Pour la première fois, la justice marseillaise envoie des marchands de sommeil en prison

Actualité
le 24 Jan 2024
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Poursuivis pour soumission de personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indigne, l'ancien policier Gérard Gallas et son complice se sont vus infliger des peines de prison ferme et des centaines de milliers d'euros d'amende. Ce jugement présenté comme exemplaire offre la preuve que l'arsenal législatif est efficace, s'il est assorti de moyens d'investigation suffisants.

Gérard Gallas face au tribunal. Dessin : Ben8
Gérard Gallas face au tribunal. Dessin : Ben8

Gérard Gallas face au tribunal. Dessin : Ben8

Unbelievable [incroyable,ndlr] !” Les trois anciens locataires de Gérard Gallas, au 85 boulevard Viala (15e), ont du mal à croire ce que leur rapporte leur avocat, Aurélien Leroux. Leur ancien propriétaire contre qui ils avaient eu le courage de témoigner en novembre dernier, vient d’être condamné à cinq ans de prison, dont quatre ferme. Son homme de main, absent du procès, Faissoili Aliani, écope également de quatre ans de prison ferme. À ces peines de prison prononcées pour soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indigne et mise en danger d’autrui, s’ajoutent de fortes amendes, pour les deux hommes, et les diverses sociétés immobilières qui servaient de véhicules à leur appât du gain.

Hospitalisé ce mercredi, Gérard Gallas est incarcéré depuis plusieurs jours en détention provisoire pour des faits supposés de séquestration et de viol envers sa compagne. Il n’était pas présent lors du prononcé du jugement. Quant à Faissoili Aliani, il est toujours introuvable, alors que plusieurs témoins affirmaient l’avoir aperçu à Marseille avant le procès. Les avocats de Gérard Gallas, qui a eu tant de mal à reconnaître l’étendue de sa responsabilité lors du procès, ne pouvaient que souligner le caractère “exemplaire” des peines prononcées.

600 000 euros d’amendes et de dommages et intérêts

Dans les motivations que Marsactu a pu consulter, le tribunal détaille les condamnations conjointes des deux hommes. Outre une amende de 75 000 euros, le propriétaire indigne, par ailleurs ancien policier, se voit confisquer ses deux immeubles, évalués à 500 000 et 684 000 euros, ainsi qu’une assurance-vie pour un montant de 220 000 euros. À cela s’ajoute les quelque 300 000 euros, qu’il aura à verser aux parties civiles. Et trois amendes de 100 000 euros dont il devra s’acquitter en tant que gestionnaire des sociétés immobilières. Le tribunal a demandé l’exécution provisoire de toutes les peines ainsi que l’émission de mandats d’arrêt pour les deux hommes.

Très clairement, la justice a voulu prouver sa capacité à poursuivre ceux que l’on appelle communément les marchands de sommeil. Le caractère exemplaire, implacable à la lecture des motivations, est renforcé par la publication ordonnée par le tribunal d’un communiqué résumant les méfaits des deux hommes dans La Provence.

Les immeubles, divisés pour “maximiser la rentabilité locative” comptaient une “centaine de logements insalubres dont la superficie était parfois inférieure à 9 mètres carrés”, peut-on y lire. “Des familles avec des enfants en bas âge, des femmes enceintes ont notamment été exposées à des infiltrations d’eau et à des risques électriques majeurs du fait d’installations électriques non conformes”, précise encore le texte à paraître.

“Il y a une justice en France”

Longue barbe et cheveux courts, Adnan Bouzaiene n’en revient pas. Il faisait partie des locataires de la villa, sise rue Amélie au Canet, qui ont subi “un véritable enfer” du fait des infiltrations d’eau permanentes et du manque d’entretien. En novembre dernier, il était venu décrire le quotidien que son propriétaire lui faisait subir. “Cela prouve qu’en France, il y a une justice. Et sans elle, il n’y a pas de démocratie, se réjouit l’ancien locataire de Gallas. Je suis surtout content pour mes cinq enfants qui ont souffert de cette situation de mal logement“.

“C’est un message adressé à tous les marchands de sommeil”, se félicite Margot Bonis qui, avec les autres militants du réseau hospitalité, a patiemment accompagné les victimes jusqu’à les convaincre de venir témoigner. “Cela ne doit pas nous faire oublier que si les personnes les plus vulnérables sont contraintes de se loger dans ces conditions, c’est que l’État et en particulier l’OFII [office français de l’immigration et de l’intégration, NDLR] n’assument pas leur rôle. Cela encourage les effets d’aubaine pour tous les marchands de sommeil. Et des Gérard Gallas, il y en a d’autres”. L’association de soutien aux demandeurs d’asile se voit reconnaître son statut de partie civile tout comme l’association Un centre-ville pour tous. Elles percevront l’une et l’autre un euro symbolique de dommages et intérêts, ainsi que le remboursement des frais d’avocats.

Notre mobilisation avait pour objectif principal de sortir ces victimes de l’invisibilité dans laquelle le système les place : par crainte de représailles de la part des marchands de sommeil dont elles sont victimes, et, par crainte d’être arrêtées, car sans titre de séjour, pour certaines, écrivent les deux associations dans un communiqué commun. L’impunité des marchands de sommeil, c’est fini !

Un arsenal législatif déjà efficace

Également partie civile, la Ville se voit reconnaître son statut de victime. Elle percevra près de 54 000 euros au titre du préjudice financier et 5 000 euros pour le préjudice moral. Au printemps, le maire de Marseille, Benoît Payan avait annoncé que sa collectivité se porterait systématiquement partie civile dans les affaires d’habitat indigne. La municipalité a multiplié les signalements auprès du parquet ces dernières années. L’affaire Gallas a d’ailleurs débuté par un signalement des services d’hygiène de la Ville après un incendie dans une des propriétés de l’intéressé, boulevard de la Martine.

En revanche, le jugement rendu ce mercredi est un parfait démenti des difficultés de la justice à faire reconnaître et condamner les agissements des marchands de sommeil. Benoît Payan avait présenté, à la veille du procès Gallas, une proposition de loi qu’il souhaitait voir défendre à l’Assemblée par les parlementaires marseillais. Récemment, le gouvernement avait qualifié d’“inopérante” la définition des marchands de sommeil proposée par le maire de Marseille. En plus de durcir les peines encourues, Benoît Payan souhaitait voir condamner, le fait de commercialiser un logement indigne.

En allant plus loin que les réquisitions, le tribunal correctionnel signifie que les dispositions législatives existantes permettent d’ores et déjà de mettre fin aux agissements de ceux qui “allient la volonté de rentabilité maximale à l’exploitation de la vulnérabilité des personnes“, comme le disait le juge Pascal Gand à propos de Gérard Gallas. Un durcissement des peines, notamment pour la soumission de personnes vulnérables à des conditions d’hébergement indigne, pourrait découler du travail parlementaire à venir.

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Commentaires

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  1. diasdominique diasdominique

    En plus il faut beau aujourd’hui à Marseille.
    “Je suis surtout content pour mes cinq enfants qui ont souffert de cette situation de mal logement”.
    Bel article.
    C’est vraiment une belle journée !

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  2. julijo julijo

    belle nouvelle effectivement.
    une condamnation quasi exemplaire, et à la hauteur.

    dès qu’on aura un ministre du logement, on peut peut être espérer des améliorations pour le logement social

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      Un saint homme, ce Gérard Gallas, qui semble avoir autant de respect pour sa conjointe que pour ses locataires.

      N’espérons pas trop, cependant, d’un futur ministre du logement : si la priorité actuelle était au logement social, cela se verrait. Surtout dans notre région, où une proportion notable du personnel politique est soucieuse de loger le plus loin possible, voire de ne pas loger du tout, les candidats à ce type de logements.

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  3. Alceste. Alceste.

    Enfin !!!!!!!!!

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  4. Mathieu Trigon Mathieu Trigon

    Vu le pedigré du marchand de sommeil également en prison préventive pour viol sur conjoint (donc présumé innocent), il serait intéressant de se pencher sur sa carrière dans la… Police.

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  5. Gabriel Gabriel

    Le comble pour un marchand de sommeil : dormir à l’ombre aux frais du contribuable.

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  6. Oscurio Oscurio

    Enfin une bonne nouvelle !!

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