Tentative de suicide d’une salariée de Logirem, bailleur social en pleine transition
Le 23 mai dernier, une salariée du bailleur social a tenté de mettre fin à ses jours sur son lieu de travail. Certains syndicats pointent l'inaction de la direction, face aux risques psychosociaux générés par le processus de fusion en cours avec Erilia. Une enquête interne est en cours.
Les bureaux de Logirem boulevard Longchamp à Marseille. (Photo : CMB)
Le 23 mai dernier, au siège de la direction territoriale marseillaise de Logirem, une salariée a menacé de mettre fin à ses jours, en tentant de se jeter par la fenêtre de son bureau, situé au deuxième étage de ce petit immeuble bourgeois du boulevard Longchamp. Selon plusieurs témoins, elle a réitéré son intention de mourir, jusqu’à l’arrivée des pompiers.
Cette personne, chargée de clientèle au sein de la direction territoriale du bailleur social, venait de sortir d’un entretien avec sa direction au cours duquel elle se serait vue proposer un nouveau poste, dans le cadre de la fusion en cours entre Logirem et Erilia. Une version des faits que ne reprend pas à son compte la direction, dans une réponse écrite envoyée à Marsactu : “Nous déplorons que le 23 mai dernier une collaboratrice ait menacé de sauter du deuxième étage. À ce stade, rien ne permet d’établir un lien entre cet événement et la fusion en cours“.
“Une grosse bosseuse”
Un point de vue partagé par certains élus, membres du comité social et économique de l’entreprise. “Je n’écarte pas ce contexte, mais ce n’est pas que cela, précise Safia Messallaoui, déléguée Unsa. C’est une grande bosseuse, une personne qui a un caractère très entier, qui a parfois des problèmes relationnels. Le mois de mai est aussi la période des primes et des revalorisations salariales. On n’en saura plus quand on l’aura entendue“. En revanche, la déléguée considère que la direction a agi en temps et en heure, à la hauteur de la gravité des faits. “J’ai pu m’entretenir avec les collègues qui ont tenté de la raisonner. Ils ont été très secoués“.
De son côté, l’employeur met en avant son souci “du bien-être et de la sécurité de [ses] employeurs” et détaille les “mesures d’urgence appropriées” qu’il affirme avoir mises en œuvre au lendemain de l’événement : saisine de la médecine du travail et rencontres collectives et individuelles avec des psychologues. “Une enquête interne contradictoire avec les élus mandatés par le Comité social économique est en cours, elle permettra d’établir les circonstances exactes de cet évènement“, poursuit la direction.
Par ailleurs, cette dernière indique avoir provoqué une réunion de l’instance paritaire chargée de la santé et des conditions de travail, le 28 mai, et un comité social et économique extraordinaire, deux jours plus tard auquel “ont été conviées l’inspection du travail et un représentant de la Carsat“.
Cette communication est aussi une réponse à un tract incendiaire diffusé par le délégué syndical Force ouvrière, Éric Vitale. Celui-ci assure avoir lui-même saisi l’inspection du travail et fait jouer le droit d’alerte pour provoquer la tenue d’un CSE.
Alerte sur les risques psychosociaux
Effectivement, le 27 mai, il signe un courriel que Marsactu a pu consulter, adressé à la directrice générale de l’entreprise, Fabienne Abecassis, ainsi qu’à des représentants de l’actionnaire, la Caisse d’épargne CEPAC, de la direction départementale des territoires et de la mer (DDTM) et de l’inspection du travail. “Nous vous avions pourtant alertée sur les risques psychosociaux liés à une fusion aussi rapide perçue comme une violence extrême de la part de nombreux salariés, écrit le syndicaliste, en guerre ouverte avec sa direction. Les alertes des élus FO ont donc été vaines. Le résultat est celui de la tentative de suicide de notre collègue. Cette même tentative est un acte révélateur du malaise et du mal-être des salariés et en votre qualité de directrice générale, vous êtes responsable de la santé au travail de vos collaborateurs“.
Dans son tract, le syndicaliste met directement en cause les représentants des autres syndicats, accusés de faire le jeu de la direction et de taire la souffrance des salariés, face au processus de fusion. Selon plusieurs sources, l’inspectrice du travail qui était présente lors du CSE, extraordinaire, s’est montrée particulièrement offensive sur l’absence de prise en compte des risques psychosociaux au sein de Logirem.
“J’avoue avoir été choquée par le ton employé, clairement accusatoire. C’était la pire réunion de toute ma carrière, s’émeut Safia Messallaoui de l’Unsa. Elle était focalisée sur la fusion et les risques psychosociaux“. L’inspection du travail doit diligenter une enquête sur les faits du 23 mai, une fois que l’enquête interne du CSE sera bouclée. “Comme nous voulons entendre tout le monde, y compris la salariée aujourd’hui en arrêt maladie, cela peut prendre plusieurs mois“, indique-t-elle. L’élue Unsa qualifie de “moyens” les efforts entrepris par la direction pour lutter contre le mal-être au travail, alors que la fusion entre Erilia et Logirem doit être juridiquement active en juillet prochain et s’étaler pour les agents jusqu’à la fin de l’année.
Danger fusion
Or, cette fusion entre les deux entreprises sociales passe également par des mutualisations de postes dans les directions administratives du groupe. “J’ai alerté dès l’automne 2023, sur la nécessité de mettre en œuvre des actions de prévention en amont de la fusion, explique Éric Vitale. Aujourd’hui, la direction avance à marche forcée et c’est préjudiciable pour les agents“.
Depuis l’automne dernier, les deux entreprises d’Habitat en région ont entamé cette opération de fusion qui, avec 90 000 logements, doit permettre au groupe de se poser en leader du logement social, à la fois dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et dans la métropole Aix-Marseille-Provence, où les enjeux de déficit en construction de logements sont cruciaux. Ce rapprochement intervient dans un contexte économique difficile pour tout le secteur, au plan national et singulièrement, dans le Sud de la France où les bailleurs sociaux sont sommés de grossir pour faire face aux défis conjoints de la construction, de la rénovation urbaine et de la réhabilitation d’un parc vieillissant.
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