La justice sévère face aux violences des supporters

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le 14 Juin 2016
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Ce lundi après-midi ont comparu dix supporters de différentes nationalités pour des faits de violence commis ce week-end contre les forces de police ou d'autres supporters, à l'occasion du match de l'Euro 2016 Angleterre-Russie. Tous, à l'exception d'un seul ont écopé de peines d'emprisonnement ferme.

Jets de lacrymogène et affrontements entre supporteurs russes et anglais sur le Vieux-Port, samedi 11 juin. Photo : Yves Vernin.
Jets de lacrymogène et affrontements entre supporteurs russes et anglais sur le Vieux-Port, samedi 11 juin. Photo : Yves Vernin.

Jets de lacrymogène et affrontements entre supporteurs russes et anglais sur le Vieux-Port, samedi 11 juin. Photo : Yves Vernin.

Plus tôt dans la journée, le procureur de la République Brice Robin avait prévenu : “Il ne faudra pas espérer de ma part beaucoup de bienveillance”. Sur les vingt gardes à vue qui ont fait suite aux violents débordements de ce week-end entre les supporters russes, anglais et quelques Français, dix comparaissaient ce lundi. Pour des faits de “violence avec usage ou menace d’une arme sans incapacité lors de manifestation sportive” pour la plupart commis samedi. Tous ont été sévèrement condamnés notamment à des peines de prison ferme allant d’un mois à un an et des interdictions de territoire national pendant deux ans.

Sur les dix comparutions de ce lundi, un fait est à noter : au côté des six Britanniques, des trois Français et d’un Autrichien, aucun supporter russe n’est présent. Une anomalie qui s’explique, selon Brice Robin : “150 hooligans russes nous ont été signalés. Certains ont été refoulés à l’aéroport mais d’autres sont arrivés par d’autres moyens. Ils sont décidés à commettre très rapidement ce type de violence, d’où la difficulté de leur interpellation”. Le préfet de police Laurent Nunez, lui, est apparu moins fataliste : “Nous sommes en train d’identifier les supporters russes et nous comptons sur les autorités du pays pour nous dire lesquels sont dangereux. Une fois qu’ils seront identifiés, je signerai en vertu des règles de l’État d’urgence un arrêté de paraître qui servira ensuite de bases aux autres préfets pour les expulser du pays.”

La honte et les remords

De l’aveu du procureur Brice Robin, les auteurs des violences les plus graves – 35 personnes, toutes britanniques, ont été blessées – n’ont pas pu être identifiés pour l’heure, notamment celui qui a porté des coups de barre de fer sur un supporter anglais, le laissant entre la vie et la mort.

Les uns après les autres, les prévenus défilent, penauds, repentants. Tous expriment leur sincère et profonde “honte” d’avoir agi ainsi. La plupart, fortement alcoolisés, ont projeté des canettes de bière ou des bouteilles en verre – la nuance sera toujours débattue, jamais tranchée – contre les forces de police et d’autres supporters. Les faits se ressemblent donc beaucoup, à l’instar d’Alexander B., un jeune Anglais, tout juste vingt ans. Fortement alcoolisé samedi soir, il fait des doigts d’honneur aux policiers en criant “Fuck you”, insiste l’interprète. Il peine à expliquer pourquoi il reste au milieu des violences. “J’étais fasciné” avoue-t-il. Plus tard, “exaspéré”, il envoie une bouteille vide en direction des forces de l’ordre.

Le procureur André Ribes promet dans son réquisitoire “qu’il ne s’agit pas de faire des exemples”, avant de requérir deux mois d’incarcération avec mandat de dépôt et interdiction de territoire national pendant deux ans, ce qui sera systématiquement appliqué pour l’ensemble des prévenus de nationalité étrangère. Lorsqu’il est condamné à la peine requise, le cri du père retentit. “Miscarriage [déni de justice, ndlr]”, se révolte-t-il dans la salle d’audience tandis que des policiers l’évacuent.

“Vol en réunion avec violence”

D’autres prévenus, encadrés par les policiers, se présentent à la barre. Les profils sont très divers : jardinier, infirmier psychiatrique, militaire, chargé de clientèle, chef cuisinier… L’un d’eux est en passe d’obtenir son diplôme d’ingénieur. La plupart sont jeunes, entre vingt et trente ans, sauf un homme de quarante-et-un ans. Un prévenu se différencie par la nature des faits, David P., un Français qui a commis des actes “de vol en réunion avec violence”. Dans la nuit de jeudi à vendredi, il ôte sa ceinture, l’enroule autour de son poignet et frappe un supporter pour lui voler son drapeau anglais. Les caméras de vidéosurveillance le filment ensuite en train de donner des coups de pied dans le visage d’un homme à terre. Plus tard, il dépouille un supporter anglais de son tricot. La victime est traînée à terre. “Ces images m’ont choquées, je ne me reconnais pas, je ne suis pas un hooligan, j’ai honte”, lâche David P.

L’homme peine à justifier ses actes. “J’avais moi-même subi une violence, j’avais reçu une gifle. J’étais vexé”. “Mais vous n’avez pas porté plainte pourtant ?”, ironise le procureur. “Si tout le monde portait plainte pour une gifle, vous seriez débordé”, répond David P., tentant un trait d’esprit qui laisse de marbre juges et procureur. Il écope de deux ans d’emprisonnement dont un avec sursis, la peine la plus lourde. La présidente Paule Colombani énonce les délibérés à la file, rarement plus cléments que les réquisitions.

“Il s’est égaré”

De leurs côtés des avocats de la défense tentent à chaque fois de dissocier le côté singulier de leur dossier, d’isoler leur client de la masse belliqueuse. Maître Viguier qui défend plusieurs prévenus se hasarde à jeter la faute sur les organisateurs de l’Euro : “Était-il bien raisonnable de choisir une ville à haut risque comme Marseille pour un tel match ?”. Presque tous avancent, dans leur plaidoirie, la disproportion des peines réclamées. D’autant que la majorité n’a pas de casier judiciaire. “Oui, il s’est égaré, oui, c’est anormal. Mais par bonheur il n’y a pas eu de blessé. Oui, il faut une sanction. Mais faut-il pour cela une incarcération ferme ? Ici, il s’agit d’un jet unique de canette, avec une imprégnation alcoolique qui a obéré son jugement”, plaide Maître Laignel qui défend à ce moment un jeune anglais de 22 ans.

Le couperet continue pourtant de tomber, sévère, sur les prévenus. Nul n’obtient l’indulgence des juges. Pas même ceux qui se sont rendus coupables de “seuls” jets de bouteilles sans parvenir à atteindre leur cible. Un Français, l’exception, échappe à la prison ferme et écope “seulement” de six mois avec sursis. Certains féliciteront le tranchant exemplaire de la justice, d’autres, comme le père d’un jeune condamné, feront entendre leur indignation pour cette fête gâchée. A des journalistes, il lance, en dehors de la salle d’audience, “it’s a kangaroo court” [un tribunal fantoche – et non un tribunal de kangourous (!) – ndlr].

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Commentaires

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  1. Blaah Blaah

    De la tôle ferme pour un doigt et un jet de cannette et rien pour les auteurs de blessures parce qu’on n’a pas été foutu de les choper, ce n’est pas de la sévérité, c’est surtout du grand n’importe quoi.

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    • Benoit Campion Benoit Campion

      Même si les auteurs de faits les plus graves n’ont pas été attrapés, on n’a pas franchement envie de plaindre ces abrutis de supporters qui n’ont soit disant pas fait exprès d’être violents…
      Et qui en plus ce serait la faute de Heineken ! Quelle blague !
      Ils n’ont qu’à avouer la vérité : ils n’ont rien trouvé de mieux à faire que de picoler et de se bastonner.
      Et pourquoi ?
      Parce que le foot c’est ennuyeux ?
      ou parce que ça les énerve de gagner des salaires de merde pendant que les dirigeants de l’UEFA et les footballers se mettent des millions dans les poches ?
      Vive le sport !

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  2. julijo julijo

    Bizarrement, j’ai envie de commenter en disant “pas de commentaires” et je vais réserver ma compassion pour d’autres causes plus intéressantes……
    En même temps, tout le monde en parle en ville…. c’est la faute à la chaleur, à heineken ou carlsberg, aux supporters qui s’ennuient, au match qui est programmé trop tard, aux bistrots qui ont mis des chaises et des tables…..j’ai oublié des trucs encore…..A mon goût, c’est surtout la faute à des voyous sans cervelle.
    Les peines sont lourdes ? il fallait y penser avant !

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Pour y penser, faut-il encore avoir un cerveau.

      La faculté de médecine pourrait utilement nous renseigner sur ce point, mais je ne suis pas sûr que tous les supporteurs de foot en soient dotés. Il semble en tout cas que certains d’entre eux l’aient oublié à la maison avant de venir.

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  3. mrmiolito mrmiolito

    Peines lourdes oui, parce qu’elles ont évidemment vocation à servir d’exemple (de contre-exemple !) aux futurs matchs à risque, et il y en aura plein d’autres !

    Après faire un exemple ça paraît toujours vache pour celui sur qui ça tombe, bien sûr… mais il faut dire qu’ils nous ont bien fait ch… ces gens, et qu’à cause d’eux on aura pas de fête de la musique le 21 juin… Alors tous au gnouf oui, désolé, c’est tombé sur vous. Même si ça fait cher la cuite à la Heineken (beurk ! se payer le voyage en avion ou en train, et finir à la mauvaise bière…)

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  4. Claudia Claudia

    Bien fait. Ils sont violents et ils ramassent ce qu’ils méritent. Je ne vais pas m’enfermer pendant un mois chez moi parce que l’espace public est confisqué par des voyous. Tous au trou !

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  5. corsaire vert corsaire vert

    entièrement d’accord avec ce qui a été écrit précédemment mais la plus grande sanction contre ces abrutis ce serait de ne plus organiser ce genre de spectacle débilitant .
    Cette compétition est quand même maintenue malgré les hauts risques prévus qu’elle comporte : violences urbaines et attentats terroristes ? alors on se demande :
    Qu’est ce qui est le plus important ? la vie humaine et la sécurité des citoyens ou les milliards qu’il y a à gagner pour une minorité ?
    Hélas,la vie humaine et la paix ne font pas le poids et les vrais coupables ne sont pas dans le box du tribunal ….
    Quoiqu’il arrive ils ne seront jamais jugés …

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    • Claudia Claudia

      Tout à fait d’accord avec vous.

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    • JL41 JL41

      Aussi !

      Le peuple veut des jeux, alors on lui en donne, comme dans la Rome antique. Ce n’est évidemment pas la vie humaine le plus important, mais l’empereur qui a fait construire le Grand Stade, les médias et les commerçants qui ont l’occasion de remplir leur tiroir-caisse.

      Personnellement je ne réussi pas à m’expliquer ces violences. Je pense que ce n’est pas une question de cervelle, mais qu’il s’agit d’un instinct plus profond, à partir duquel s’initient des comportements violents. Pourquoi d’ailleurs en ce moment sommes-nous aussi environnés de barbarie ? Les conflits sociaux versent d’ailleurs eux aussi en France dans le dialogue impossible. Pourquoi l’autre devrait-il toujours être un ennemi ?

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  6. LN LN

    Un autre phénomène se cache derrière ces supporteurs avinés qui ne maîtrisent rien du tout…. On sait bien que l’alcool rend c… Ca n’excuse rien et les dégats et la peur à Marseille sont palpables.
    Ce qui est plus inquiétant et compliqué dans cet Euro, ce sont ces bandes, comme les russes, qui viennent juste pour “casser de l’anglais” car il y a une sorte de revanche à prendre. Ils ne sont pas forcement supporteur, ne boivent que peu d’alcool. Ils se fondent dans la masse sans aucun signe de foot extérieur, tabassent et disparaissent rapidement sans se faire choper. Ils sont également en “compétition” entre bandes mondiales voulant prouver leur suprématie en matière de tabassage. Les réseaux sociaux et les médias faisant le relais, il n’y a plus qu’à distribuer les points aux “équipes”
    Les pauvres anglais bourrés ne s’y attendaient peut- être t-il pas ? La ville de Marseille visiblement pas non plus !
    (source Philippe broussard journaliste spécialiste du Hooliganisme)

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