre de choses. Je suis un peu étonnée que la mairie n’ait pas peu l’initiative dès le debut des problemes de faire fermer cette activité aussi proche de la population.

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  3. petitvelo petitvelo

    Apprendre aux mineurs en “maison de correction” à tirer, c’est savoureux comme réhabilitation à une vie honnête … on comprend que les fonctionnaires de police s’y consacrent à titre personnel. Peut-être qu’une installation de 1976 pourrait être mise en adéquation avec son siècle , couverte & insonorisée ? Ou alors convertie en club de tir à l’arc et à l’arbalète ? On pourrait aussi définir une “zone des bruyants”, réservée aux amateurs de “sports” bruyants: engins à moteur thermique roulants, flottants et volants, tirs à explosion, … en bord d’autoroute entre une décharge d’enfouissement et des usines avec des rejets malodorants, bref, pas de quoi refroidir un passionné.

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