[Sprint final] Ravier regarde droit vers la mairie de secteur

[Sprint final] Ravier regarde droit vers la mairie de secteur

"Lundi, je viens vous voir si vous gagnez inch'Allah." Il est 18 heures et des poussières. Les automobilistes rentrent du boulot sur le chemin de Château-Gombert. Monsieur Youssouf lui est à pied. Cabas à la main, monsieur Youssouf rentre chez lui. Face aux petits commerces de Saint-Mitre, il s'est arrêté volontiers pour discuter avec Stéphane Ravier. Il a voté pour lui au premier tour et recommencera dimanche. Même si Stéphane Ravier n'est pas le plus grand pote d'Allah ? "Mais ce sont les autres partis qui racontent ça, les politiciens, pour dire du mal de lui. Mais ça n'est pas vrai. On a dit qu'ils étaient racistes. Mais ça n'est pas vrai. Moi je suis toujours resté dans le droit chemin et je n'ai jamais été embêté. Si tu en sors, c'est sûr qu'on dira "eh, le noir" mais il suffit de ne pas le faire et tu es tranquille".

"Monsieur Youssouf" ne veut pas en dire plus sur son identité. Kofia sur la tête, le Franco-Comorien est en revanche bien plus loquace sur son choix électoral. "Les politiciens se partagent le magot et ils nous oublient. On a voté Hollande pour qu'il change les choses et il a fait le pire. Il nous a abandonnés. Ici, combien d'années a-t-on eu le PS ? Après, on a eu Gaudin pendant des années et des années. On peut essayer un autre et beaucoup de Comoriens pensent comme moi. À Vitrolles, Mégret, il a été jugé. À Orange, il fait bien son boulot et il reste. Ravier, la prochaine fois, on le jugera aussi."

32 % au premier tour

Le discours colle parfaitement avec le lifting mariniste du Front, presque trop. Mais Ravier jure ne l'avoir "jamais vu avant". Il joue sur les problèmes locaux et nationaux du PS, résumés en une équation : "Hovsepian=Andrieux=Taubira=Hollande". Et ça marche : 32 % des suffrages, en tête au premier tour dans ce secteur. Dans ce quartier de Saint-Mitre, dimanche dernier, dans le bureau de l'école élémentaire, Stéphane Ravier a récolté 41,2 % des voix soit 338 bulletins en sa faveur. Ce coin est donc aujourd'hui un de ses fiefs, comme le quartier de Château-Gombert vers lequel les automobilistes se dirigent. À Saint-Mitre comme dans la quasi-totalité des bureaux de vote, le FN a aussi progressé en nombre de voix depuis les législatives : 1200 suffrages supplémentaires quand 1400 personnes de moins se sont déplacées dans les urnes.

La carte décrit la progression en nombre de voix du Front national entre le premier tour des législatives de 2012 et le premier tour des municipales 2014 dans les 13e et 14e arrondissements.

Stéphane Ravier lui dit sentir "une dynamique". Comme avec monsieur Youssouf, Stéphane Ravier s'est efforcé de gommer les aspérités de son discours. Ses tracts le mettent en scène discutant avec des habitants. Avec un vieux blanc et un jeune tout aussi blanc maillot de la Juve sur le dos. Avec un garçon portant une kippa sur la tête ou des femmes voilées aussi. Vent debout contre la grande mosquée, Stéphane Ravier prône "plusieurs petits lieux de culte partout dans la ville pour les musulmans". Pendant que nous discutons sur ce thème, un militant bout. Il finit par se lâcher : "Mais ça, c'est leur problème !" Regard noir de son chef, des colistiers lui passent un bras autour du cou et l'éloignent des oreilles journalistiques. Pas question de parasiter la fin de campagne avec un nouveau dérapage.

En ce jeudi après-midi, les interpellations sont simples mais force est de constater que le discours du Front fonctionne. Les automobilistes s'arrêtent au cri de "bonjour, Stéphane Ravier pour la mairie du 13/14". Un jeune conducteur et un ami repartent en brandissant fièrement les tracts qu'ils viennent de recevoir face à la caméra de Reuters présente elle aussi pour suivre le candidat FN.

Colistier en onzième position dans le secteur, Dany Lamy expérimente lui un autre slogan : "Publication des bans ! Dimanche, mariage de Gaudin et Guérini". S'il la cherchait encore, le militant tient dans son tract en noir et blanc "la preuve de l'UMPS". avec l'alliance dans les 2e et 3e arrondissements de Lisette Narducci et Solange Biaggi. L'homme est "un militaire en retraite qui travaille dans la police". Lundi, en cas de victoire dans ce secteur, il pourrait être un des 101 nouveaux conseillers municipaux de la ville. Sa priorité sera celle que prononcera chaque militant interrogé : "La sécurité bien sûr, même si je ne sais pas si on pourra faire grand chose en ayant que la mairie du 13/14."

Sécurité et implantation locale

Stéphane Ravier est d'abord un militant de terrain qui a su "gommer son côté complexé, brut de décoffrage", comme le dit un vieux de la vieille du FN. À l'aise et toujours blagueur, il s'arrête face à la devanture d'un opticien où un panneau demande de "sonner avant d'entrer", le quadra s'engouffre : "Vous voyez, on va dire que je fantasme sur l'insécurité. Mais, là, il faut montrer patte blanche, même pour acheter des lunettes". Derrière lui, Sylvestre Garcia opine. Il s'est engagé sur les listes avec sa femme "qui connaît Stéphane Ravier depuis le FNJ (Front national de la jeunesse, ndlr) et a été conseillère d'arrondissements à l'époque de Mégret". "Moi, je travaille dans la sécurité. Je bosse dans un petit magasin et j'ai été braqué. À la base, j'avais été embauché parce qu'il y avait des petits larcins, des vols de canette. Tout le monde ici est conscient de cela", jure-t-il.

Quand les habitants l'interrogent sur un parking, un carrefour, Ravier est précis. Il évoque telle rue en pente où l'eau ruisselle, telle autre où il est impossible de sortir les poubelles. L'homme est candidat dans le secteur depuis le début des années 2000. Dans un parti en miettes après le départ de Bruno Mégret, il raconte, plutôt ému, comment sa candidature s'est dessinée. "En 2001, j'étais jeune, j'ai obtenu un rendez-vous avec le président. J'étais face à Le Pen. Je lui ai dit "vous savez, il y a Mégret qui va se présenter et nous, on n'a personne". Il m'a regardé et m'a demandé pourquoi je ne me présentais pas. Voilà, c'était parti". Celui qui est aujourd'hui président d'honneur est d'ailleurs venu le soutenir jeudi matin. Face à la presse, il a parlé de tout sauf de Marseille et surtout des "440 millions de Nigérians en 2050" qui semblent vraiment l'inquiéter. À côté de lui, le loquace Stéphane Ravier n'a pas dit un mot. On ne coupe pas la parole à son mentor. Dimanche soir en revanche, Stéphane Ravier espère bien couper le sifflet à tout le monde.