Pollution : des riverains du port déposent plainte pour mise en danger de la vie d’autrui

Actualité
le 2 Mar 2023
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25 riverains du Grand port maritime de Marseille ainsi que deux associations de défense de l'environnement ont déposé plainte contre X pour, entre autres, mise en danger de la vie d'autrui. Cette plainte vise la pollution de l'air, mais aussi de la mer, émise depuis l'enceinte du port.

Des bateaux de croisière dans le port de Marseille à l
Des bateaux de croisière dans le port de Marseille à l'été 2022. (Photo : JV)

Des bateaux de croisière dans le port de Marseille à l'été 2022. (Photo : JV)

“On ne peut pas laisser les gens mourir comme ça !”. Michèle Rauzier a l’habitude des caméras et des journalistes. Voilà plus de vingt ans qu’elle mène un combat, principalement médiatique, contre la pollution de l’air qui émane du Grand port maritime de Marseille. Âgée de 73 ans, cette riveraine de Mourepiane est aujourd’hui devant la presse pour annoncer un tournant dans ce combat : avec 24 autres particuliers, elle a déposé ce mercredi matin une plainte contre X pour, entre autres, mise en danger de la vie d’autrui.

“J’ai encore une amie qui vient de m’annoncer qu’elle avait un cancer des voies respiratoires. Alors oui, il y a des cancers de partout. Mais ce n’est pas la seule dans le quartier, et dans un si petit espace, pour autant de gens qui n’ont abusé de rien, ça fait beaucoup”, poursuit-elle. Dépôts de résidus noirs dans leurs habitations, difficultés respiratoires, apparitions de pathologies pulmonaires et cardiovasculaires, allergies, maux de tête, nuisances sonores… Pour Michèle Rauzier, le responsable n’est autre que son voisin, le Grand port maritime de Marseille, qui laisse faire les armateurs. “Je ne suis rien face à Carnival [l’un des plus gros armateurs mondiaux, ndlr] mais je veux acculer le port à prendre des décisions, à accélérer l’électrification à quai”, insiste-t-elle.

“On veut de l’air plus propre !”

Avocats, riverains et associations de défense de l’environnement ont donné une conférence de presse ce mercredi. (Photo : VA)

À ses côtés, plusieurs associations sont venues prendre part à cette action en justice, comme le collectif Stop croisières et Cap au Nord. “On veut de l’air plus propre ! Nous avons fait des manifestations, des comptes rendus de concertation, maintenant, on veut passer au cran supérieur”, lance Marie Prost-Colette, présidente de l’association Cap au Nord. “Rien ne se fait ou trop lentement. Nous voulons qu’une enquête soit menée pour recueillir des données et obtenir plus de transparence sur le port”, abonde Gwënaelle Menez pour Alternatiba, qui a aussi déposé plainte.

La plainte commune insiste sur la particularité de la pollution maritime. “Avec sa concentration en oxyde de soufre (SOx), oxyde d’azote (NOx) et particules fines”, le fuel lourd, utilisé comme carburant par les navires, est “3500 fois plus polluant que le diesel et l’essence”, peut-on y lire.

Parmi les plaignants, on retrouve des habitants de l’Estaque mais aussi du Panier.

Les auteurs du document citent également le conseil économique, social et environnemental : “Au niveau sanitaire, les SOx provoquent des maladies respiratoires, les NOx peuvent causer des décès chez l’homme en se substituant à l’oxygène dans le sang, les particules fines et composées organiques volatils sont nocifs sur le plan respiratoire.”  Pour Aurélien Leroux, l’un des avocats chargé de cette plainte, les habitants du secteur sont tout à fait légitimes à engager ces poursuites : “Il peut y avoir des atteintes à l’intégrité physique. On retrouve dans les dépositaires une majorité d’habitants de l’Estaque mais aussi du Panier qui sont directement concernés par la pollution atmosphérique”.

“Marseille cristallise de grandes inquiétudes”

Cette pollution serait, selon les plaignants et contrairement à ce que l’on entend parfois, toujours très importante dans l’atmosphère marseillaise. “Même si les teneurs en polluants dans l’air baissent, des dépassements de seuils réglementaires de qualité de l’air fixés pour la protection de la santé humaine persistent, en particulier pour l’ozone, le dioxyde d’azote et les particules fines”, écrivent les avocats en citant un rapport du ministère de la Transition écologique sur la qualité de l’air en France datant de 2021. “Or, écrivent-ils encore, ces particules et dioxydes sont particulièrement présents dans les émissions des navires.”

Et les dépositaires de rappeler les condamnations de l’État français par la cour de justice européenne, en 2019 et 2022, pour notamment le dépassement “de manière systématique et persistance” de la valeur limite pour le dioxyde d’azote. “Marseille est l’une des zones qui cristallisent les plus grandes inquiétudes”, indique même le dernier jugement.

Les mesures effectuées par des riverains laissent penser que les navires contribuent fortement aux pics de pollution.

Tandis que les mesures pour évaluer la pollution émise dans l’enceinte du port manquent – aucun capteur officiel présent à moins de deux kilomètres du port – des riverains membres de l’association Cap au Nord ont procédé eux-mêmes à des mesures, écrivent encore les dépositaires. Comme ce 27 février, où un pic de pollution a été constaté à 11 h 30, “quand le trafic routier est négligeable, mais que des navires manœuvrent”.

Écocide ?

La plainte déposée au tribunal judiciaire de Marseille va plus loin. “Nous visons également la pollution de la mer, avec notamment les infractions de mise en danger de l’environnement, et d’écocide, qui sont des nouvelles infractions du code de l’environnement”, explique Isabelle Vergnoux, également avocate. Le rejet en mer de substances nuisibles pour la flore et la faune marine est ainsi visé. “Cette pollution provient d’une part des rejets des eaux usées non traitées, d’autre part, et surtout du rejet d’eau polluée par des systèmes de nettoyage des fumées d’échappement, dits scrubbers ou épurateurs”, peut-on encore lire dans la plainte. Ces rejets d’eaux chargées en métaux lourds constituent un réel danger pour l’environnement et “tombent sous le coup de la loi pénale”, estiment les plaignants.

Si l’écocide, qui se caractérise par une action volontaire de nuire à l’environnement, risque d’être difficile à démontrer, les avocats gardent bon espoir pour les autres motifs invoqués, notamment lorsqu’ils regardent du côté de Fos-sur-Mer. En 2018, plusieurs associations et 300 riverains y ont déposé une plainte contre X, aussi pour “mise en danger de la vie d’autrui” : celle-ci fait l’objet d’une information judiciaire. La procédure marseillaise, si elle n’est pas classée sans suite, sera longue. Michèle Rauzier le sait, mais après vingt ans de combat contre les fumées des paquebots qu’elle voit depuis sa fenêtre, elle n’a plus rien à perdre.

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Petit conseil gratuit : éviter à tout prix les terrasses des Terrasses du Port et autres “rooftops” On croit y respirer l’air marin, mais on s’y massacre les poumons. Et surtout n’y emmenez pas d’enfants !

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    • barbapapa barbapapa

      Laisser ouvertes ces terrasses est assurément de la mise en danger de la vie d’autrui, et en toute connaissance de cause !

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  2. Andre Andre

    L’Etat devrait englober l’Estaque et Mourepiane dans son périmètre crit’air…

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  3. Fabienne Fabienne

    Je n’arrive pas a comprendre comment, avec tous les projets innovants dans le maritime qui émerge, voiliers-cargos, démantèlement hi-tech/propre etc, on se retrouve encore avec ces paquebots qui contribue que la pollution avec leur modèle économique low cost. On pourrait avoir une site industriel innovative. Les mecs gagnerait bien plus avec plus de travail. A entendre Muselier a ce sujet on reste sur nos 30 ans de retard. Et au passage remettre les quelques accès a la mer que le port a fermé ces dernières années.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      les voiliers-cargo ont besoins d’énergie : éclairage, frigo …en mer et au port, d’un moteur pour les jours sans vent ou par vent contraire pour les manœuvres de port .

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    • Fabienne Fabienne

      Oui, ok certainement vrai. C’est juste un peu dommage si le port fini comme parc de bureaux vendu a des promoteurs, ou les jobs consisteront de servir des cafés.

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  4. Piou Piou

    Et y a encore des gens pour rêver de croisières en paquebots…

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  5. mrmiolito mrmiolito

    La pollution de l’air due aux navires à l’escale est une réalité, mesurable et mesurée avec des capteurs ! C’est donc dommage d’affaiblir l’argumentaire avec des contre-vérités : le fioul lourd n’est plus autorisé à l’escale depuis des années, et le scrubber à boucle ouverte est très probablement interdit aussi dans le Port.
    Si cette plainte impute aux paquebots des nuisances qui n’existent qu’en haute mer, oui, c’est mal visé et contre un bon avocat, elle a toutes les chances de se crasher, alors que… retour à ma première phrase !

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  6. Jack Jack

    Je propose une pétition

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  7. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Intéressante actualité, qui se télescope avec la contestation croissante, à Marseille mais pas seulement, des ZFE.

    C’est en effet compliqué d’expliquer à des gens qui ont l’interdiction d’utiliser leur voiture mais ne peuvent pas en changer que, juste à côté d’eux, des navires peuvent cracher des fumées noires dans l’atmosphère sans aucune sanction.

    Tant que polluer coûtera moins cher que ne pas polluer, parce que les externalités négatives sont collectivisées, nous aurons des débats infinis sur le caractère “punitif” des mesures écologiques (étant entendu que respirer un air pollué est, à mon sens, punitif aussi, et parfois tragiquement punitif).

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    • Alceste. Alceste.

      8eme , bonjour.
      Marsactu s’est fait l’écho de contrôles sur les fumées de navires il y a une dizaine de jours.
      L’étude concluait par une non constatation de dérives des bateaux , bien au contraire.
      J’ai posé la question suivante : tout ce barouf pour rien , ou alors sommes nous pris pour des quiches ?.
      I’m still waiting the answer .

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    • Pascal L Pascal L

      La réponse est : on nous prend pour des quiches !

      On ne mesure que le taux de souffre alors forcément plein de véhicules sont conformes (ça vaudrait aussi pour les voitures et camions).
      Que l’on mesure enfin sérieusement le taux de particules fines et qu’on arrête de se moquer du citoyen.

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      Les véhicules électriques émettent eux aussi des particules fines ils seront soumis au contrôle technique en 2025

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  8. Alceste. Alceste.

    Oui je faisais référence à cet article qui me laisse interrogatif voire dubitatif..

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  9. Fabienne Fabienne

    Ce n’est parce qu’un navire est “conforme” qu’il ne pollue pas comme des dizaines de milliers de caisses. Le problème est que nombre de grands navires a tellement augmente entre 2000 et maintenant, 7 paquebots a quai tous au normes… Puis il me semble qu’il avait des histoires de scrubbers ouverts en entrant au port ou même dans le port, illegale ou pas, je parie que le port de contrôle rien.

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    • Alceste. Alceste.

      Donc , il faut une explication claire des chiffres, des modalités d’échantillonnages et surtout une évaluation de la véracité des interprétations, et ne pas rester sur des interprétations .

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  10. Marc13016 Marc13016

    J’habite dans le secteur, je dois dire que certains matins quand je mets le nez dehors, il m’envoie des informations d’alerte olfactive, et mes pauvres poumons me disent de pas trop respirer !
    La justice, des fois, ça marche. Si c’est long, autant commencer de suite.
    N’y a t il pas possibilité d’une action collective ? je ne sais plus trop où en est ce dispositif de “Mass Action” à la française. ça serait le moment de l’utiliser.
    Si quelqu’un a un lien ou des infos …

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  11. Pascal L Pascal L

    “aucun capteur officiel présent à moins de deux kilomètres du port” dit l’article.
    La première chose serait d’obtenir que des mesures fiables et “garanties” de divers polluants dont les particules fines et très fines soient effectuées à 3 ou 4 endroits de la Joliette à l’Estaque et que les résultats de ces mesures soient accessibles au public.
    On a l’impression que les services de l’État, dont la DREAL, nous enfument également mais d’une autre manière !

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    • Alceste. Alceste.

      En d’autres termes, l’article cité par ailleurs et repris ici n’a donc aucune valeur hors mis de délivrer une fausse information ou plutôt une information qui fait plaisir au GPMM ou bien au club de la croisière voire à la mairie

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