Procurations frauduleuses : pour plaider coupable, Yves Moraine repassera
Alors que tout semblait réglé pour que le vice-président LR du département soit jugé dans le cadre d'une procédure accélérée ce jeudi, celle-ci a capoté de manière inattendue. Les premières condamnations dans cette affaire attendront.
Yves Moraine au conseil municipal de Marseille en 2022. (Photo : Emilio Guzman)
Il s’était résolu à confesser sa faute en justice, à accepter une peine, lui l’avocat du barreau de Marseille, à voir discutée son inéligibilité. Il était prêt aussi à faire face aux questions des journalistes qu’il a longtemps alimentées, de saillies piquantes en conseil municipal en gaudinologie, cette science locale qui permettait aux plus proches de traduire la pensée et les desseins de l’ancien maire de Marseille. Mais ce 18 avril, Yves Moraine est venu pour rien. Le vice-président (LR) du département est resté moins d’une heure dans l’enceinte du tribunal, le temps de premiers échanges confidentiels avec le procureur sur son sort.
Dans les 6/8, où il était le maire sortant et le colistier de Martine Vassal, Yves Moraine avait incité à la production de fausses procurations recueillies avant le deuxième tour des municipales de 2020 en expliquant aux électeurs qu’ils n’avaient pas besoin de se rendre dans un commissariat pour que la procédure soit homologuée. Durant l’enquête, il avait “reconnu avoir anticipé un assouplissement des modalités d’établissement des procurations” du fait de l’épidémie de Covid, en accompagnant “ceux qui ne pouvaient ou ne voulaient pas voter au second tour dans les démarches de procuration”, rapporte le procès-verbal récapitulatif des charges.
L’élu devait convenir ce mercredi d’une peine dans le cadre d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité. Mais le rendez-vous avec le procureur chargé du dossier a fait long feu. Et Yves Moraine et les cinq autres prévenus convoqués n’ont pas signé le procès-verbal nécessaire pour passer à la deuxième étape de la CRPC, l’audience d’homologation devant un juge.
“recherches juridiques complémentaires”
C’est un point de droit qui a fait dérailler le processus de plaider coupable. Son irruption dans le débat apparaît assez tardive étant entendu que les négociations entre le parquet et les mis en cause étaient en cours depuis plusieurs mois. Dans un communiqué de presse, le parquet de Marseille évoque “un renvoi à la demande des prévenus et en accord avec le parquet afin de permettre des recherches juridiques complémentaires concernant la possibilité de poursuivre l’une des infractions (celle de manœuvres frauduleuses électorales) selon la procédure de CRPC”.
La loi évoque en effet le fait qu’un “délit politique” ne peut être jugé dans le cadre de cette procédure accélérée. Problème que résume le chercheur en droit privé Sylvain Jacopin dans un article universitaire : “Dans le code pénal, il n’y a aucune définition des infractions politiques. […] Le droit français s’est accordé avec la doctrine pour dire qu’un délit politique est une infraction dirigée contre l’organisation et le fonctionnement de l’État, ainsi que celle dirigée contre les droits qui en résultent pour les citoyens”.
“La logique voudrait que ce soit débattu dans un procès”
Chercher à truquer une élection rentre-t-il dans ce cadre ? Si le risque juridique est écarté, le parquet pourra relancer la procédure de plaider coupable. Sinon, ce sera l’audience générale pour tout le monde, du 23 au 27 septembre. Yves Moraine retrouverait alors huit autres prévenus supplémentaires, dont son ex-collègue Julien Ravier, député déjà démis de son mandat par la justice administrative.
Une situation qui convient aux parties civiles : “Si ce qui s’est passé intéresse la chose publique, si cela a ému les Marseillaises et les Marseillais, la logique voudrait que ces faits-là soient débattus contradictoirement dans le cadre d’un procès”, estime Xavier Pizarro, avocat de plusieurs candidats du Printemps marseillais dont l’actuel adjoint au maire Yannick Ohanessian.
Cette configuration permettrait aussi dans cette affaire explosive pour la droite locale de hiérarchiser la fraude de leur famille politique dans les 6/8 et celle dans les 11/12. Dans le secteur d’Yves Moraine, on parle d’une trentaine de procurations recueillies çà et là puis blanchies par Roland Chervet, un policier complice, via l’équipe de campagne des 11e et 12e arrondissements dont Julien Ravier était le maire sortant. Dans ce second secteur, la recherche de procurations semblait beaucoup plus industrielle avec notamment un système de recueil de mandats dans une maison de retraite. Ce mercredi, l’ancien directeur de cabinet de Julien Ravier, une colistière cheville ouvrière de la fraude, le directeur de fait et le médecin de l’Ehpad s’apprêtaient, eux aussi, à plaider coupables.
Correction à 17 h : contrairement à son homonyme Stéphane Ravier, Julien Ravier a bien été député et non sénateur
Commentaires
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du moment que la république exemplaire en sort gagnante
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On ne peut s’empêcher de constater que la justice a été bien plus rapide pour juger les 3 surveillants de Victor Hugo … Mais c’est certainement en raison des complexités respectives des deux dossiers.
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m’enfin !!!! aller extorquer des signatures à des personnes agées fragiles en ephad, et bien ce n’est pas violent !!!! voilà tout !
alors que dans un lycée…….ou à victor hugo les ados passent leur temps dans le calme et la sérénité…. bref !
et puis les aed sont à la cgt, pas moraine et ses fraudeurs.
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Autre bon côté de ce retournement de situation: Monsieur Moraine et ses cinq co-prévenus ne pourront pas plaider non-coupable lors du procès public.
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“Faute avouée à moitié pardonée”. A l’instar de Gaudin qui avait plaidé coupable dans son affaire de detournement de fonds publics, Moraine pensait probablement qu’il pouvait tourner la page pour pas trop cher, hors période électorale. Avec une peine d’inéligibilité d’un an, par exemple, il restait dans la course pour 2026. Mais là ça devient compliqué
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Il va beaucoup nous manquer (non).
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Cheh
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Cheh!
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