Primaires à gauche : le PS la mort aux trousses

Actualité
le 21 Jan 2017
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"Formatée pour François Hollande" de l'aveu du premier secrétaire fédéral Jean-David Ciot, la primaire à gauche n'aura eu qu'un petit mois de campagne pour mobiliser. Dans les Bouches-du-Rhône, plusieurs parlementaires observent de loin la campagne, tandis que d'autres tentent de conjurer l'écartèlement du parti entre Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron.

Arnaud Montebourg en stand up sur le Vieux-Port.
Arnaud Montebourg en stand up sur le Vieux-Port.

Arnaud Montebourg en stand up sur le Vieux-Port.

“Je n’ai pas senti chez les candidats une quelconque proposition. Sur la partie programmatique, je ne vois pas ce qu’il y a de nouveau et je suis très déçu par la politique qui a été menée.” L’homme qui s’exprime ainsi n’est pas un électeur de François Hollande désabusé, renâclant à choisir un candidat socialiste pour lui succéder. C’est Henri Jibrayel, député de la 7e circonscription (une partie du 14e arrondissement, le 15e et le 16e), qui ne soutient personne dans cette campagne. Dans ce même secteur, la sénatrice-maire Samia Ghali se borne comme lui à promettre de soutenir le candidat qui sera désigné.

Dans la même veine, le député et ex président du conseil régional Michel Vauzelle a opéré un “repli stratégique”, selon l’expression de La Provence, qui comptabilise aussi Vincent Burroni parmi les parlementaires des Bouches-du-Rhône absents de la campagne. “Ce n’est pas parce qu’on n’est pas dans une écurie qu’on n’est pas impliqué dans la campagne”, rétorque Henri Jibrayel, persuadé que “beaucoup de gens vont aller voter” dans son secteur.

Une primaire “formatée pour Hollande”

Localement, deux députés marseillais – Patrick Mennucci et Marie-Arlette Carlotti – ont mis leur réseau au service de Vincent Peillon, tandis que Manuel Valls regroupe le plus d’élus locaux. Mais hormis quelques escarmouches, sur les boues rouges ou sur les rythmes scolaires, la partie publique de la campagne s’est résumée aux venues de deux autres candidats, Benoît Hamon à l’Espace Julien et Arnaud Montebourg pour un très modeste stand-up sur le Vieux-Port.

“Cette primaire était formatée pour Hollande, c’était une primaire de confirmation. Elle est devenue une primaire de renouvellement”, rappelle le premier secrétaire fédéral Jean-David Ciot. Or, l’enjeu de la mobilisation est central. Si le tremplin pour une candidature du président sortant n’avait pas besoin d’être très long, il en va autrement pour donner une dynamique à un outsider socialiste.

L’élu du pays d’Aix estime à 1,5 million le nombre national de votants nécessaires pour être “crédibles”. Soit environ 45 000 dans les Bouches-du-Rhône, là où 137 000 personnes s’étaient déplacées pour la primaire de droite. “À 2 millions ce sera déjà exceptionnel car nous subissons une séquence politique extrêmement dégradée, confirme Benoît Payan, soutien de Benoît Hamon. Nous ne sommes pas une force d’alternance, nous avons connu une hémorragie très forte de militants, on a perdu les élections intermédiaires les unes après les autres…”

“On va tous crever !”

Autre donnée : le vainqueur de la primaire sera encadré par les candidatures de Jean-Luc Mélenchon et d’Emmanuel Macron. Voilà donc le PS et ses alliés dans un contexte tel qu’un ex premier ministre, Jean-Marc Ayrault, évoque à voix haute un éventuel retrait au profit d’un de ces candidats – de préférence Macron – dans l’hypothèse où la “dynamique” serait davantage de son côté. “Le PCF ne s’imaginait pas s’aligner un jour sur Mélenchon”, approuve à sa manière Jean-David Ciot, qui soutient Manuel Valls mais défend une discussion rapide avec Emmanuel Macron. “Si on désigne un candidat qui arrive 5e du premier tour avec 6 %, comment on fabrique ensuite un groupe à l’Assemblée ?”

Car derrière la présidentielle, il y a les législatives et la perspective de candidatures multiples. “On est tous en train de se mettre un flingue sur la tempe. Mais on va tous crever !”, alerte Marie-Arlette Carlotti, qui ne cache pas être “la plus menacée” localement. Derrière le débat d’idées, nombreux sont ceux qui, comme elle, avancent donc des considérations stratégiques. “Pour moi Vincent Peillon incarne le cœur du parti, autour duquel on peut se retrouver. Je suis inquiète s’il n’était pas au second tour qu’il y ait un écart trop grand entre les deux candidats qui resteraient. Il a été le seul à dire depuis le début qu’il fallait aller au-delà de la primaire citoyenne, de Macron à Mélenchon, et il a tout de suite pris position contre les gauches irréconciliables.”

Face au “défaitisme ambiant”, l’élue aixoise Gaëlle Lenfant veut croire que “le candidat socialiste aura une légitimité que n’auront ni Macron ni Mélenchon. Aujourd’hui, tout le monde montre ses muscles, attendons l’après primaire.” Mais elle reconnaît que “l’une des grosses raisons pour lesquelles [elle] soutient Arnaud Montebourg, c’est pour sa capacité à rassembler la gauche”. Même s’il n’est pas sûr qu’Emmanuel Macron en fasse partie. “Emmanuel Macron c’est Monsieur X, je n’arrive pas à le géolocaliser”, lâchait Montebourg ce vendredi sur le plateau de La Provence. Candidate aux législatives dans une circonscription détenue par la droite, Gaëlle Lenfant a commencé à poser des jalons face au risque d’éparpillement de la gauche.

La gauche mutante

Pour couper court au risque d’écartèlement du parti, Benoît Payan précise que “malgré plein de points de désaccord avec Manuel Valls”, il fera campagne pour lui s’il sort vainqueur des primaires. “Celui qui a la paternité de cette idée des gauches irréconciliables porte une lourde responsabilité”, lâche-t-il toutefois. Et derrière sa description de la dynamique de la primaire sourd une critique des positions de l’ex premier ministre : “Si la primaire existe c’est parce qu’il y a Benoît Hamon. Sinon on aurait eu le burkini, l’autorité de l’État, la laïcité. Il a centrifugé les débats autour de ses propositions et s’il gagne il n’y a pas de raison qu’il ne continue pas.” Quant à ceux qui verraient dans une victoire de Benoît Hamon le coup d’envoi d’une fuite de nombreux cadres du parti vers Emmanuel Macron, il rétorque : “Allez courir l’aventure, nous garderons la maison.”

Pour sa part, Annie Lévy-Mozziconacci se dit désireuse de “créer un nouvel espace” autour du “pôle réformateur, progressiste” formé par Manuel Valls et Emmanuel Macron. “Les mutations sont nécessaires, il ne faut pas en avoir peur et je suis contente que ma gauche vive cette mutation”, ajoute la généticienne. Une conviction qu’elle applique à Marseille et dans les Bouches-du-Rhône. “J’ai l’impression que ce bouleversement peut amener des changements intéressants sur le plan local”, assure-t-elle.

Et voici qu’elle convoque l’exemple de Robert Vigouroux, successeur de Gaston Defferre qui a fait un carton plein à Marseille en 1989 dans une candidature dissidente aux accents de “société civile” et “d’ouverture”. “Il a surtout contribué à nous tuer en faisant passerelle avec la droite”, commente Marie-Arlette Carlotti. Et si c’était la leçon de Marseille pour Emmanuel Macron ?

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Commentaires

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  1. Jean-Paul Jean-Paul

    ” …Il a centrifugé les débats autour de ses propositions… ”
    Encore un joli contresens : la force centrifuge a pour effet de séparer les éléments qui lui sont soumis, et non pas de les resserrer autour de quelque chose.
    Pour cela, il faudrait employer la force centripète. Mais il faut reconnaître que le verbe ” centripéter “, outre qu’il s’agirait d’un néologisme, ne serait guère élégant. Et dont le sens pourrait être compris par certains comme le fait de casser le centre ou de sentir le Macron…
    Ceci dit, on ne peu pas trop en vouloir au jeune Payan qui n’a jamais quitté la mamelle du parti sous laquelle il a vu le jour et dont l’ancien mentor, le pôvre Guérini, n’était pas le mieux pourvu pour le faire accéder à la culture !

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Mme Carlotti se trompe de diagnostic. Ceux qui ont “surtout contribué à tuer” le PS, ici, ce sont l’appareil local et les élus du PS – du moins ceux qui tenaient le haut du pavé.

    RIP.

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    • julijo julijo

      oui RIP très certainement…encore que ils reposent comme ils veulent !!!!

      Oui encore, ce sont les ténors locaux qui ont beaucoup fait pour assassiner lentement et sûrement le PS… A Marseille, on a les noms et les faits ! et ils ont mis le paquet…

      Mais je crois quand même que ce PS social démocrate, ou démocrate libéral, ou social libéral…ou autre chose encore dans cette veine…doit son déclin, depuis quelques années au fait qu’il a le plus souvent le cul entre deux chaises, Hollande avec “mon ennemi c’est la finance” et la loi travail….comme exemple. Ce grand écart est flagrant et général quelque soit le sujet.
      Ils sont quelque soit la région, complètement hors sol depuis quelques années…que penser aussi de Collomb soutien de Macron à Lyon..,?

      Je crois sérieusement que ce qui a pourri le Ps se sont ses propres élus, un peu partout…le pot de confiture trop près, le pouvoir désinhibant….bref pas à la hauteur. Et même si la droite, c’est pire encore, la gauche ne mérite pas un PS comme ça.
      Par ailleurs, le “pole réformateur progressiste” de valls à macron me fait doucement marrer….en prend les mêmes et on recommence à côté !!
      Ils nous prennent beaucoup pour des nases quand même les politiciens professionnels !!

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  3. Manouchaparde Manouchaparde

    Annie Lévy-Mozziconacci évoque un pôle “réformateur progressiste” formé par Manuel Valls et Emmanuel Macron…
    Cela signifie que l’un se rallierait à l’autre ?
    Sur quels critères puisque l’un est candidat à la primaire de gauche et l’autre en dehors ?
    Et si c’est un autre candidat qui se retrouve en tête des primaires ?
    Est-ce le taux de participation qui conditionnera un éventuel ralliement ?
    Comme Electeur du 8e, je pense que sur notre territoire ce sont les ténors de l’appareil local qui ont contribué à tuer le PS.

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  4. LaPlaine _ LaPlaine _

    Les élus locaux du PS ont davantage surnagé dans le marigot politique plutôt que d’essayer de s’en extirper afin de proposer un discours d’unité crédible et fort digne d’un véritable esprit de (re) conquête. Ils ne sont tous, clairement pas à la hauteur, en tout cas pas plus hauts que les tristes sires actuellement en place.

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  5. leravidemilo leravidemilo

    On reste vraiment stupéfait de constater à quel point ils ne voient rien venir de choses tout à fait inévitables et donc fortement prévisibles (à quelques faibles incertitudes près concernant les délais). Ils ont complètement laissé la lucidité au vestiaire, même s’il m’arrive parfois de me dire in peto,qu’à ce point ce n’est pas possible et qu’ils nous la surjouent quelque peu.
    Ils ont pu durant 5 années pleines, nous appliquer, sous l’oriflamme de “mon ennemi c’est la finance”, une politique de droite, que même la droite n’avait pas vraiment osé, et même parfois emprunter directement dans le bréviaire de l’extrême droite (la déchéance de nationalité) pour prendre la droite à revers; Et de s’étonner aujourd’hui, que nombre de citoyens aient enfin compris, pour beaucoup, que ce n’était pas ça, en aucun cas, la gauche et, pour beaucoup d’autres que pour faire ça, y’avait pas besoin d’eux, que fillon ou tartanpion le feraient très bien merci.. (bref, on le savait déjà mais ils confirment qu’ils nous prennent vraiment pour des nazes).
    ça leur fait tout drôle de se retrouver, bien légitimement, moribonds et explosés, savent plus quoi dire : l’une est “contente” de la “mutation” explosive, l’autre, enfin lucide, s’écrie “on va tous crever”, le troisième regrette son propre formatage et tente encore de nous faire croire que la primaire serait plus sexy si hollande en était!!! Quand il n’essaie pas de se convaincre qu’il ne s’agit que “d’une séquence…extrêmement dégradée” qu’ils subiraient, alors qu’ils en sont les premiers acteurs.
    Bon, quant au diagnostic de” la mort à ses trousses”, c’est un peu discutable, elle les a déjà bien attrapés par la manche, si ce n’est par le collet… Car il en est ainsi des institutions qui ne meurent jamais comme un organisme biologique, et auxquelles ne s’applique pas la maxime de La Palisse sur la vie et la santé juste avant la mort. Bon nombre d’entre elles font encore mine d’être encore en vie, bien après leurs trépas; La phase de décomposition /recomposition (à la va comme je te pousse) est déjà largement entamée.
    Ne le dite à personne ( l’hiver est déjà bien assez déprimant comme ça) mais nous sommes pas mal cernés, depuis déjà quelques temps, par des zombies!

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