Renaud Muselier colore en vert le budget de la région

Décryptage
le 16 Déc 2022
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En même temps que le vote de son budget 2023, la collectivité dévoile une évaluation environnementale de ces 2,8 milliards d'euros de dépenses. Une initiative qui reste largement perfectible. À commencer par la communication, qui vante trompeusement un budget "100 % climat, le premier d'Europe".

Renaud Muselier en novembre 2022. (Photo : Julien Vinzent)
Renaud Muselier en novembre 2022. (Photo : Julien Vinzent)

Renaud Muselier en novembre 2022. (Photo : Julien Vinzent)

Renaud Muselier continue tout schuss sur sa piste verte. Dans la ligne de la “COP d’avance” lancée en 2017, et tout juste un mois après la signature avec la Première ministre d’un protocole qui fait de Provence-Alpes-Côte d’Azur une “région pilote” pour la transition écologique, son président présente ce vendredi son premier “budget vert”. “On va gagner 10 ans sur les objectifs nationaux du développement durable, on va être une référence française”, s’enthousiasme-t-il. Quitte à verser dans l’exagération. Jusque dans le titre du document soumis au vote : la majorité ne revendique rien de moins qu’“un budget 100 % climat, premier budget vert d’Europe”.

La conclusion de la démarche d’évaluation environnementale réalisée par ses services est bien plus nuancée. 36,7 % des dépenses seraient “très favorables” pour le climat, la biodiversité, l’utilisation des ressources en eau, la réduction des déchets ou de la pollution. En complément, 20,6 % sont présentées comme “favorables sous conditions”, par leur “impact indirect” sur ces enjeux. Cela ne fait donc “que” 57,3 % de dépenses étiquetées “vertes”, le reste étant “neutre”, “indéfini”, “à améliorer” – une terminologie plus pudique que le “défavorable” utilisé d’habitude dans cet exercice.

La région Occitanie déjà pionnière

Quant au statut de “premier budget vert d’Europe”, il est rapidement remis en cause par l’Occitanie voisine, qui attaque son troisième exercice de ce type, pour un volume supérieur. Introduit en 2020 par l’État dans le prolongement d’une impulsion européenne, cet exercice est décliné depuis au niveau local des métropoles (Lille, Lyon, Paris, Strasbourg) et des régions (Occitanie, Nouvelle Aquitaine, Grand Est, Bretagne). Tout au plus Provence-Alpes-Côte d’Azur est donc pionnière dans son territoire. Elle creuse ainsi une avance de longue date dans la précision des documents budgétaires et celle, menée depuis le lancement de la “COP d’avance”, dans l’étiquetage des dépenses “vertes”.

100 % climat, ça veut dire que dans tous les domaines de compétences, il y a un critère climat.

Renaud Muselier

Interrogé sur l’écart entre 57 et 100 %, Renaud Muselier le justifie par une distinction entre le budget régional et les financements accordés à l’extérieur, communes, associations ou entreprises. “100 % climat, ça veut dire que dans tous les domaines de compétences, il y a un critère climat, aucun dossier de subvention n’est éligible sans passer par ce filtre”, assure-t-il. C’est cette règle d’or qui renverrait l’Occitanie dans les cordes. “Personne ne fait mieux, j’aime beaucoup [la présidente] Carole Delga, mais là, elle ne suit pas”, plastronne l’ancien président de l’association des régions de France, à qui la socialiste a succédé.

Des factures de carburant mises de côté

Au final, selon l’évaluation présentée, seules 0,55 % des dépenses sont considérées comme “à améliorer”, principalement des dépenses liées aux routes et aux aéroports. “Je ne peux pas réellement me prononcer sans avoir vu le détail, mais cela paraît peu”, souffle Marion Fetet, cheffe de projet Territoires et climat au sein de l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE). Cette association fondée par le groupe public Caisse des dépôts est en pointe dans la définition de la méthodologie des budgets verts en France.

Cette absence quasiment complète de dépenses chargées en carbone ou nuisibles à la biodiversité peut notamment s’expliquer par les 16 % qui restent à expertiser. Celles-ci sont particulièrement présentes dans la direction des lycées, de la culture, de l’éducation et de la jeunesse et la région reconnaît avoir classé comme telles “les dotations aux lycées, avec notamment une dépense exceptionnelle au titre de la facture énergétique”.

Des millions d’euros de carburants et chauffage se nichent aussi certainement dans la vaste direction “ressources”, qui regroupe le fonctionnement général des services régionaux. Ce budget “57 % climat” n’est en fait évalué… qu’à 80 %. “Ce qui n’empêche pas la collectivité, dans le cadre de son action « Collectivité exemplaire », de déployer des actions visant à toujours plus prendre en compte le climat dans son propre fonctionnement”, précise le document. Enfin, même dans les dépenses évaluées, des choix peuvent s’interroger tel que l’exploitation des trains et des cars roulant au diesel, pour lesquelles d’autres régions assument de classer les coûts en “défavorable”.

Auto-évaluation

Ces questions soulignent “l’enjeu de transparence vis-à-vis des citoyens” auquel les budgets verts sont censés répondre, selon Marion Fetet. “L’État met en ligne un tableau pour savoir comment il a classé ses dépenses, cela permet aux citoyens de s’en saisir”, illustre-t-elle. La région, qui a travaillé à l’échelle des dizaines de “programmes” (hydraulique agricole ou exploitation des TER par exemple), ne communique pas ce niveau de détail dans son rapport. Si elle dit s’appuyer sur la “méthode rigoureuse et reconnue” de l’I4CE, la collectivité a travaillé en solo, sur la base d’une “auto-évaluation”. Elle compte cependant confier à une assemblée composée de personnalités de la société civile, le conseil économique, social et environnemental régional (Ceser), “un organisme extérieur et objectif, le suivi de ce budget”.

Le dispositif ne sert pas à se comparer entre collectivités mais à savoir si on s’améliore dans le temps.

Marion Fetet, I4CE

Pour les promoteurs des budgets verts, cet objectif de transparence ne doit pas s’effacer derrière la communication, encore moins la compétition. “Il y a des régions plus “marron” [la couleur des dépenses défavorables] de base. C’est par exemple le cas des Hauts-de-France qui a des enjeux industriels importants, par rapport à l’Île-de-France qui est une région majoritairement de services, justifie la cheffe de projet de l’I4CE. Lorsqu’on présente la démarche, on met donc tout de suite un gros warning sur le fait que ça ne sert pas à se comparer entre collectivités mais à savoir si on s’améliore dans le temps.”

L’industrie, “c’est là que les problèmes vont commencer”

Au fond, Renaud Muselier ne dit pas autre chose lorsqu’il pose l’objectif pour les années à venir : “Ce que je veux, c’est au minimum “neutre”, je ne veux plus qu’il y ait de “à améliorer” ou “indéfini”.” Un processus qui, s’il s’incarne dans des chiffres, passe avant tout par “les discussions que cela fait naître entre services et entre élus. L’enjeu, c’est la transversalisation du climat dans les différents domaines, le faire intégrer dans les décisions budgétaires””, estime Marion Fetet.

Ce faisant, elle dédramatise l’enjeu d’atteindre les “100 %”. “C’est normal qu’il y ait du marron. Certaines dépenses peuvent être nécessaires pour d’autres enjeux, par exemple sociaux. L’intérêt, c’est de pouvoir débattre de ces dépenses, d’à quel point elles sont nécessaires”.”

Une voie dans laquelle s’engage Renaud Muselier lorsqu’on lui soumet le cas du grand prix de Formule 1. La collectivité s’apprête à réinjecter des millions d’euros pour solder définitivement l’aventure, dans laquelle elle a été motrice. “Aujourd’hui, ça ne passerait pas. Sauf si on décide qu’il y a des retombées économiques considérables et qu’on met le paquet dessus, c’est une décision politique.” Une doctrine qui s’appliquerait également aux dossiers industriels. “C’est là que les problèmes vont commencer”, s’amuse-t-il. On en trouve un exemple dans la même séance de ce vendredi avec la recapitalisation de La Ciotat Shipyards en lien avec son ascenseur à méga-yachts. “Toute règle doit avoir une exception. Mais dans tous les cas, ce n’est pas pareil que de laisser faire n’importe quoi”, jure-t-il.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Competences de la Region :
    – les transports : c’est pour quand le développement dun véritable reseau regional de transport collectif, notamment le train, avec des fréquences coherentes avec les besoins, des temps de trajet raisonnables, des rarifs accessible pour tous ?
    – les lycées : combien sont des passoires thermiques ? C’est pour quand les travaux de rénovation/mise au normes environnementales ?

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  2. BRASILIA8 BRASILIA8

    Plus vert que vert ! Ancien RPR, LR,à peine à Renaissance que le voilà plus vert que EELV mais jusqu’où ira t il ? le phénix des hôtes de la politique ?

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  3. Make OM Great Again Make OM Great Again

    C’est marrant, à chacune de ses phrases même à l’écrit, j’imagine son petit sourire narquois et prétentieux. Quel gigantesque bouffon ce Muselier.

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  4. Alceste. Alceste.

    Renaud Muselier deviendrait t’il l’incarnation humaine de Jake SULLY le héros du film Avatar afin de sauver Pandora , pardon Marseille et sa région ?
    Sera t’il notre ” Toruk Makto”, le cavalier de la dernière ombre ?
    Du moins il en est visiblement convaincu . Pôvre de nous !!!

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  5. Manipulite Manipulite

    Il est vert son projet des JO d’hiver dans les Alpes avec la neige carbonique ? Tout n’est qu’imposture et mensonges à haute dose. Une « Com d’avance ». Il est vrai qu’il est élu jusqu’en 2028. Que de dégâts en perspective !

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  6. jemamo13 jemamo13

    Avec Muselier c’est vrai que ça ne dépasse pas le niveau coloriage.

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  7. Alceste. Alceste.

    Comme disent les jeunes, un Mytho.

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  8. kukulkan kukulkan

    du vent !

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