Rue du Coq, le centre d’accueil pour toxicomanes contraint de tirer le rideau
Pour la deuxième fois, le centre d'accueil pour usagers de drogue de la rue du Coq va devoir rendre les clefs de son local après des plaintes du voisinage pour nuisances. L'association gestionnaire du lieu va donc poursuivre son travail de réduction des risques dans la rue.
La caarud d'Asud rue du Coq.
“Ça fait mal”. La première réaction de Saïd, toxicomane, vient du cœur quand on lui parle de la fermeture du centre d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue (Caarud) de la rue du Coq. Ce mardi, c’est la dernière fois qu’il va pouvoir y prendre un café, se poser là quelques heures, au chaud, avec l’équipe d’Asud (association d’auto-support des usagers de drogue), qui a pris l’habitude de l’épauler.
Vendredi dernier, un huissier s’est rendu sur place pour notifier à cette association la décision de justice faisant suite à plusieurs plaintes pour nuisances déposées par le voisinage : Asud, présente dans cette rue depuis plus de dix ans, doit plier bagage. “Mais on sait qu’on va continuer à les voir, on s’en sortira toujours”, conclut Saïd. Point d’inquiétude donc mais de la résignation. Il faut dire que l’histoire a un goût de déjà vu.
Il y a trois ans, des voisins avaient déjà porté plainte contre l’association pour les mêmes raisons. “Notre local n’était pas du tout adapté pour que les gens puissent se poser, admet Béatrice Stambul, la présidente de l’association. Forcément, ils sortaient fumer, il y avait des attroupements, du bruit, parfois du deal, voire de la consommation. Les voisins ont considéré qu’il avait nuisance.” Et la justice aussi. Asud tire une première fois le rideau mais continue son activité grâce à des maraudes effectuées par des “équipes mobiles”.
Déplacer le problème
Quelques mois plus tard, l’association finit par trouver de nouveaux locaux. La nouveauté résidant dans le fait qu’ils ne se situent plus au 52, mais au 57-59 rue du Coq. Autrement dit, trente mètres plus loin. “Nous n’avions pas d’autres choix”, justifie la présidente d’Asud. Quelques 100 m² alors que l’association estime en avoir besoin de 400, une capacité d’accueil de 19 personnes qui oblige parfois à faire patienter les usagers dans la rue, pas de porte de secours ni de terrasse pour éviter aux fumeurs de sortir… Trois ans plus tard, les “débordements” sont les mêmes. Et les voisins ne lâchent pas l’affaire.
“Nous avons le plus grand nombre d’associations caritatives dans ce quartier. Il y en a plus de cinquante, vous vous rendez-compte ?! Maintenant, il faut qu’elles soient réparties dans toute la ville, défend-on au CIQ Chapitre/Réformés. On en a assez de rencontrer sur les marches des gens qui se piquent !“. 500 mètres plus loin, se trouve en effet le Sleep In, un autre Caarud. Les plaintes sont donc légitimes selon Sabine Bernasconi, maire des 1er et 7e arrondissements (LR). “Avec d’autres associations, ça se passe très bien. Là il y a clairement eu un problème de gestion. L’association a été réticente à l’idée de s’ouvrir plus pour que chacun comprenne l’autre”, insiste l’élue. Mais pour les professionnels dans ce domaine, le problème est plus profond.
“Boboïsation”
“Nous avons fait de la médiation sociale. Mais même les gens bienveillants ne veulent pas avoir des toxicomanes à côté de chez eux, estime de son côté Béatrice Stambul. Et puis, aujourd’hui, on ne va pas dire que le centre-ville devient chic… mais presque. En tout cas, on ne peut pas nier une certaine boboïsation.” Un avis qui rejoint celui de Patrick Padovani, l’élu chargé de la santé, ancien médecin particulièrement sensible aux questions d’addiction. Pour lui, la fermeture du Caarud de la rue du Coq est symptomatique “d’une stigmatisation beaucoup plus importante qu’il y a quelques années”.
Mais si l’élu tient à “condamner” ce qu’il considère être “un retour en arrière”, il n’a pas encore de solution d’urgence pour loger Asud. Ce qui ne l’empêche pas de se faire rassurant : “Cette situation ne durera pas plus longtemps que la dernière fois. Nous n’allons pas laisser s’éteindre cette structure. J’essaye de trouver des locaux sur deux temps. L’immédiat, même s’il est difficile de trouver rapidement. Mais surtout trouver une solution pérenne. Sur ce dernier point nous avons une piste bien avancée mais nous ne pouvons pas encore communiquer”, assure l’élu.
Première ligne
Dans un premier temps, l’association Asud disposera donc de bureaux afin de poursuivre l’activité administrative. Plusieurs fois par semaine, des membres de l’équipe tiendront à heure et date fixe un point d’accueil de rue pour continuer de rencontrer les usagers. Des maraudes seront également effectuées. “Nous sommes abattus mais on va continuer à faire notre travail dans la rue. Ce n’est pas un problème. De toute façon, nous n’avions pas le souhait de rester ici. Le vrai problème c’est que la précarité augmente et que les moyens diminuent”, ajoute Béatrice Stambul. Parallèlement, les recherches et procédures administratives pour trouver un véritable lieu d’accueil doivent donc se poursuivre en collaboration avec la mairie. Mais aucun calendrier n’est pour le moment fixé.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Ça fait 6 ans que j’habite dans cette rue, et je trouve lamentable que ce centre d’accueil ferme ses portes. Il y a besoin de plus de financements, pas de moins !
Se connecter pour écrire un commentaire.
Personne ne veut” voir” la réalité : la misère des drogués face à leur maladie .
Ils sont en effet mis au ban de la société comme avant les lépreux .
Se connecter pour écrire un commentaire.