La voix du senior

Quand les élus veulent que les boules roulent pour eux

Actualité
le 29 Fév 2020
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Dans une élection chaque voix compte. Celles des personnes âgées que les politiques savent plus promptes à voter sont précieuses. Entre club de loisirs et de boules, les politiques publiques ne les oublient pas, en espérant qu'ils s'en souviennent aux élections. Sauf quand un méchant caillou vient freiner la boule avant le cochonnet...

À droite, vêtu d
À droite, vêtu d'un pull rouge, Attilio Catoïo.

À droite, vêtu d'un pull rouge, Attilio Catoïo.

Attilio Catoïo est en colère et ça s’entend. “C’est pas ma faute, je suis sourd, je ne m’entends pas”, claironne l’intéressé dans son petit local du jeu de boules de Turenne, au pied des bâtiments de la résidence du même nom, au Racati (3e arrondissement). Son beau-fils, venu récupérer sa licence de bouliste, acquiesce en rigolant : “à la maison, c’est pareil. Il passe son temps à hurler”. Le tempétueux président du club de boules de l’arc de triomphe est connu pour son caractère sanguin et son parler haut.

Attilio Catoïo le dit sans rond de jambes dans les consonnes, il attend avec impatience l’issue du premier tour des municipales dans les 2e et 3e arrondissements. Non pas qu’il souhaite la victoire d’une liste en particulier, “de toute façon, je ne vote pas là” dit cet enfant du Panier, installé dans le 15e. Il espère simplement voir perdre Lisette Narducci, l’actuelle maire de secteur. “Et vous pouvez l’écrire…” Depuis début janvier, le club de la boule de l’arc de triomphe a perdu son terrain, faute du renouvellement de la convention avec la mairie de secteur.

“Désormais, selon elle, on l’occupe sans droit ni titre, constate bravache Attilio Catoïo. Alors elle n’a qu’à nous expulser, faire venir un huissier puisque soi-disant, elle est dans son droit et nous pas”. 

La carte des boules

D’ordinaire un jeu de boules, ça se chouchoute. À Marseille, ces terrains de sport de proximité dessinent une carte politique secrète que les élus de secteur apprennent à cultiver. “Vous savez, ce sont souvent des personnes âgées qui n’ont que ça comme loisirs”, formule Lisette Narducci pour définir son intérêt pour les huit clubs de son secteur.

Alors comme Bruno Gilles dans son secteur, Stéphane Ravier dans le sien, la maire est de tous les tournois, écoute d’une oreille attentive leurs demandes. Elle se fend même d’une missive pour annoncer l’arrivée de la subvention du conseil départemental alors qu’elle ne fait plus partie de la majorité. En comptant les ascendants et les descendants, travailler les boules peut apporter des suffrages, une affiche collée en bonne place ou même un bouliste qui donne de son temps pour les coller. Or du côté du Racati, la diplomatie bouliste a viré au conflit à basse intensité.

Trois clubs à l’ombre de l’autoroute
La boule de l’arc de triomphe a longtemps été installée au lieu-dit des 13 escaliers. Les travaux d’Euroméditerranée ont détruit le terrain historique (lire notre article sur la sous-face de l’autoroute). Ses adhérents ont donc rejoint un petit terrain situé rue de Versailles, à titre provisoire en attendant que l’établissement public ait fini leur nouveau terrain. C’est à cette époque qu’Attilio Catoïo est devenu président.
Depuis ce sont les amis de Saint-Lazare chassés de leur terrain sous l’autoroute pour cause de travaux qui ont rejoint ce même terrain rue de Versailles. Le seul à ne pas bouger est le club des Diables au corps. Le plus ancien du secteur bénéficie du site le plus ensoleillé. Le plus souvent les pratiquants ont des adhésions dans plusieurs clubs tout en gardant une licence sportive dans un seul.

Depuis des mois, le président de club et la maire de secteur, Lisette Narducci, sont à couteaux tirés. Une guérilla sur terre battue avec missives, menaces et mesures de rétorsion, le tout sur fond de campagne électorale. C’est d’ailleurs auprès du camp Biaggi qu’il a recueilli les téléphones de journalistes susceptibles de s’intéresser à son histoire.

Quelques uns des trophées distribués à la boule de l’arc de triomphe.

Le problème Biaggi

Or, un des points brûlants de leur différend tient justement à la présence de la candidate LR sur le terrain de boules lors d’un des deux évènements annuels de l’association dont un tournoi en octobre. “J’ai toujours pris soin d’inviter la maire de secteur, tout comme Solange Biaggi qui est une élue du secteur, explique le président de l’association. Cette année, en octobre, Lisette Narducci n’est pas venue. Solange Biaggi oui et nous l’avons invitée à déjeuner. La maire de secteur ne l’a pas apprécié”.

Joint par Marsactu, la maire, candidate à sa propre succession sous les nouvelles couleurs non étiquetées de Bruno Gilles, dément toute mesure de rétorsion : “Je lui ai fait simplement remarquer que c’était un équipement municipal, que nous entrions en période électorale et que s’il recevait une candidate, il devrait accueillir toutes les autres. Il m’a répondu qu’il l’a trouvée sympathique…” Fin décembre, rebelote, Lisette Narducci découvre que Solange Biaggi est annoncée à la galette des rois de l’association. “Nous étions le 31 décembre et j’ai décroché mon téléphone pour tenter de trouver un terrain d’entente sur les points qui posent problème”. En vain.

Des griefs longs comme le bras

Elle liste un très grand nombre de ces griefs : les plaintes des voisins quant à l’usage nocturne du terrain, l’absence de libération de l’accès pompier qui traverse le terrain et sur lequel les boulistes garent leurs voitures, faute de parking à proximité. Ou encore les clefs que la convention prévoit en petit nombre et qui seraient distribuées à tous les adhérents…

Attilio a réponse à tout. Il s’est même fendu d’un courrier de 13 pages où il démonte point par point les reproches de la maire de secteur. L’accès pompiers ? “Si nos voitures sont là, c’est que nous sommes présents sur place. Si les pompiers viennent, on les déplacera aussitôt”. Les plaintes des voisins ? “Montrez moi la pétition. En attendant on se prend des ordures qui partent de leurs fenêtres”. Les parties nocturnes ? Sa réponse écrite vaut son pesant de cacahuètes rhétoriques :

Vous évoquez une plainte des riverains, plainte relative à des jeux de boules tardifs. Vous perdez la tête, madame le maire, vous perdez tout sens de la réalité, de la matérialité des évènements. Vous m’écrivez n’importe quoi. (…) Pour votre bonne information, sachez que la nuit je dors chez moi et non sur le terrain de boules. Vous en êtes consciente !

La teneur du propos dessine bien les contours du problème principal : le président et la maire ne peuvent pas se sentir. Attilio fait grincer sa plume : “Vous êtes maire élue, je suis président élu : différence notable, vous êtes rémunérée”.

Attilio est quelques uns de ses soutiens.

“Il agace tout le monde”

“Je ne le connaissais pas, j’ai appris à le connaître”, euphémise Lisette Narducci avant d’ajouter. “Il est agressif. On ne peut pas parler avec lui. Lors d’une réunion dans mon bureau, il était à la limite de l’insulte. En vérité, il agace tout le monde”.

Sur ce point, difficile de donner tort à Lisette Narducci. Attilio, c’est un peu Attila. Partout où l’on passe on entend d’abord “Oulala… Catoïo”. De la fédération de boules en passant par l’association des locataires de la résidence de Turenne, sans compter les clubs voisins des Amis de Saint-Lazare et des Diables au corps, personne ne veut se mêler du différend. Et tous décrivent un monsieur “avec qui il est impossible de parler”.

Attilio Catoïo n’est pas un inconnu du monde des boules. En 1994, il a gagné le mondial à pétanque de la Marseillaise. Ici, des photos de l’époque.

“C’est un odieux personnage”

C’est ainsi qu’elle justifie l’usage de l’arme atomique en matière de jeux de boules. “Il m’a posé tellement de problèmes que je ne renouvellerai pas la convention tant qu’ils ne renouvelleront pas leur bureau”. Le mot est lâché, énorme. L’élue insiste : “ce n’est pas mon genre de m’immiscer dans la vie d’une association mais trop, c’est trop. C’est un odieux personnage”.

Début janvier, elle tente même une réunion avec les autres membres du bureau de l’association, dans le dos d’Attilio. Lors de la conférence de presse qu’il organise quelques jours après, il tance durement ses amis qui font semblant de regarder leurs pieds.

Ceux-ci n’ont rien lâché : Catoïo a été réélu en novembre, il le restera quoi qu’il se passe. Tous les membres présents lors de la conférence de presse lui renouvellent leur confiance. “Les comptes sont sains“, dit-il en montrant les tableaux qui font l’inventaire précis du contenu du frigo.

Il soupçonne un complot à plusieurs bandes avec des membres des clubs voisins, une association en sommeil “la boule qui roule” sans terrain et la maire de secteur en grande organisatrice. Bien entendu, tous les intéressés démentent un tel projet. “Ne me parlez pas de ce monsieur. Je n’ai rien à voir avec ça”, claque le patron des amis de Saint-Lazare dont certains membres sont aussi adhérents de la “boule qui roule”. “Pas question que je dise un mot sur cette histoire, chacun chez soi”, balance celui des Diables au corps, association du terrain voisin, qui ne veut pas ouvrir son portail. Eux veulent voir passer les élections “sans faire d’histoire”. Attilio Catoïo lui attend son heure.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Article pas relu ?
    les clefs ../.. serait distribuées => seraient
    Attilio est quelques uns de ses soutiens. => et
    Il m’a posé tellement de problème => s
    certains membres sont aussi adhérant => adhérents

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Merci de votre attention. La fatigue se fait sentir…

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    • Félix WEYGAND Félix WEYGAND

      Ce n’est pas le plus grave ! Allez sur un terrain de boule marseillais ou plus probablement provençal et appelez le “bouchon ” un “cochonnet” provoquera l’hilarité générale et vous fera passer au mieux pour un “lyonnais” !

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    • Jacques89 Jacques89

      Quand on parle de batailles entre Ritals, l’orthographe on s’en tape! Je regrette simplement que cet article n’ait pas été écrit en provençal… Une traduction s’impose!

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  2. marianne13 marianne13

    Catoïo a été réélu en novembre, il le restera quoi qui se passe. ==> quoi qu’il se passe

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  3. Alceste. Alceste.

    Nous pouvons aussi rajouter ” le petit” pour ce bouchon en bois qui aurait put être en liège comme nos élus qui flottent toujours et en toutes circonstances

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  4. Regard Neutre Regard Neutre

    Cette confrontation asymétrique, entre une personnalité politique et un Président d’association bouliste de quartier, montre que “les mouches ont changé d’âne”, —expression employée par Pierre Albaladejo,lors des matchs musclés de rugby,—.
    Les treize pages, de la lettre de réponse du président bouliste à Madame le maire adjoint,ont semble-t-il rendu l’édile très revancharde et sans voix…La partie n’est pas gagnée face à un vainqueur de la Marseillaise !

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  5. barbapapa barbapapa

    Il est dommage effectivement d’écrire “cochonnet” à Marseille, les gens de Marsactu ont dû être pris pour des “journalistes” par les pétanqueurs. Il y a aux boules un vocabulaire très riche, par exemples la donnée, le devant de boule, le becquet, la boule chiquée, la boule soute, la plombée, la rasbaille, la Fanny par treize à zesco, etc.

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  6. petitvelo petitvelo

    Nous tenons là un potentiel successeur à Jo Condé …

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  7. Peuchere Peuchere

    « Il m’a dit qu’il l’a trouvée sympathique … »
    Qu’il la trouvait ?

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