Police, culture : quand Sarkozy nomme des proches à Marseille

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le 5 Jan 2011
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 » N’y a-t-il donc personne pour faire régner l’ordre dans cette ville  » c’est la fameuse phrase que prononça Edouard Daladier, Président du Conseil, le 28 octobre 1938, alors qu’il assistait à l’incendie des Nouvelles Galeries sur la canebière, étant de passage à Marseille pour le congrés de son parti, et était effaré par la désorganisation des équipes de secours. Ce terrible drame, qui fit 73 victimes, va entrainer la mise sous tutelle par l’état de la ville de Marseille. Le maire de l’époque, Henri Tasso et son conseil municipal seront dessaisis de leurs pouvoirs au profit du préfet nommé par l’état, le 20 mars 1939. Ce n’est que le 30 août 1944, après sa libération, que Marseille retrouvera un maire aux pleins pouvoirs, un jeune avocat résistant, Gaston Defferre.
En grand amateur d’anecdotes sur sa ville, et en ancien Prof d’histoire, Jean-Claude Gaudin fait régulièrement référence à cet épisode de la vie politique marseillaise. Ce cauchemar de Gaudin ne pourrait sans doute plus se produire aujourd’hui, mais malgré tout, deux récentes nominations viennent néanmoins nous rappeler que l’avenir de la ville se décide de plus en plus rue du Faubourg Saint- Honoré, plutôt que quai de l’Hotel de Ville.

Gilles Leclair, le choix de Bernard Squarcini

D’abord celle du nouveau Préfet de police, Gilles Leclair qui va remplacer le 17 janvier prochain l’actuel détenteur du poste, Philippe Klayman débarqué le 22 décembre dernier, lors du dernier conseil des ministres de l’année. Klayman va devenir préfet délégué pour la sûreté de l’aéroport de Roissy. « Un placard pour les uns, une promotion pour d’autres« , comme le titre ce matin La Marseillaise. Ce qui est certain en revanche, c’est que Gaudin n’a pas vu le coup venir, c’est le moins qu’on puisse écrire.

Quand Brice Hortefeux était venu faire quelques belles images pour le 20 heures de Claire Chazal à Marseille, suite aux événements du Clos La Rose, le ministre de l’intérieur avait spontanément proposé à son ami Jean-Claude la tête du préfet de police Philippe Klayman. Ca se fait dans ces cas-là, surtout en Sarkozie, et cela aurait également amélioré le bien maigre plan de mesures avec lequel il était descendu de Paris. Mais aussi fait bien plaisir au tout nouveau Préfet de Région, Hugues Parant, qui trouvait que son atypique préfet de police, énarque comme lui, et qui plus est chiraquien, pouvait lui faire de l’ombre.

Mais Gaudin va refuser. Il apprécie Klayman, qui a su faire le consensus chez l’ensemble des élus marseillais, critère fondamental pour l’homme de Mazargues, et dont la première femme a été sa chef de cabinet quant il était ministre de la Ville. Et Gaudin est fidèle. Du coup, Brice va remonter dans son Falcon sans la tête du Préfet dans son attaché-case.
Mais comme l’a révélé hier Olivier Jordan Roulot, rédacteur en chef du quotidien 24 Ore, l’Elysée a néanmoins décidé de se passer de l’avis du maire de Marseille, et de nommer un Préfet sûr, compte-tenu du climat actuel marseillais.

Car ce n’est pas du côté des quartiers nords qu’on s’inquiète en réalité à Paris, mais plutôt du côté de la place Montyon, au Palais de Justice de Marseille. « A l’évidence, Paris tient à avoir l’oeil sur les affaires marseillaises – et ses développements insulaires. Le dossier du PS phocéen apparait comme le plus explosif de ces 50 dernières années, tant il met le doigt sur un système délétère. Marseille c’est aussi toute une batterie d’affaires considérées comme très sensibles au plus haut niveau de l’état. Qu’il s’agisse de celle de la SMS, ou encore du cercle Concorde », écrivait hier notre confrère corse. C’est donc Gilles Leclair, actuel coordinateur des services de sécurité en Corse, un vrai flic, qui va donc remplacer le pauvre Klayman. Et 24 Ore de conclure : « Et beaucoup de voir derrière ce mouvement la main de Bernard Squarcini, le patron de la DCRI » (Direction Centrale du Renseignement Intérieur).

Un Squarcini, qui fait partie du premier cercle du Président, et qui redouterait que, à quelques encablures des prochaines présidentielles, la boite de pandore des affaires marseillaises, déjà grande ouverte, et les futurs procès marseillais qui seront assurément très médiatisés, comme celui du cercle Concorde, apportent quelques dégâts collatéraux à droite et chez des proches de son champion. Et afin de voir venir les coups, le Squale a préféré mettre des hommes à lui. Et tant pis pour Gaudin.

Macha Makaïeff le choix de l’Elysée

Dans un genre beaucoup plus léger, mais tout aussi significatif de la perte d’influence de Gaudin sur les affaires de sa ville, il y a la récente nomination de Macha Makaïeff comme directrice du théâtre de la Criée. Comme le théatre du Vieux-Port est un CDN (centre dramatique national), il est donc essentiellement financé par l’Etat et c’est le ministre de la Culture qui en théorie, nomme seul son directeur. Mais en pratique cela se fait toujours avec l’accord du maire de la ville, surtout quand il s’appelle Jean-Claude Gaudin.

Pourtant, comme marsactu vous l’avait révélé à l’époque, Gaudin avait une première fois lamentablement échoué en essayant de pistonner pour ce beau job Robert Cantarella, le frère de son ami de 40 ans le député Jean Roatta. Devant la fureur des milieux culturels, et malgré l’insistance de son ami Jean-Claude, Frédéric Mitterrand botta en touche et dû officialiser un véritable appel à candidature.

Cantarella rapidement out, ainsi que le comédien un temps candidat Simon Abkarian, il ne restait dans la short-list plus que 2 postulants : Macha Makaïeff et Catherine Marnas, la régionale de l’étape. Car même si Macha Makaïeff est née à Marseille et si elle sort du conservatoire d’art dramatique de la place Carli, elle a fait l’essentiel de sa carrière à Paris, avec son mari Jérôme Deschamps, comme auteur et metteur en scène. Cette touche à tout, car elle est aussi plasticienne (elle fait les costumes de -M-), cinéphile (elle réhabilite les films de Monsieur Hulot) aura connu la médiatisation grâce aux Deschiens qu’elle dirigera avec Deschamps à la grande époque de Canal Plus. Mais elle s’était malgré tout rapprochée récemment de la région en ayant dirigé, toujours avec Deschamps, le théâtre de Nimes, de 2003 à 2008. C’est le maire de Nimes, l’UMP Jean-Paul Fournier qui mit fin brutalement à leur contrat en décembre 2008. « Tout cela ne s’est pas fait avec beaucoup d’élégance » avait-elle déclaré à l’époque. Elle était depuis à la recherche de la direction d’un grand théâtre, et l’avait fait savoir auprès de ses nombreux et puissants réseaux.

Autre profil pour sa concurrente Catherine Marnas. Moins connue, elle a néanmoins un long parcours de metteur en scène, également dans un répertoire consacré exclusivement au contemporain. Elle s’est surtout, et depuis longtemps très impliquée dans la région, en tant qu’artiste associée à La Passerelle à Gap, et aux Salins à Martigues. Et sa compagnie Parnas est très soutenue par le Conseil Régional PACA. Un profil beaucoup plus rassurant donc pour Gaudin, qui avait même pour la première fois réussi à ce que la Région justement vienne
financer la Criée, en ayant passé un accord avec Patrick Mennucci, vice-président à la Culture auprès de Michel Vauzelle et aussi maire du 1/7 à Marseille, où se trouve le théâtre. Un profil d’autant plus seyant au maire de Marseille que Catherine Marnas, bien au fait des réalités économiques locales, souhaitait rester dans des ambitions culturelles et financières modestes pour ce théâtre bien malade. Un positionnement diamétralement opposé à celui de Macha Makaiëff, qui souhaitait elle placer la barre très, très haut, à la fois en terme créatif et budgétaire.

Pour Gaudin, la messe était dite. Un petit coup de téléphone à Fredo, et l’affaire était pliée, la « pipôleu de Paris » pouvait reprendre le TGV, et rejoindre ses amis bobos. Et Gaudin de se répandre un peu vite dans Marseille sur le choix, « son choix », qui allait être annoncé pour La Criée, avec quelques fuites relayées dans La Provence. Et puis patatras, quelques diners en ville parisiens plus tard, Mitterrand dut annoncer, en pleine trêve des confiseurs, la mauvaise nouvelle à Jean-Claude, il avait reçu un oukaze élyséen. Ce ne sera pas Marnas mais Makaïeff.

Quand à savoir si c’est une bonne nouvelle pour La Criée et la culture à Marseille, a priori vu son CV, ça semble être plutôt prometteur. Et puis quelqu’un qui a découvert François Morel, Monsieur Saladin ou Yolande Moreau, et qui a restauré l’oeuvre de Tati, ne peut pas être si mauvaise… Mais en tout cas, ça souligne, si il en était encore besoin, que Gaudin a définitivement perdu la main. Il n’arrive même plus à faire nommer un directeur dans un de ses théâtres. Bon, allez, il pourra toujours se consoler avec une bonne cure de Gibolin.

Un lien Marseille sous tutelle en 1939 suite à l’incendie des Nouvelles Galeries sur wikipedia

Un lien Le frère du député Jean Roatta va t’il être nommé à La Criée ? par marsactu le 15 avril

Un lien Macha Makaiëff, le site officiel

Un lien Catherine Marnas le site de sa compagnie Parnas

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Commentaires

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  1. Casanovette Casanovette

    … Bon Okey, Okey … j’ai encore trop chargé la mule, c’est ça ? Mais selon vous, mon précédent commentaire serait seulement le fruit d’un fantasme ou pourrait être en parti, l’expression d’une réalité ? C’était en tout cas, l’expression de ce que j’ai pu comprendre de mes lectures … Au vu de vos propres sources d’informations, pensez vous que je me sois trompée ?

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  2. icci icci

    Encore un article très intéressant; merci beaucoup pour toutes ces informations dont les autres journalistes parlent si peu.

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  3. icci icci

    Pas très sympa. Censure d’un deuxième message qui n’avait rien de compromettant ?

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  4. GREGGORYEESS GREGGORYEESS

    Article en effet intéressant, mais qui mériterait une fois de plus, un peu plus d’objectivité, à un ton plus neutre, que l’on sente moins un certain parti pris ! C’est en tout cas ce que je cherche quand je lis la presse (la vraie). Neanmoins, article intéressant !

    pour ma part, elle me plait bien cette nomination, avec son travail et la vision qu’elle nous donne, j’ai hâte qu’elle prenne les rennes du théâtre.

    Et puis pour Gaudin, c’est plutôt une bonne chose qu’il passe la main, enfin je dirai même; Si ça pouvait être la même chose sur la propreté et autres sujets où Marseille semble livrée à elle même, ce serait bien !! Une nouvelle directrice de théâtre, un nouveau prefet de police; à quand un nouveau maire ????

    Bonne soirée à tous,

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