Sabrina Agresti-Roubache, la protégée du président qui veut faire du neuf avec du vieux

Reportage
le 9 Juin 2022
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Investie par la majorité présidentielle dans la première circonscription, cette proche du couple Macron veut incarner le renouveau politique local. Sur le terrain, sa campagne se fait sous l'égide de représentants de la droite marseillaise qui ont pris in extremis le train de la macronie.

Sabrina Agresti-Roubache en campagne pour les législatives, en juin 2022, en compagnie de Sylvain Souvestre, le maire des 11e et 12e arrondissements. (Photo C.By.)
Sabrina Agresti-Roubache en campagne pour les législatives, en juin 2022, en compagnie de Sylvain Souvestre, le maire des 11e et 12e arrondissements. (Photo C.By.)

Sabrina Agresti-Roubache en campagne pour les législatives, en juin 2022, en compagnie de Sylvain Souvestre, le maire des 11e et 12e arrondissements. (Photo C.By.)

“Ah ça, tu as bien raison”. Il n’a fallu que quelques minutes à Sabrina Agresti-Roubache pour basculer d’un vouvoiement convenu au tutoiement qu’elle affectionne particulièrement. Face à la présidente du CIQ de Saint-Marcel, la conseillère régionale endosse le costume de candidate aux législatives. Élue en 2021 sur la liste d’union de droite et du centre de Renaud Muselier, elle se présente sous les couleurs de la majorité présidentielle dans la première circonscription des Bouches-du-Rhône. Dans la cour d’un petit café de ce noyau villageois du 11e arrondissement, Cathy Boisdon, la représentante de l’association d’habitants, dresse l’état des lieux des problématiques du quartier. Ils tiennent en deux mots : insécurité et propreté.

Boucles auburn et épaisses lunettes de soleil, Sabrina Agresti-Roubache tutoie et abonde. D’ailleurs, elle fait de la sécurité son thème central de campagne. Et, se tournant vers la militante associative, poursuit : “Sur les sujets régaliens, les politiques engagées ne devraient pas changer selon la couleur politique.” Proche revendiquée du couple présidentiel, apôtre du “en même temps” à la région, la candidate creuse un sillon très droitier dans cette circo traditionnellement acquise à la droite dure de Valérie Boyer. Elle promet de remettre du “bleu” dans la ville et affirme soutenir un déploiement de caméras de vidéosurveillance que son interlocutrice appelle de ses vœux.

Recâbler local et national

À ses côtés, Sylvain Souvestre, maire Les Républicains des 11/12 et désormais soutien de la représentante du mouvement présidentiel, fait l’article aux électeurs croisés : “Si on a pu conserver le commissariat c’est grâce à elle, elle a intercédé auprès de Gérald Darmanin.” Perchée sur ses espadrilles à talon, la candidate sourit et détaille sa ligne : “Moi, je suis là pour reconnecter le local et le national. Cette élection, c’est ça : recâbler le quotidien des gens avec l’Assemblée nationale et leur expliquer que leur vie ici peut être changée par ce qui se passe là-haut.”

Sabrina Agresti-Roubache a vite appris. Novice en politique il y a encore deux ans, la voilà, à 45 ans, aux portes du Palais Bourbon. À la suivre en campagne, sa capacité à se couler dans le rôle est manifeste. Productrice audiovisuelle à la ville, la future élue a croisé la route du couple Macron en 2016. Elle n’a plus quitté le sentier politique depuis. Son époux, Jean-Philippe Agresti – ancien doyen de la faculté de droit d’Aix-en-Provence, nommé recteur de l’académie de Corse en décembre dernier – avait tenté de rapprocher les troupes de Martine Vassal et d’Emmanuel Macron aux municipales de 2020. En vain. Sabrina Roubache est, elle, une des artisanes de la bascule dans la galaxie présidentielle de Renaud Muselier, victoire aux régionales 2021 à la clef, puis de Martine Vassal, présidente LR du département et de la métropole, en mars 2022. “Sabrina est vive comme l’éclair et dotée d’une intelligence de situation peu fréquente”, dessine Renaud Muselier qui ne tarit pas d’éloges à son égard.

Pour le président de la région, elle incarne “un renouveau de la classe politique nécessaire à Marseille.” À droite, ils sont nombreux à lui tresser des lauriers. Chemise immaculée et sourire raccord, Didier Parakian, ancien adjoint de Jean-Claude Gaudin, a été investi comme son suppléant. Il loue la capacité de la candidate à aller au devant de tous : son franc-parler fait souvent mouche. Fait notable, dans une vidéo un peu kitsch, Jean-Claude Gaudin est sorti de sa réserve et a annoncé – secret de polichinelle – son soutien au tandem Roubache-Parakian. “À l’Assemblée nationale Sabrina sera capable de surveiller le développement du plan Marseille [en grand]”, glisse l’ancien maire Les Républicains de la ville qui la préfère à la candidate investie par son propre parti, Sarah Boualem-Aubert.

Gaudin, je ne lui dois rien! Je ne suis pas son héritière. Je ne suis que l’incarnation du macronisme auquel il adhère.”

Sabrina Roubache

Un cadeau empoisonné que ce soutien d’un élu dont le bilan est plus que critiqué ? Le socialiste Thibaud Rosique, investi par la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes), fait d’elle la représentante “de la droite qui a saccagé cette ville pendant les 25 dernières années”. Lui ne voit guère de différence entre les propositions de la proche du président et celles de Sarah Boualem-Aubert. “Il y a une feuille de papier entre elles”, affirme-t-il. Piquée, Sabrina Roubache évacue : “Nous fédérons du centre gauche au centre droit. Et Gaudin, je ne lui dois rien ! Je ne suis pas son héritière. Je ne suis que l’incarnation du macronisme auquel il adhère.”

Balade entre vieux copains

Sa campagne cherche tout de même à faire du neuf avec du vieux. À Saint-Marcel, la visite de terrain, qui passionne fort peu les passants, ressemble d’ailleurs à une balade entre vieux copains issus des rangs des Républicains. Didier Parakian n’a certes jamais été encarté, mais Sylvain Souvestre, oui – “et pas encore exclu”, précise-t-il. Jean-Philippe Ansaldi et Romain Simmarano directeur de cabinet et directeur de cabinet adjoint de Renaud Muselier à la région, sont aussi venus pousser la candidature du binôme. “Il faut savoir prendre les bonnes idées dans chaque camp, défend Didier Parakian. Dans cette campagne, je croise des gens de droite et de gauche. Tous ces échanges nous enrichissent. Avant nous avions sans doute une vision un peu sclérosée du paysage politique.” Dans cette circonscription où Marine Le Pen est arrivée en tête au premier tour de la présidentielle, la seule de Marseille, le RN de Monique Griseti (*) sera concurrencé par la conseillère municipale Sophie Grech (Reconquête). Pour Sylvain Souvestre, ce ticket-là est aussi “le seul pour éviter d’avoir un duel droite-extrême contre extrême-droite au second tour.” 

Sabrina Agresti-Roubache en campagne pour les législatives, en juin 2022, en compagnie de Didier Parakian, son suppléant, de Philippe Khozian, premier adjoint de secteur et de Sylvain Souvestre, le maire LR des 11e et 12e arrondissements. (Photo C.By.)

Je suis fidèle à mon parti malgré les 4% de Pécresse à la présidentielle. Et au moins je peux me regarder dans un miroir.”

Sarah Boualem

L’argument fait bondir Sarah Boualem-Aubert, investie par LR. “Moi je suis cohérente et fidèle à mon parti malgré les 4 % de Pécresse à la présidentielle. J’incarne la droite canal historique. Et au moins je peux me regarder dans un miroir”, tacle, droite dans ses bottes, celle qui siège au sein de la majorité de Sylvain Souvestre dans les 11/12. Restée proche de Valérie Boyer, l’épouse du député Julien Aubert (LR) fustige ces “traitres” qui ont rallié la macronie après la présidentielle. “Je respecte plus les marcheurs de la première heure que ceux qui se sont précipités après l’élection dans l’espoir d’obtenir une investiture ou une suppléance. Tout ça est un peu pathétique”, harponne-t-elle. Mais les anciens amis d’hier, notamment lorsqu’ils sont concernés de près ou de loin par l’affaire des procurations LR dans le 11/12, ont parfois préféré se racheter une virginité en changeant de vaisseau amiral.

Aux yeux de Sarah Boualem-Aubert, Sabrina Agresti-Roubache n’est finalement qu’un outil pour ces ténors de la droite marseillaise. “Ils se servent d’elle comme d’une passerelle entre le local et le national. Ils veulent tous toucher le bon Dieu”, tance son adversaire. Sabrina Agresti-Roubache hausse les épaules. Désormais attablée chez un traiteur arménien du quartier de Beaumont, elle croque un beurek au fromage et rétorque : “Je ne suis l’idiote utile de personne. La politique des années 80, c’est fini.” Elle se pose comme la “vigie” du président dans cette circonscription. “Il m’envoie ici, dans une circo de conquête, pour mener un combat. Notamment contre l’extrême-droite. Les soutiens, c’est une chose. Je garde mon entière liberté. C’est ma force. Et moi je suis là pour gagner.”

Maroquin ministériel

Le président de la région, Renaud Muselier, prête à son élue “une ambition dévorante”. Au diapason, son adversaire Sarah Boualem-Aubert analyse : “Elle est surtout là pour mener sa barque. Mais la vérité d’aujourd’hui n’est pas celle de demain”. Là encore, Sabrina Agresti-Roubache assume. Ambitieuse, elle l’est : “Pas plus pas moins que les autres”. Entre deux sourires, elle sait se faire abrasive : “Mais qu’est-ce qu’on me reproche ? De faire mieux en 5 ans que ceux qui grenouillent là depuis 25 ans ?”

Elle ambitionne de ramener cette circonscription très droitière dans le giron jupitérien. Avec l’obtention d’un maroquin ministériel comme gage de l’amitié présidentielle en récompense ? Pour l’heure elle balaye le scénario d’un revers de main. “Je suis tournée vers les législatives”, dit-elle. Mais elle ne l’ignore pas, il est des propositions qui ne se refusent pas.

Née dans une famille modeste issue de l’immigration algérienne, élevée dans des quartiers populaires, notamment à Félix-Pyat, et fière d’avoir pu prendre “l’ascenseur social”, elle assure parler “aux gens de la cité des Néréides dans le 11e autant qu’aux habitants plus aisés de Saint-Barnabé dans le 12e”. Surtout, dit-elle, elle n’entend pas se “laisser enfermer dans une assignation à résidence politique”. Manière de dire que sa carrière ne se cantonnera pas aux frontières de la première circonscription des Bouches-du-Rhône. La précision s’adresse autant à ses adversaires qu’à ses nouveaux amis politiques.

(*) Contactée à de nombreuses reprises, Monique Griseti n’a pas donné suite aux sollicitations de Marsactu.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Je réécris le titre : “Sabrina Agresti-Roubache, la protégée du président qui veut faire du neuf avec Gaudin”.

    Franchement, si le macronisme n’est qu’un avatar local du gaudinisme permettant de recycler les complices de l’ancien maire, sans qu’on ait exigé d’eux de tirer un bilan de son quart de siècle d’inaction, c’est prendre les électeurs pour des imbéciles.

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  2. julijo julijo

    c’est surréaliste dans ce secteur. ces élus ou candidats qui passent d’un parti à l’autre sans état d’âme, rapidement et allègrement sont consternants.
    après avoir fracassé la ville, ils vont probablement fracasser l’assemblée nationale. les quelques lr restants ont du souci à se faire.
    il reste époustouflant qu’aucun d’entre eux n’envisage la réaction des électeurs. il y a dans le quartier un rejet évident, leur opportunisme délirant est très visible.
    un boulevard s’ouvre pour le fn

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    • fvielfau fvielfau

      Agresti !… on se souvient des scores éthiques de son époux aux municipales de Marseille en 2020 !
      au mois d’avril dernier …
      dans cette circo le RN a fait 28% le total ext-droite 42%
      la gauche 29%
      le total droite 29% : si les 2 candidates se partagent cela, aucune ne sera au 2° tour !
      Je ne vois pas bien Agresti-Roubache aux portes du palais Bourbon dans ces conditions…

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  3. ruedelapaixmarcelpaul ruedelapaixmarcelpaul

    Une chatte y perdrait ses petits.
    Donc Sabrina Agresti-Roubache a le soutien de Vassal – qu’elle tacle au passage “je ne suis pas héritière”, de Gaudin – “je ne lui dois rien”, de Souvestre, qui est encore LR, de Khozian élu dans la Team Vassal (et quelques procurations douteuses) et son suppéant est Parakian, qui grenouille dans la Gaudinie depuis près de 30a. Mis à part ça elle rassemble “du centre gauche au centre droite”
    Sarah Boualem-Aubert en revanche, élu conseillère avec quelques procus douteuse (comme Khozian et Souvestre) a le soutien de Valérie Boyer.
    Vous la voyez venir la triangulaire extrême droite / droite macroniste / NUPES ? Si nos ténors locaux LR/Renaissance voulaient offrir une circo à la gauche, ils ont réussi.
    Et Karim Rebouh, l’obligé de Masse, Blum, Boyer puis Ravier, il va rouler pour qui ? Qui de Roubache ou Boualem lui a promis le retour de son local municipal gratuit (que le Printemps marseillais lui a supprimé) ? Il est fort en procu il en ramène 30 à son bureau des Caillols à chaque élection.

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  4. Zumbi Zumbi

    “balade entre vieux copains issus des rangs des Républicains”… comme c’est joliment écrit par notre journaliste !
    Ces rangs sont aussi joliment décrits par la candidate de la “nouveauté” : “Mais qu’est-ce qu’on me reproche ? De faire mieux en 5 ans que ceux qui grenouillent là depuis 25 ans ?” La même mare en “mieux”, c’est donc le programme avoué du macronerie locale. Si c’est elle qui le dit…

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  5. Alceste. Alceste.

    J’ai été très étonné de la photo de la candidate accompagnée par Jean Clooode et Didier Parakiaaanguee à St Barnabé.La grotte Cosquer aurait été plus pertinente vu la présence du Godinosore sur le cliché.

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  6. julijo julijo

    finalement, d’une façon générale, à quelques exceptions près, je ne sais pas si je ne préfère pas un “parachuté” quelconque !!!
    je m’interroge : plutôt que ces jeunes “briscards” proches d’untel et de l’autre, tout aussi incompétents , qui se déclarent à droite, ou à gauche et qui changent de camp à chaque scrutin et qui sont susceptibles de siéger à l’assemblée nationale.
    ils ont le mérite trouble et clientéliste de filer des subventions, à leurs assoc. parfois bizarres, mais du quartier où ils seraient implantés depuis leur naissance…..ce qui leur donne à tort une étiquette de “bientôt un député proche de vous” mais leur présence régulière dans les ciq de leur secteur ne vaut pas capacité à siéger à l’assemblée nationale !
    on a dans notre ville quelques cas fort caricaturaux dans ce sens.
    je me pose la question, et j’y réponds : je préfère dans ce cas un parachuté !

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