Quel modèle économique pour les boucles d'eau de mer ?

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le 30 Sep 2014
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Quel modèle économique pour les boucles d'eau de mer ?
Quel modèle économique pour les boucles d'eau de mer ?

Quel modèle économique pour les boucles d'eau de mer ?

Depuis des années, la “boucle d’eau de mer” revient dans les plaquettes de présentation d’Euroméditerranée, sans mention de date ou de chiffrage. L’idée d’utiliser l’eau de mer pour réguler la température des bâtiments n’est pas un fantasme uniquement marseillais. Mais ici, elle avait des allures de serpent de mer. Elle avait même servi de faire-valoir lors de la labellisation comme “Écocité” en 2009. Depuis, rien ou presque. Une boucle est pourtant réapparue il y a quelques mois dans les annonces de Constructa, promoteur des Quais d’Arenc. Cette semaine, l’établissement public d’aménagement, GDF Suez et Constructa signent le lancement de la construction d’une centrale de géothermie marine qui alimentera une partie d’Euromed 1. A cette première boucle qui desservira entre 300 000 et 500 000 m2 de bâti – principalement des bureaux – devrait s’ajouter une seconde bien plus importante pour le périmètre d’Euromed 2. Si la première est tracée et financée, la deuxième, au nord, est encore au stade de projet.

Dix ans de réflexion

Le procédé de thalassothermie n’a rien d’innovant en soi, puisqu’il est en service à Monaco depuis des décennies. Il consiste à substituer une grande partie de l’énergie électrique utilisée pour la climatisation ou le chauffage de bâtiments par l’énergie thermique de l’eau de mer amenée par des tuyaux. Ce système permettrait de réduire – par rapport à une solution dite classique – la consommation électrique globale de plus de 35%, les émissions de CO2 et de fluides frigorigènes. Si le projet nécessite de lourds investissements, il permet d’avoir un prix de l’énergie relativement stable car non indexé sur celui des combustibles. Les recettes issues de l’exploitation de la boucle doivent permettre de rentabiliser l’installation sur le long terme.

A Marseille, l’idée germe dès le début des années 2000. En 2005, la Ville commande des études de faisabilité technique et de rentabilité financière pour une boucle. Le projet mûrit mais aucun modèle économique n’émerge véritablement bien que les collectivités l’imaginent plutôt public. Entre temps, les industriels commencent à s’intéresser à cette solution énergétique. En 2011, Climespace, filiale de GDF Suez, présente à l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe) un projet de boucle pour Euromed 1 qui doit servir de pilote pour d’éventuelles autres implantations en Méditerranée. Le choix du site pour la centrale de thalassothermie se porte rapidement sur la traverse d’Arenc dans les bassins est du GPMM. Climespace essaie ensuite de vendre le projet à Hammerson pour les Terrasses du Port, qui choisit une solution énergétique autonome pour “des raisons de délai et de prix”. La société se tourne alors vers Constructa dont le projet de tours “Quais d’Arenc” (hors Balthazar) est compatible en termes de calendrier.

Entre 30 et 35 M€ d’investissement

En plus de la centrale et des canalisations en acier calorifugé, chaque bâtiment doit être raccordé par des “sous-stations d’échange” qui distribuent l’énergie. Le tout représente un investissement compris entre 30 et 35 M€. Pour le financer, Climespace est allé frapper à la porte des collectivités. Dans son business plan, la société exige un taux de rentabilité interne supérieur à 6%. Or, “le projet n’atteint pas le seuil plancher de rentabilité industrielle sans un apport de 6,4 M€”, indique un des dossiers de demande de subvention. La boucle bénéficie donc de 3,4 M€ de l’Ademe et du Feder, le reste étant assumé par la Région, le Conseil Général, la Ville, Marseille Provence Métropole. Il est prévu qu’elle rembourse ces avances de trésorerie dès que les comptes seront équilibrés. Sur la partie qui lui reste à charge, Climespace amène 20% en fonds propres, le tout complété par un emprunt sur 16 ans à 6%. Les équipements sont prévus pour durer 25 ans pour la production et 15 ans pour les postes de livraison.

Côté revenus, les usagers paient un droit de raccordement, un abonnement mensuel comprenant la maintenance des équipements de raccordement des immeubles et un montant proportionnel à leur consommation. Les projections en termes de chiffre d’affaires sont de l’ordre de 5,8 M€ annuels dès que la vitesse de croisière sera atteinte (vers 2018). “Dans les négociations avec les promoteurs, Climespace a été contraint de revoir à la baisse les coûts de raccordement au réseau et de vente de l'énergie par rapport aux tarifs pratiqués à Paris, où Climespace exploite un important réseau de froid”,  apprend-on dans une des délibérations du Conseil régional au sujet de la boucle. Dès le début des travaux de génie civil de la centrale, une société dédiée sera créée, portée par Climespace (40%) et GDF Suez Energies Services (60%).

Une autre boucle pour Euromed 2

Voilà donc pour la première boucle dont l’avenir et le financement semblent assurés, bien qu’elle soit liée en partie au destin des tours des Quais d’Arenc de Constructa dont deux sont encore hypothétiques. L’aboutissement du projet de Climespace est aussi présenté comme un préalable indispensable à la seconde boucle couvrant Euromed 2. Celle-ci est issue des prospections de la Ville de Marseille transmises depuis à la communauté urbaine dans le cadre d’un transfert de compétences. Depuis, avec l’arrivée des premières études de faisabilité de la boucle de GDF, cette version “publique” a migré vers le nord pour ne plus desservir que la seconde partie de l’opération de rénovation qui représente 160 hectares. Elle fait d’ailleurs partie des piliers d’Euromed 2 avec le parc des Aygalades. Elle est également inscrite dans les investissements d’avenir de l’État.

Mais on ne dispose encore d’aucun chiffrage officiel ni calendrier. “Nous devons nous décider d’ici la fin de l’année sur le type de contrat, explique Eric Le Disses, vice-président de MPM en charge du développement durable. Ce sera soit une DSP soit un appui à un projet privé comme pour Climespace”.  En décembre dernier, la Ville de Marseille alors compétente avait pourtant acté le principe d’une DSP. Mais rien ne serait arrêté. Dans une analyse sur le potentiel thalassothermique de la Région Paca, réalisée en 2011, le cabinet BG Ingénieurs conseils retient que  “la concession/délégation de service public et le bail emphytéotique administratif présentent peu d’attractivité pour le concessionnaire ou le partenaire privé qui supportent tout le risque commercial du projet”. Il préconise un contrat de partenariat qui  “permet une meilleure intégration des différentes phases du projet, un coût global généralement inférieur, et des délais de réalisation plus courts”.

A la Réunion,  GDF Suez s’est vu par exemple attribuer en 2011 une DSP pour la réalisation et l’exploitation d’un réseau de climatisation à partir d’eau de mer. Les investissements s’élèvent à 128 M€, financés à de plus de 60% par des subventions de l’Union Européenne et de l’Ademe. Certains tentent l’aventure d’un équipement géré par la municipalité. La Seyne-sur-Mer a ainsi mis en place une boucle d’eau de mer dans les anciens chantiers navals. L’investissement de 2,5 M€ a été financé pour moitié par la commune, le reste étant pris en charge par l’Ademe. MPM voit grand pour Euromed 2 : “L’objectif est de couvrir 2 millions de mètres carrés de surface[/i], s’enthousiasme Eric Le Disses, ce qui représente 100 M€ d'investissement. MPM s’est déjà engagée sur une aide de 5 M€”. EDF travaille déjà sur un projet privé pour le périmètre 2, modulable en fonction des programmes immobiliers qui sortiront de terre. Avec une boucle d’une telle taille, Euroméditerranée pourra se vanter d’être véritablement pionnière. Sans calendrier, pas sûr pourtant qu’elle ne se fasse pas doubler par d’autres villes d’ici là.

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Commentaires

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  1. JL41 JL41

    On aurait bien aimé avoir un budget prévisionnel incluant l’amortissement des investissements.
    On ne peut pas parler de tout dans un article qui complète le premier, resté un peu nébuleux : http://www.marsactu.fr/environnement/il-faut-comparer-lefficacite-de-la-boucle-deau-de-mer-avec-dautres-dispositifs-32824.html
    Ce sera une expérimentation intéressante, avec une vraie composante écologique, mais certains aspects du projet sont tus, notamment au sujet des solutions trouvées à l’encrassement des tuyaux et des échangeurs par des algues ou des moules, causes de la perte de rentabilité et de l’échec d’autres expérimentations. Non que le problème soit sans solution, le chlore restant la meilleure en l’état actuel des techniques. Mais qui dit chlore, dit transformation du milieu par des rejets très peu écologiques. Alors quelles solutions pour cette installation expérimentale ? Qui plus est dans un port où sont prêts à se multiplier bien des parasites transportés dans les eaux de ballast des navires.
    Les ports brésiliens ont été contaminés par des « moules dorées » venues de Chine qui se reproduiraient à des vitesses phénoménales dans les canalisations, tandis que l’Australie souffre d’une algue toxique venue du Japon : http://visionbresil.wordpress.com/2010/08/21/environnement-en-bref-aout-2010/

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  2. JL41 JL41

    Le sujet ne semble pas intéresser beaucoup de lecteurs de Marsactu ? Un article de Médiapart redonne un coup de pied dans la fourmillère pleine de contradictions, dont la moindre n’est pas celle d’une économie circulaire un peu vicieuse de la vapeur, avec l’ancienne usine Péchiney d’alumine et de « boues rouges » de Gardanne : http://www.mediapart.fr/journal/france/121214/bataille-electrique-autour-d-une-centrale-bois-geante-gardanne?page_article=2

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