Privatisation des TER : le prochain président de région pourra freiner ou accélérer

Actualité
le 3 Juin 2021
5

Sujet emblématique de l'arrivée de la droite aux manettes de la région, l'ouverture à la concurrence des TER doit se concrétiser durant l'été. Ce jeudi, le syndicat Sud Rail tente de mobiliser avant la signature du contrat. Le choix de maintenir le monopole de la SNCF reviendra à la future majorité.

Un train express régional à la sortie de la gare Saint-Charles. Photo : Emilio Guzman.
Un train express régional à la sortie de la gare Saint-Charles. Photo : Emilio Guzman.

Un train express régional à la sortie de la gare Saint-Charles. Photo : Emilio Guzman.

C’est maintenant que cela se joue, la région PACA est l’une des premières à ouvrir ses lignes de TER à la concurrence”, s’agite-t-on au sien de la fédération nationale Sud Rail. Le syndicat cheminot invite ce jeudi à la gare Saint-Charles tous les opposants à la potentielle arrivée d’acteurs privés sur les chemins de fer français. “Nous voulions réaliser un important rassemblement local, mais il sera finalement national car la région est en pointe sur ce sujet”, explique le secrétaire général territorial de Sud, Rail Frédéric Michel. Aucun autre syndicat ne devrait y participer, officiellement en raison de divergences entre les organisations.

Provence-Alpes-Côte d’Azur n’est pas la seule région à anticiper la fin du monopole de la SNCF, qui s’appliquera dans toute la France en décembre 2023, mais c’est de loin la plus avancée sur le sujet. “L’attribution des appels d’offres aura lieu au mois de juillet ou d’août”, rappelle Philippe Tabarot, vice-président LR au transport. Ce dénouement imminent interviendra donc après les élections régionales. “Une nouvelle équipe pourrait revoir le calendrier d’attribution”, concède le conseiller régional qui ne se représente pas.

Enjeu politique de la majorité

Christian Estrosi, puis son successeur Renaud Muselier, ont voulu faire du TER un des marqueurs forts de leur mandat. À peine élu, le premier affiche ses intentions d’ouvrir les lignes régionales à la concurrence alors que le second ne manque pas une occasion de planter des banderilles au groupe ferroviaire. Il faut dire que les retards ou annulations de trains y sont alors les plus importants en France. En 2016, après l’élection de Christian Estrosi, ils étaient de respectivement de 15,2 % et 3,3 %. Sur l’année 2020, ils sont globalement meilleurs – 9,1 et 2,5% – mais la région reste dans les trois pires, contrairement à ce qu’affirme le président sortant dans son bilan de mandat.

Pour inaugurer cette nouvelle ère concurrentielle, la région a proposé deux lots avec la ligne Marseille-Toulon-Nice et l’étoile de Nice qui regroupe des trois liaisons sur la Côte d’Azur. Ces tronçons représentent un tiers des voies de chemin de fer, mais surtout la moitié des passagers. L’arrivée effective du ou des futurs opérateurs est prévue pour 2025. “Le temps que la région achète le matériel et que soient construits les centres de maintenance à Nice par les entreprises désignées”, précise Philippe Tabarot.

Seule la gauche veut garder la SNCF

En toute logique, Renaud Muselier, dont l’équipe ne nous a pas répondu dans le temps imparti à la rédaction de cet article, s’il est réélu, ne devrait pas revenir sur ses propres appels d’offres. “L’objectif est d’améliorer la qualité du service ainsi que le nombre de trains tout en gardant des prix attractifs”, souligne Philippe Tabarot qui va laisser son siège de vice-président en charge des transports. “Le TER coûte 300 millions d’euros par an à la région, on espère faire diminuer cela”, ajoute-t-il. “Vous allez voir ce que vous allez voir. D’ailleurs l’ancien président de la SNCF monsieur Pépy me disait qu’on aurait des offres canonissimises. Eh bien elles arrivent et je me permettrai de les présenter assez vite”, s’est réjoui Renaud Muselier lors d’un meeting, lundi 31 mai.

Je suis sûr que la SNCF va gagner une partie, parce que quand ils veulent, ils peuvent.

Renaud Muselier

Un potentiel beau cadeau pour une nouvelle majorité ? Au Rassemblement national en tout cas on ne compte pas opérer une grande révolution. “Nous ne sommes pas dogmatiques, si la SNCF n’arrive pas à bien faire son travail alors nous passerons par la privatisation de ces lignes”, avance Antoine Baudino, présent sur la liste du parti d’extrême droite dans les Bouches-du-Rhône. “De toute façon, la SNCF risque de remporter les appels d’offres, non ?”, s’interroge-t-il. “Je suis sûr que la SNCF va gagner une partie, parce que quand ils veulent, ils peuvent, a assuré Renaud Muselier à la tribune du parc Chanot. Elle peut gagner des marchés par sa filiale en Allemagne et elle ne pourrait pas rouler ici ?”,

Les autres entreprises candidates ne sont pas officiellement connues malgré quelques fuites. “La SNCF joue un jeu dangereux en se concurrençant elle-même avec des filiales qui fonctionnent comme des entreprises privées”, s’inquiète de son côté Frédéric Michel. Pour le syndicaliste, qu’importe le vainqueur, il ne s’agit ni plus ni moins que d’une privatisation. Un avis que partage la liste Rassemblement écologique et social de Jean-Laurent Félizia, qui veut tout remettre à plat. “Nous reviendrons sur les appels d’offres pour maintenir la SNCF”, prévient Natacha Malet, candidate PCF sur cette liste dans les Bouches-du-Rhône et elle-même cheminote. Elle voudrait profiter d’une fenêtre de tir qu’offre la loi, à savoir la possibilité de prolonger de dix ans la convention avec la SNCF juste avant la date fatidique de décembre 2023.

Sud Rail ne croit pas aux promesses des candidats

Pour Natacha Malet, les défaillances du train en PACA ne sont pas que de la responsabilité du groupe ferroviaire, mais aussi de la politique menée par l’actuelle majorité régionale. “Pourquoi n’ont-ils pas mis des moyens plus tôt ? Là, ils dépensent des deniers publics avec des rénovations d’infrastructures et du nouveau matériel pour des opérateurs privés”, s’agace-t-elle.

Philippe Tabarot reconnaît lui-même que “les problèmes de nos lignes viennent en partie de la vétusté des infrastructures, le futur opérateur profitera d’un matériel neuf”. Dans l’univers ferroviaire la gestion des rails est la charge de SNCF Réseau, mais ses travaux sont en grande partie financés par l’État et les régions.

Le réseau est très vieux et très endommagé, cela pèse énormément avec beaucoup de portions en vitesse réduite par exemple”, abonde Frédéric Michel. Le syndicaliste réclame plus d’investissements de la part de la SNCF et souhaite s’adresser à l’opinion publique plus qu’aux candidats. “Nous ne voulons pas rentrer dans le mécanisme des promesses. La droite ne changera pas d’avis, le Rassemblement national est trop loin de nos idées et la gauche va se positionner par idéologie sans que cela ne débouche sur quelque chose”, lâche, défaitiste, le syndicaliste. Concernant la droite, pas de doute : dans son programme, Renaud Muselier propose même de poursuivre l’ouverture à la concurrence avec la ligne Marseille-Briançon.

Cet article vous est offert par Marsactu

À vous de nous aider !

Vous seul garantissez notre indépendance

JE FAIS UN DON

Si vous avez déjà un compte, identifiez-vous.

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Le sujet est bien posé par l’article. La qualité de service produite par la SNCF pour ses trains régionaux ici a été très longtemps déplorable. Mais un autre opérateur ferait-il mieux pour moins cher ? Il utiliserait la même voie, saturée et construite à une époque où la région était quatre ou cinq fois moins peuplée qu’aujourd’hui. Il dépendrait de la même signalisation, à bout de souffle. La SNCF et ses usagers paient des décennies de sous-investissement dans le réseau.

    Je note aussi que si la région PACA n’est pas la seule à vouloir tenter de mettre en concurrence la SNCF (le Grand-Est et les Hauts-de-France sont sur la même ligne), c’est la seule qui s’y lance de façon plus que volontariste, en proposant des lots majeurs du réseau régional. Dans les autres régions, il s’agit plutôt d’expérimentations prudentes, avec des lots secondaires qui permettront aux concurrents éventuellement désignés de montrer ce qu’ils savent faire. Ici, on est en mode “ça passe ou ça casse”.

    Signaler
  2. MarsKaa MarsKaa

    “Quand on veut tuer son chien, on dit qu’il a la rage”. Voire on lui innocule.

    C’est ce qui a été fait pour France Telecom, la Poste, la Sncf, Air France, et ce qui est en cours, bien avancé, à l’hôpital public et dans l’éducation nationale.
    Refus de financer, degradation, campagne de bashing, harcèlement des employés..

    On detricote tout. Et pour le démantèlement, on investit des millions.
    Tout ça au benefice de qui ?

    Que s’est il passé en Angleterre avec la privatisation du rail ? Une degradation totale.

    Quand tout sera privatisé…on sera privé de tout.

    Signaler
  3. Manipulite Manipulite

    Un vrai sujet pour les élections régionales mais les candidats n’en parlent pas ou très peu. Etonnant que le président en titre ne vous réponde pas. La privatisation de SNCF par dogmatisme libéral a été voulue par Estrosi/Muselier sans analyse de fond. Parmi les prétendants au partage des dépouilles il y a les compagnies italiennes, proximité de Nice oblige. Quand on voit comment les italiens ont entretenu le pont de Gênes ou le téléphérique de Stresa.

    Signaler
  4. vékiya vékiya

    Et au même moment les anglais re-nationalise leur chemin de fer…

    Signaler
  5. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    En attendant le train entre Marseille et Aix-en-Provence reste sur une bonne partie de son parcours à voie unique…… comme lorsque la ligne a été créée au XIXe siècle; Tout cela pour le grand profit de CAR 13 et des concessionnaires automobiles !

    Signaler

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire