Soutenu par les macronistes, Muselier à Paris pour calmer la colère des LR

Décryptage
le 4 Mai 2021
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Le soutien de la majorité présidentielle à Renaud Muselier met la droite dans l'embarras. Ce mardi, elle étudiera même l'option de la constitution d'une nouvelle liste, portée par les plus fervents des opposants à Emmanuel Macron, soucieux d'envoyer un message à un an de la présidentielle.

Renaud Muselier en 2021. (Photo : Emilio Guzman)
Renaud Muselier en 2021. (Photo : Emilio Guzman)

Renaud Muselier en 2021. (Photo : Emilio Guzman)

L'enjeu

Face à un RN annoncé très haut, le président de région sortant veut afficher sa force dès le premier tour.

Le contexte

En annonçant le soutien de la majorité présidentielle à Renaud Muselier, Jean Castex a profondément divisé la droite.

Dans les rues de Marseille, à moins de deux mois des élections régionales, les militants ont commencé les opérations de collage. “Notre région d’abord”, clame Renaud Muselier sur ses affiches. En bas, rien, pas de logo, comme un résumé du paradoxe : la liste du président sortant ne sera étiquetée ni LR, ni LREM. Mais pourrait être la seule à s’offrir aux électeurs de la droite et du centre. Ce mardi, Les Républicains réunissent leur conseil politique et la commission nationale d’investiture avec au menu, un gros morceau venu du Sud.

Dimanche 2 mai, après l’annonce par le Premier ministre Jean Castex du soutien de la majorité présidentielle à Renaud Muselier et du retrait de la candidature de Sophie Cluzel, la réponse de LR n’a pas tardé : “conformément aux règles des Républicains qui imposent qu’il n’y ait aucun accord de premier tour avec LREM, [il] ne pourra pas bénéficier de l’investiture LR”, a tranché le président Christian Jacob. Depuis, la droite se déchire dans les médias. Revue des enjeux.

Un “soutien” à défaut d’une “investiture” ?

“Renaud est sous pression et honnêtement, j’aimerais pas être à sa place. Il se fait massacrer”, constate une artisane du rapprochement LR-LREM. Ce lundi, Renaud Muselier, proche de Christian Jacob, a espéré qu’il pourrait bénéficier du “soutien” du parti à défaut de “l’investiture”, en faisant un pas dans sa direction : les personnalités accueillies ne pourront pas être “ministres, sénateurs, députés et députés européens”. Cela obligerait les membres éminents de LREM qui souhaiteraient coûte que coûte être candidats à quitter leur poste avant l’élection comme l’éphémère tête de liste et secrétaire d’État chargée des personnes handicapées Sophie Cluzel ou la députée marseillaise Claire Pitollat. Qu’importe pour Renaud Muselier, qui sait qu’après l’arrêt de sa liste autonome, LREM est désormais obligé de tenir jusqu’au bout sa nouvelle ligne. “Ils essaient de nous corneriser en jouant à plus malin que malin et en voulant en faire un symbole pour 2022, alors, on les cornerise”, explique-t-on dans les couloirs de la région.

La présence de ces personnalités d’envergure nationale constituait par exemple un casus belli pour l’influent député vauclusien Julien Aubert. “J’ai dit à Renaud Muselier que je ne serai pas sur une liste qui comporte madame Cluzel ou des députés en Marche. (…) Je ne combats pas Macron à Paris pour me retrouver dans la région avec ses amis”, prévenait-il le 23 avril sur Marsactu.

Dans l’entourage de Renaud Muselier, on espère ainsi réussir à calmer le jeu dans le parti ce mardi. “C’est une position assez partagée : à quelques exceptions près, personne n’est contre le fait qu’il y ait des bonnes volontés En Marche sur la liste, tout le monde le fait dans sa commune, dans son département. C’est un deal qui est acceptable pour la majorité des LR. On va essayer d’aplanir l’horizon et on verra ensuite avec qui on y va”, jure un proche.

LR va-t-il monter une liste en catastrophe ?

Retirées à Renaud Muselier, les couleurs de LR s’afficheront-elles sur un autre bulletin de vote le 20 juin ? C’est l’idée émise par le maire de Cannes, David Lisnard, dans Nice-Matin : “Je souhaite une liste claire, nouvelle et fraîche”, plaide celui qui se rêve un destin national plus que régional. Ce mardi, elle sera mise à l’ordre du jour de la commission nationale d’investiture par son président, le Niçois Éric Ciotti, et soutenue par plusieurs pointures dont le président du groupe LR au Sénat Bruno Retailleau. “Plus que jamais, la droite doit assumer le combat contre le progressisme. La logique veut que nous constituions une liste pour porter nos propres couleurs et nos convictions”, affirme ce dernier au Figaro.

En pratique, cette option s’annonce toutefois complexe. Il resterait moins de deux semaines pour réunir 123 candidats prêts à soutenir une telle démarche, répartis dans les six départements de la région. À l’origine, la tête de liste devait être être avalisée ce mercredi par le conseil national, le parlement du parti, en même temps que l’ensemble des candidats. Quant aux conséquences électorales, elles pourraient être rudes pour la droite. “On peut être méchants, mais on peut aussi ne pas être idiots”, résume un dirigeant du parti cité par Europe 1.

Muselier semble isolé dans son parti

Sur le papier, Renaud Muselier n’aura en tout cas pas beaucoup d’avocats au sein de son parti. Sur son site internet, le communiqué de Christian Jacob est assorti d’un pilonnage de tweets de treize membres de l’état-major, qui s’élèvent contre l’initiative du Marseillais. Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, présidents d’autres régions qui se représentent, ont assuré qu’ils ne s’allieraient ni au premier ni au second tour avec la majorité présidentielle. Pour LR, à un an de la présidentielle, le rapprochement autour de Muselier est vu comme une manœuvre d’Emmanuel Macron pour faire éclater la droite. Ou plutôt “les droites irréconciliables” comme le clament en chœur les macronistes, qui ciblent le refus d’Éric Ciotti de choisir entre Macron et Le Pen au second tour de la présidentielle 2017.

Localement aussi, les secousses se font sentir. Ce jeudi, dans la Roya, les journalistes présents ont pu compter les absents. Alors qu’il s’agissait de marquer le rétablissement des TER dans la région dévastée, les absences du député Éric Ciotti, du président du département des Alpes-maritimes Charles-Ange Ginésy et du vice-président aux transports de la région Philippe Tabarot ont été particulièrement notées. “Ciotti a besoin d’exister et cette histoire, c’est en partie les réminiscences de la guerre niçoise Ciotti-Estrosi”, minimise-t-on dans le camp Muselier.

Le président de région sortant compte de son côté sur le soutien local mais majeur des présidents des trois métropoles – Marseille, Toulon et Nice. À commencer par Christian Estrosi, président de région entre 2015 et 2017 et artisan du rapprochement avec LREM, mais aussi le Toulonnais Hubert Falco et Martine Vassal, qui compte sur une équipe composite pour conserver sa présidence du département. Si l’on ajoute son président de groupe Pierre-Paul Leonelli, des membres de son exécutif et des maires comme ceux de Gap ou Forcalquier, il ne devrait pas avoir trop de mal à composer cette liste qu’il veut “d’abord celle de la majorité régionale”. “Il reste un membre de LR, Jacob et Baroin restent ses meilleurs potes. Il revendique sa famille politique, d’être dans la lignée de Sarko et Chirac. Cette liste, c’est vraiment LREM qui vient se greffer. En 2022, il ira défendre ses convictions”, appuie-t-on dans son cercle rapproché.

une stratégie payante dans les urnes ?

Quant à faire le plein des voix de droite le 20 juin, c’est une autre histoire. Justifiée principalement par la nécessité de faire échec au Rassemblement national, emmené par l’ex-UMP Thierry Mariani, cette alliance est pour certains une erreur stratégique. C’est le cas de Jean-Claude Gaudin qui, le 3 avril sur BFM TV, considérait que Thierry Mariani “aura beau jeu de dire : “y a que moi qui suis de droite”. L’alliance pourrait ainsi laisser filer des électeurs vers le RN, sans pour autant rallier l’ensemble du potentiel de LREM, du moins au premier tour.

Le scénario de l’équipe Muselier, accrédité par les sondages, est d’accrocher la très symbolique pole position au premier tour, là où un départ dispersé l’amènerait à une probable deuxième place. Mais l’ancien maire de Marseille met en garde sur la réserve de voix qu’est désormais capable de mobiliser le RN. “Rappelez-vous qu’il y a six ans Marion Maréchal-Le Pen, au second tour totalise 167 000 voix de plus qu’au premier tour [sur environ 720 000 voix au départ, ndlr].” La liste Muselier pourrait ainsi manquer de dynamique d’entre deux tours, surtout si la gauche décidait de se maintenir, contrairement à 2015.

(avec Jean-Marie Leforestier)

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Commentaires

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  1. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    Ah lala! Ces querelles d’appareil…Ces combats de coq pour les poules/électeurs qui dans le poulailler de mon grand-père faisaient l’opinion…!
    Pourquoi les électeurs.trices ne regardaient pas les programmes plutôt que de participer avec les médias à ces courses de chevaux ou à ce bal des egos…?
    Par ailleurs médias et ”hommes et femmes” politiques font tous pour que les électeurs ne lisent plus les programmes/promesses.
    Suis désolé que Marsactu participe à ces pseudo-combats. Faut il que l’électeur soit bien abaissé, amoindri, rapetissé, atrophié pour que cela distrait le bon peuple et fasse travailler les journalistes…?!
    En fait sur le plan national notre bon Président de droite veut que la vieille droite se fragmente, ce me semble plutôt simple sous prétexte de R.N.. Non?

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    • Jacques89 Jacques89

      ♫…ça faisait des conciliabules chez les cocotes en courroux…coq au vin.♫ Il a chaud aux fesses paraît-il notre ouinouin…finirait bien comme le coq ?

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  2. jean-marie MEMIN jean-marie MEMIN

    fassent travailler…

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    • Jb de Cérou Jb de Cérou

      Il n’a jamais eu le courage de faire la même chose face à Gaudin pour tenter sa chance à Marseille. Ferait-il des “progrès” en courage politique?
      Face au RN; il semble bien que seul un front républicain soit la seule solution par défaut. Le ralliement de Castaner en faveur d’Estrosi s’imposait, mais aucune contrepartie sérieuse n’avait été dégagée et mise en oeuvre.
      Affaire à suivre pour notre belle région: que fera la gauche? que feront les résidus régionaux du LR?
      Pourrait-on s’entendre a priori sur un pacte républicain autour du meilleur au premier tour, quel qu’il soit?

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    • Jacques89 Jacques89

      Vu les compétences des régions, entre nous, il n’y a pas trop de soucis à se faire. L’année prochaine ça pourrait bien être plus dur à avaler et j’entends déjà nos représentants de la gogôche stigmatiser les abstentionnistes comme s’ils étaient responsables de leur attentisme maladif.

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  3. Alceste. Alceste.

    La gauche, laquelle ? . Celle qui passe son temps en correctionnelle, les idéologies verts, les révolutionnaires de comptoirs emmenés par Melanchon ?. Compliqué.

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