Pourquoi les Lyonnais rentrent aouf dans nos musées
Pourquoi les Lyonnais rentrent aouf dans nos musées
Entre Lyon et Marseille, il existe un privilège réciproque. Un secret de polichinelle gardé bien au chaud, dont seuls les citoyens avertis peuvent jouir. La gratuité réciproque de l'entrée dans les musées municipaux pour les Marseillais et les Lyonnais, sur simple présentation d'un justificatif de domicile ou d'une pièce d'identité. A Marseille, douze musées sont concernés (1), tandis qu'à Lyon, ils sont au nombre de six (2).
Une zone d'ombre sujette à tous les fantasmes subsiste quant à l'origine de cet avantage. De Christine Poullain, directrice des musées de Marseille, qui se contente d'un laconique "ce ne sont que des rumeurs", à Jean Contrucci, écrivain, fin connaisseur des arcanes marseillaises qui s'excuse avec humour "d'être aussi minable", peu sont capables de se prononcer. Une chose est sûre, du moins pour Jean-Pierre Zanlucca, délégué syndical à la FSU, "quand j'ai commencé à travailler dans les musées marseillais, voilà une trentaine d'années, la mesure existait déjà".
Nouvelles galeries
Une légende urbaine persiste tel le bourdonnement intarissable de la clameur des poissonniers qui imprègne encore les murs de la Criée. "Cela viendrait peut-être de l'incendie des Nouvelles galeries en 1938", raconte Daniel Hermann, l'adjoint à la culture de la ville de Marseille.
Le 28 octobre 1938, jour funeste dans les annales marseillaises. Le crime organisé règne alors sur la ville, plongée dans un marasme politique. En début d'après-midi, le Mistral souffle fort sur la Canebière. Un incendie démarre, ravageant rapidement le magasin des Nouvelles galeries. Edouard Herriot, alors maire de Lyon et président de l'Assemblée nationale, est ce jour-là au parc Chanot aux côtés d'Edouard Daladier, président du Conseil, à l'occasion du 35e congrès du Parti républicain radical et radical-socialiste. Le maire marseillais Henri Tasso est lui un fervent partisan des acquis sociaux du Front populaire.
Face à des pompiers marseillais mal équipés, mal organisés et impuissants devant la puissance du feu, Edouard Daladier s'écrit "qui commande ici ? Il n'y a donc pas de chef, pas un homme pour diriger ? c'est lamentable". Des marins-pompiers de la Marine nationale basés à Toulon sont appelés en renfort, ainsi que des équipes de Salon-de-Provence, Arles et Nîmes. Edouard Herriot fait venir les sapeurs-pompiers de Lyon par train spécial. L'incendie maîtrisé cause la mort de 73 victimes. Henri Tasso est démis de ses fonctions, la ville est mise sous tutelle d'un administrateur extraordinaire le 22 mars 1939. Cette décision sonne comme un règlement de compte politique. La thèse de l'accident est retenu, tandis que circulent celles de l'incendie criminel ou de l'escroquerie à l'assurance. Ce fait-divers signe également l'acte de naissance des marins-pompiers de Marseille.
"Pour remercier les pompiers de Lyon, les deux villes auraient mis en place cette réciprocité", raconte l'élu. Pourtant, les pompiers lyonnais arrivent seulement dans la nuit du drame, se contentant de participer au nettoyage et au déblai du site. Si le sinistre avait signé l'acte de naissance de la gratuité, n'aurait-il pas été logique d'instaurer la même réciprocité avec la ville de Toulon, qui avait envoyé près de 32 marins-pompiers ?
14 février 1997
Le plus probable tout de même reste la charte conservée dans les archives municipales de Lyon et signée le 14 février 1997 par Raymond Barre (alors maire de Lyon) et Jean-Claude Gaudin (déjà amiral du navire marseillais). Cette charte de coopération entre les deux villes encourage des échanges économiques, politiques, sociaux et culturels de ce type.
Christine Tollet, responsable du développement et des questions internationales à la direction des affaires culturelles de la ville de Lyon, est formelle, "c'est politique, cela date du temps des deux maires Jean-Claude Gaudin et Raymond Barre. Ils ont signé cette charte pour pousser les deux villes à se rapprocher et faire connaître la culture, en quelque sorte pour favoriser une découverte réciproque. Marseille et Lyon se sont toujours regardées avec un air goguenard et amusé. La procédure est légale mais enfin…C'est quand même un peu gênant par rapport aux autres villes et par rapport aux habitants qui paient pour visiter leurs propres musées." Il est vrai que les Marseillais qui veulent par exemple visiter la Vieille Charité devront eux, payer leur entrée.
Autre source de tension, toute relative soit-elle, "les privilèges ne sont pas les mêmes : à Marseille, la gratuité pour les Lyonnais concerne essentiellement des expositions permanentes, tandis qu'à Lyon, les expositions temporaires sont également concernées… mais enfin, c'est vrai que les musées marseillais sont également plus nombreux." Les expositions temporaires de Marseille-Provence 2013 ne devraient pas être concernées. En tout cas, mieux vaut en profiter avant que cette gratuité ne devienne elle-même une légende urbaine, aux dires de Christine Tollet : "pas sûr que cela continue en 2014, cela dépendra des maires élus".
(1) A Marseille, 12 musées sont concernés :
– Le Musée des Beaux-Arts
– Le Musée de la Faïence
– Le Musée Cantini
– Le Centre de la Vieille Charité/Musée d'archéologie méditerranéenne/Musée d'Arts Africains, Océaniens, Amérindiens
– Le Musée des Docks Romains
– La Galerie des Transports
– Le Musée Grobet-Labadié
– Le Musée d'histoire de Marseille
– Le Musée du Vieux Marseille
– Le Préau des Accoules
– Le Musée de la Mode
– Le Musée d'Art Contemporain, galeries contemporaines des musées de Marseille.
(2) A Lyon, 6 musées sont concernés :
– Le Musée des Beaux-Arts
– Le Musée d'Art Contemporain
– Le Musée Gadagne
– Le Musée de l'Automobile Henri Malartre
– Le Musée de l'Imprimerie et de la Banque
– Le Centre d'Histoire de la Résistance et de la Déportation.
Commentaires
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Il n’y a pas de marins pompiers à Lyon mais des sapeurs pompiers. Par ailleurs, ce ne sont pas des marins pompiers de Toulon, ville qui dispose d’un corps de sapeurs pompiers, qui sont venus mais des marins pompiers de la Marine nationale, basés à Toulon.
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Super ! J’en profiterai dès mon prochain passage à Lyon.
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Abracadabrantesque….après il n’y a pas lieu de s’étonner des déficits annoncés pour certaines,et non des moindres,manifestations culturelles !!!! A MARSEILLE,rien ne changera donc jamais ?
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C’est parfaitement exact. Bon article historique : je me suis régalé.
Entendu à LYON à l’expo temporaire au MAC ” Robert COMBAS” !! : “vous êtes Marseillais ? .. c’est gratuit ” . J’étais médusé. L’expo exceptionnelle prenait les 4 étages du MAC !
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