SNCM et Transdev : chronique d'un divorce annoncé

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le 17 Avr 2014
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C'est un gros morceau qui se présentait jeudi matin à la barre du tribunal de commerce. Pendant deux heures d'audience, la SNCM et son actionnaire Transdev se sont opposés sur la convocation d'une assemblée générale extraordinaire. La décision sera connue vendredi dans l'après-midi. Lundi, le conseil de surveillance de la compagnie avait rejeté cette demande, émanant pourtant du groupe qui détient 66% du capital. Elle visait à révoquer le mandat du président du conseil de surveillance Gérard Couturier.

Ce dernier fait partie des sept représentants de Transdev au conseil de surveillance. Ancien de la maison Veolia, arrivé au moment de la privatisation de la SNCM en 2006, c'est lui qui avait été choisi comme président du directoire. Cette confiance lui a été renouvelée en 2011 avec une désignation au conseil de surveillance, dont il a alors pris la tête. Et ce malgré le changement d'identité de l'actionnaire, devenu Transdev suite à la fusion de la branche transports de Veolia avec cette filiale de la Caisse des dépôts.

La fronde de Couturier

Les choses se sont gâtées fin 2013, quand l'actionnaire a ouvertement émis des doutes sur le plan d'avenir de la SNCM, qu'il avait pourtant approuvé quelques mois plus tôt. Transdev, qui avait néanmoins accepté d'accorder 13 millions d'euros de trésorerie, avait alors précisé qu'"aucun autre soutien financier ne pourra[it] être apporté à la SNCM". Cette position s'est concrétisée lors du conseil de surveillance du 22 janvier 2014, avec une abstention de six représentants de Transdev à l'ouverture de négociations pour la commande de nouveaux navires. Six, car le septième, Gérard Couturier, a voté pour. En février puis en mars, Transdev s'est franchement opposé à l'avancée de la commande des navires, tandis que le PDG de Veolia Antoine Frérot mettait de l'huile sur le feu en demandant la "mise sous protection" de la compagnie par le tribunal de commerce. Couturier a de nouveau mis en minorité le groupe qui l'avait nommé, permettant ainsi à la commande des navires de trouver une majorité.

Dès lors, ses jours à la tête du conseil de surveillance étaient comptés. Mais, sans majorité pour s'opposer à l'avancée du plan de long terme, Transdev l'a aussi été lundi pour révoquer Couturier. D'où la nécessité d'en passer par le tribunal. Cette possibilité est prévue par le Code de commerce et les statuts de la SNCM pour "un ou plusieurs actionnaires réunissant au moins 5% du capital".

Sauf que cela ne dispense pas le juge de vérifier si cette demande est "conforme à l'intérêt social". "C'est-à-dire que celui qui la fait n'abuse pas de son droit en faisant passer son intérêt exclusif avant celui de la compagnie", traduit Me Leroux, avocat de Transdev. Il rappelle cependant que "ce n'est pas à l'actionnaire majoritaire de prouver qu'il ne commet pas d'abus".

Liquider pour ne pas rembourser ?

La balle était donc dans le camp de la SNCM et de ses avocats. Me Mabile a souligné la préférence de Transdev pour "un plan de discontinuité, qui conduirait à un crash social". Pour parler clair, comme l'avait révélé Le Marin, il s'agirait de liquider la compagnie, pour n'en conserver que ses actifs les plus intéressants – quatre navires et la délégation de service public pour la desserte de la Corse – cédés à un repreneur. Mais pour Me Leroux, le sujet se limitait ce jeudi à une simple question de gouvernance : "Transdev dit qu'elle entend désigner mon représentant au conseil de surveillance, pour l'instant elle ne dit rien d'autre."

Il affirme même, se basant sur une lettre du PDG de Transdev au ministre des Transports Frédéric Cuvillier, datée du 30 mars, que l'actionnaire s'était engagé "à ne pas lancer de procédure collective" devant le tribunal de commerce. Une annonce qui laissent rêver les avocats de la SNCM, qui ont rappelé à l'audience la manière dont la compagnie était présentée dans les comptes de Veolia, publiés fin février : "Le scénario le plus probable [est] une procédure collective appropriée avec un plan de cession associé à une transaction". Quelques lignes plus loin, le document précise que "dans ce scénario, les remboursements demandés par la Commission européenne  ne seraient pas effectués". Soit exactement l'esprit du plan de discontinuité : liquider pour ne pas rembourser.

'L'urgence, c'est la résistance de la SNCM"

Autre angle d'attaque de la SNCM contre son actionnaire : l'absence d'urgence, alors que Transdev a utilisé une procédure dite de référé pour obtenir une audience et une décision quasiment immédiate. "Une assemblée générale ordinaire doit se tenir d'ici le 30 juin. Ils veulent précipiter le calendrier, provoquer le désordre pendant la période de réservation pour la saison touristique et impacter la trésorerie de la société", charge Sébastien Mabile. Pour lui, la cessation de paiement puis la liquidation serait alors inéluctable.

"L'urgence, c'est la résistance que la SNCM oppose, alors que des réunions et des études se tiennent actuellement. C'est précisément parce que des décisions importantes sont en train d'être prises qu'on a le droit de désigner notre représentant à la gouvernance de l'entreprise", argumente Marc-Michel Leroux. C'est donc à la barre du tribunal, que se décidera le nom de celui qui tiendra la barre de la SNCM dans les prochaines semaines : Gérard Couturier, ou bien son remplaçant pressenti, Jérome Nanty.

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Commentaires

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  1. Anonyme Anonyme

    Il ne faudrait pas oublier que si la SNCM est dans un tel État, elle le doit pour beaucoup a Dufour et Couturier (a la concurrence deloyale de Corsica Ferries et aux elus Corses qui l ont gavee d argent public aussi) et que sans la lutte de la CGT contre leurs multiples tentatives de demantelement de l entreprise, ca fait longtemps que la SNCM aurait disparue. Seulement aujourd’hui hui ils ne peuvent pas finir le travail de liquidation sous peine de se retrouver au tribunal mais pas de commerce celui la; donc ils s opposent a l actionnaire majoritaire. Ne soyons pas dupes.

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  2. Trésorier Trésorier

    La SNCM est en procès avec son actionnaire majoritaire ???
    Ca fait beaucoup, après les millions a rembourser à l’UE….
    L’Etat ne peut se désintéresser du sort d’une société aussi stratégique avec un salariat aussi important.
    Au final, je comprend que TRANSDEV veut liquider la SNCM pour la faire renaître plus petite mais solvable. Ca pourrait être un solution, non ?

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