Quatre ans après le scandale des fuites radioactives, la Timone peine à rentrer dans le rang

Actualité
le 10 Oct 2017
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Quatre ans après le scandale des personnels irradiés et du rapport pointant la mauvaise culture de radioprotection de la Timone, l'Agence de sûreté nucléaire continue de rappeler à l'ordre l'AP-HM, qui peine à rentrer dans les clous.

Photo : Esther Griffe.
Photo : Esther Griffe.

Photo : Esther Griffe.

“En 2017, nous nous sommes rendus deux fois à la Timone alors qu’en temps normal, c’est plutôt une fois tous les deux ans. En 2018, il n’y aura pas de visite dans les blocs opératoires de cet hôpital car on ne veut pas s’acharner et nous avons du travail ailleurs. Mais on ne les oublie pas pour autant…”, lance Laurent Deproit, le chef de la division Marseille de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), un brin agacé par ce mauvais élève du secteur public. Après le scandale des fuites d’affluents radioactifs en médecine nucléaire en 2013 et son rapport cinglant de 2015 qui pointait “des défauts majeurs dans la culture de la radioprotection” dans les blocs opératoires, l’ASN a du mal à tourner la page. Et même si aujourd’hui, la police du nucléaire dit vouloir croire en la bonne volonté de l’Assistance publique- Hôpitaux de Marseille (AP-HM), le chemin qu’il lui reste à parcourir avant de rentrer dans les rangs s’annonce encore particulièrement long. La direction de l’AP-HM n’a pas donné suite aux sollicitations de Marsactu à ce sujet.

Des négligences qui persistent

Preuve de la confiance retrouvée, une note de l’ASN datant de mai dernier et faisant suite à une inspection dans le service de médecine nucléaire de la Timone indique que “l’ASN considère que les dispositions prises et suivies pour la radioprotection sont acceptables au regard de la perspective d’une restructuration du service”. De plus, quelques mois après le rapport acerbe de 2015 concernant les blocs opératoires, l’hôpital de la Timone, qui a recours à la radioactivité pour l’imagerie médicale mais aussi comme moyen de traitement de tumeurs cancéreuses, a fourni un plan d’action à l’Autorité de sûreté nucléaire pour pallier ce manque de “culture de radioprotection”, axé notamment sur la formation des praticiens et travailleurs en contact avec la radioactivité. “Un plan d’action sérieux”, selon le chef de la division Marseille de l’ASN qui reste cependant, deux ans après la proposition de ce plan, toujours amer quand il évoque ce qu’il considère être au départ un “mauvais calcul de l’AP-HM qui a voulu jouer sur les limites”.

“Lors des dernières visites [au service de médecine nucléaire au printemps dernier, ndlr], nous avons trouvé un tablier de plomb qui traînait par terre parce que les vestiaires n’étaient pas adaptés, impossible de garantir la qualité du matériel de protection dans ces conditions, précise Laurent Deproit. De plus il va falloir qu’ils trouvent un moyen de contrôler en interne que les praticiens et travailleurs portent bien les équipements nécessaires. Quitte à mettre du personnel à l’entrée des blocs opératoires s’il le faut.”

Mais les manquements de la Timone en matière de radioprotection ne s’arrêtent pas là : sources radioactives mal contrôlées lors de leur réception, entreposage des déchets contaminés dans des salles qui ne ferment pas à clef avec d’autres objets non contaminés, mauvaise utilisation des équipements de protection, négligence dans la maintenance des locaux…

Au total, la lettre de suivi de l’inspection menée au printemps dans le service de médecine nucléaire comporte neuf “demandes correctives”. Mais pour devenir un bon élève aux yeux de l’Autorité de sûreté nucléaire et répondre enfin aux normes, le plus dur est probablement à venir pour la Timone : le 12 juillet dernier l’AP-HM a en effet proposé à l’ASN un projet de restructuration du service de médecine nucléaire, qui a été accepté par cette dernière.

 

Retard significatif

“On nous a dit que les travaux devraient commencer en octobre 2018 et s’achever en 2020, indique Olivier Paviot, membre du syndicat Force Ouvrière de la Timone. Je ne crois pas qu’il y ai déjà eu des visites de chantier. On est encore dans la phase d’étude”, poursuit-il. De fait, la restructuration a pris du retard, ce que souligne l’ASN. “Il apparaît qu’un retard significatif dans la réalisation du projet ne permet pas de transmettre ces études en 2017”. Ce projet prévoit en effet une restructuration de taille et sa première étape devrait s’achever dans les jours à venir. S’il est livré en temps et en heure, le nouveau service de médecine nucléaire verra donc le jour près de sept ans après le scandale des personnels irradiés et bébés exposés révélé en 2013 par Terraéco.

Première étape en vue de la restructuration à venir : “Le service d’urgence pédiatrique va déménager, ses nouveaux locaux sont enfin prêts”, informe un membre de la CGT Timone. Jusqu’à présent ce service d’urgence se trouvait juste en dessous de celui de médecine nucléaire. Il hébergeait donc en son sein des canalisations contenant des effluents radioactifs, ces canalisations mêmes qui avaient fuité en 2013. “Des pièces ont dû être fermées et le sont toujours, que ce soit des bureaux dans le service des urgences ou bien des chambres en médecine nucléaire [où sont produits les effluents radioactifs qui résident dans les urines des patients hospitalisés et traités avec des cachets d’iode 131, ndlr] , confirme Olivier Paviot de FO. Ainsi, pour éviter que l’incident de 2013 ne se reproduise, l’AP-HM a opté de concert avec l’ASN pour une solution radicale : “déplacer le service d’urgence pédiatrique qui est actuellement au rez-de-chaussée pour y mettre la partie traitement du service de médecine nucléaire. Au premier on trouvera la partie diagnostic de ce service”, relate Jean Feries, adjoint au chef de la division Marseille de l’ASN.

La seconde étape va donc consister à réorganiser tout le rez-de-chaussée. “Dans les urgences pédiatriques, il n’y a quasiment pas de chambre d’hospitalisation. Il va donc falloir tout construire”, précise Olivier Paviot, ce qui va donc nécessiter d’importants aménagements. Des travaux qui vont intervenir dans des locaux pourtant quasiment neufs, car rénovés en 2013. Pour ce qui est de la maîtrise d’œuvre, l’AP-HM devra débourser 36 675 euros hors taxes, comme l’indique l’appel d’offre.

La dernière visite en date de l’ASN à la Timone date très précisément du 29 août. Pour l’occasion, les inspecteurs de la police du nucléaire ce sont rendus dans le futur service clinique du Cerimed, le Centre européen de recherche en imagerie médicale. À l’issue de cette visite, les inspecteurs ont noté que “la radioprotection [était] maîtrisée de façon globalement satisfaisante” mais que “le secteur de médecine nucléaire du CERIMED n’était pas encore opérationnel.” Pour l’être, l’AP-HM devait rapidement mettre en place des actions correctives avant l’arrivée des premiers patients. L’ASN a par exemple épinglé un “plan du réseau des effluents liquides erroné”, et rappelé qu’une mise à jour était nécessaire dans le cadre de l’autorisation délivrée le 13 juin 2017 par le service d’assainissement de Marseille Métropole. Une situation jugée moins alarmante que par le passé, mais l’effet de répétition à de quoi agacer l’ASN. Les premiers patients du Cerimed eux, sont arrivés le 2 octobre.

Mise à jour le 12/10 : Précisions à la demande de l’ASN : En 2018, l’ASN ne visitera pas les blocs opératoires de la Timone en particulier et non l’ensemble de l’hôpital. Une visite est prévue dans le service de médecine nucléaire. De plus, le rapport de 2015 ainsi que la citation contenant le terme “mauvais calcul” concernent bien les blocs opératoires et non le service de médecine nucléaire. Ces précisions ont été intégrées au corps de l’article. 

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