Pôle emploi place ses agents au pied des tours

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le 22 Jan 2014
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Pôle emploi place ses agents au pied des tours
Pôle emploi place ses agents au pied des tours

Pôle emploi place ses agents au pied des tours

Pas de policier en vue, aucune voiture noire garée devant le centre social de Frais-Vallon. Pourtant, ce mardi, la structure accueille deux préfets, Michel Cadot et Marie Lajus. Prudent, le charbonneur qui tient commerce dans le block mitoyen a remonté son col sur son visage et enjoint les photographes d'éviter de lui tirer le portrait. 

On pourrait voir en lui une silhouette dans le paysage qui met du piment dans le reportage : il est pourtant au coeur du sujet. Lors de sa visite à Marseille le 8 novembre dernier, le premier ministre Jean-Marc Ayrault a annoncé une batterie de mesures pour le territoire. Certaines – chiffrées en milliards – ne sont pas attendues avant plusieurs années. D'autres, données en millions doivent intervenir dès 2014, si possible avant les élections municipales, même si cette date ne figure nulle part ailleurs que dans tous les esprits. 

Le plan Marseille ou pacte de cohésion sociale et de sécurité prévoit notamment l'ouverture de permanences d'agents de Pôle emploi dans les centres sociaux afin de rapprocher les services publics des citoyens marseillais, en particulier ceux qui ne sont inscrits dans aucun dispositif d'insertion, hormis ceux offerts par les réseaux délinquants. C'est la mise en place de cette première mesure que le préfet de région et la préfète déléguée pour l'égalité des chances étaient venus saluer de leur présence. Cette permanence se tiendra donc tous les jeudis, à part ce jour-là : pour les besoins de la cause, la conseillère de Pôle emploi a reçu un premier "client" sous les yeux des deux préfets. 

En réponse à la directrice du centre social, Andrée Antolini qui insistait sur la nécessité d'une action globale qui ne néglige ni la question de la mémoire, ni celle du cadre de vie ou de l'accès à la santé, le préfet Michel Cadot a affirmé qu'il s'agissait là d'une mesure issue "d'un plan global qui concerne l'école, la jeunesse, la parentalité, le cadre de vie  et le retour des services publics". L'agent de pôle emploi est censé en partie incarner ce retour. "C'est une porte ouverte dans le quartier, formule-t-il. Un point de proximité permettant d'aller vers les demandeurs d'emploi"

Porte ouverte sur le quartier ?

Mais cette porte ouverte ne l'est pas forcément pour tous : l'agent de Pôle emploi qui viendra là une demi-journée par semaine n'est pas censé accueillir les demandeurs inscrits et indemnisés, puisqu'il n'a pas d'ordinateur relié à la base de l'agence. Il ne recevra pas plus les allocataires du Revenu de solidarité active puisqu'un accompagnateur à l'emploi pour ces publics spécifiques travaille déjà au sein du centre. Quant aux jeunes, ils bénéficient déjà d'une permanence de la mission locale qui leur est dédiée. "Les conseillers délivreront un premier niveau de service et d'information, en priorité à des personnes qui ne sont pas ou plus inscrites comme demandeurs d'emploi ou qui ne se rendent pas spontanément en agence", indique-t-on à Pôle emploi. "Nous avons vocation à travailler de manière étroite avec l'ensemble des acteurs de terrain", insiste Jérôme Marchand Arvier, directeur régional adjoint, présent ce jour-là.

Ce que le directeur a forcément passé sous silence, c'est que la mise en place du dispositif a créé bien des remous au sein des agences. Ainsi dans celle située au carré Gabriel, en plein coeur du 14e arrondissement, une pétition a circulé "signée par 90% des agents" pour refuser de participer à ce dispositif. "Ce qu'on n'apprécie pas c'est que ce dispositif part du principe que nous n'allons pas dans les quartiers, alors que c'est au coeur de mon métier, indique un agent, sous couvert d'anonymat. D'autre part, on dit partout que la mobilité des demandeurs est le premier pas vers l'emploi et là, on va vers eux comme s'il suffisait d'ouvrir une permanence pour ramener les gens vers l'emploi"

Un plan sans diagnostic

Un discours repris par les syndicats qui l'ont fait remonter lors d'une réunion début janvier avec la direction. "Les quartiers Nord, j'y travaille et y habite, souligne Jean-Marc Robert, délégué Sud solidaires. Si vous prenez l'agence de Mourepiane, elle est située à 500 mètres de la Castellane, à 800 mètres de la Bricarde. Les gens n'ont pas de mal à atteindre leur agence. De plus, ceux qui fréquentent les centres sociaux sont déjà dans une démarche citoyenne. S'ils sont en recherche d'emploi, ils sont déjà inscrits chez nous. On lance ce plan sans diagnostic, ni audit de terrain. Il s'agit d'une commande politique partie du premier ministre, passée par Sapin et qui arrive jusqu'à nous parce que le Plan Marseille est une priorité du gouvernement".

Joint par nos soins, Jérôme Marchand-Arvier ne nie pas les inquiétudes remontées des agences. "Nous avons eu une rencontre avec les organisations syndicales, le 7 janvier dernier. Les interrogations sont variables selon les agences. C'est pour cette raison que nous avons choisi une mise en place progressive des permanences en fonction des réalités du terrain". Ainsi les deux permanences mises en place dans le 13e arrondissement relèvent de l'agence de Château-Gombert, moins accessibles et où les agents se sont déclarés volontaires. Prudent, le directeur régional insiste sur la nécessité d'une évaluation au fil de l'eau pour mieux ajuster l'action aux demandes du public en lien avec l'ensemble des acteurs de l'emploi et de l'insertion.

Question de crédits

Car le territoire marseillais n'est pas dépourvu de dispositifs innovants. Destinés aux demandeurs d'emplois des zones urbaines sensibles, les clubs ambition – que le plan Ayrault prévoit de doubler – affichent des taux de réussite encourageants. Créés au sein même des centres sociaux, les Points d'appui pour l'emploi des Jeunes ou Papej ont failli disparaître avant de devenir des Move (mobilisation et orientation vers l'emploi). De fait, pour être utile, ces permanences doivent trouver un relais direct auprès des personnels des centres sociaux qui doivent orienter les publics jusqu'à la prise de rendez-vous. Pas simple, quand les centres sociaux doivent déjà faire face à bien d'autres missions. 

A Frais-Vallon, la préfète déléguée pour l'égalité des chances a insisté sur la nécessaire coordination entre les dispositifs et l'ajustement des politiques au fil des mois, en fonction des remontées du terrain. Des stages d'immersion sont prévus pour les animateurs des centres sociaux qui souhaitent mieux connaître Pôle emploi et réciproquement. Et pour tenter d'apporter une réponse à l'équilibre financier fragile des structures sociales, la préfète a annoncé le déploiement de 44 responsables accueil jeunesse dans les centres sociaux dès 2014, financés sur des crédits de droit commun via la Caisse d'allocations familiales. Les représentants des centres sociaux présents dans la salle accueillent les annonces poliment, sans un mot de commentaire pour la presse.

Alors que la réunion se termine dans la salle où le centre social reçoit ses hôtes de marque, le Préfet s'étonne des mannequins qui l'entourent. C'est là le vestige d'une action d'insertion par l'économique menée par le centre social et baptisée Vêti-toi durant plusieurs années. En 2011, elle a dû s'arrêter faute de contrats aidés adaptés. Reste à savoir si l'histoire repasse les plats ou pas. 

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Commentaires

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  1. jdeharme jdeharme

    Ca y est ils ont enfin trouvé il y a 5 millions de chomeurs parsce que les agences pole emploi n’était pas dans les quartiers mais dans les centres ville. On va tous mieux dormir ce soir grace à ce beau conte de fées. Le chomage va disparaître très vite à présent.

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  2. poalàgratter13 poalàgratter13

    Je suis content que le Centre Social de Frais-Vallon soit mis en valeur par cette initiative dont par ailleurs j’attendrai pour me prononcer sur son adéquation aux problématiques du terrain. Mais s’il faut attendre la venue de 2 Préfets (quoique ils y sont tous venus) pour éclairer ce que fait ce Centre Social c’est un peu dommage. Les mannequins dont vous parlez sont ceux de la boutique d’insertion Vêti-Toi qui menait un formidable travail autour de la “fringue” et dont les actions ont périclité faute de soutiens pertinents.

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  3. JL41 JL41

    Clin d’œil à Jdeharme. Collectivement, le chômage n’a pas encore de solution. Individuellement il reste possible de s’insérer si l’on est déterminé et que l’on accepte de jouer le jeu d’une formation. Mais c’est parce que tout le monde ne le fera pas.
    Il n’est pas sûr du tout que le plein emploi, au taux d’activité actuel de la population (un taux qui comprend les chômeurs), puisse réellement exister, maintenant que dans un couple il faut que les deux travaillent pour avoir un revenu qui permettra de fonder un foyer. Un presque plein emploi, peut-être, avec une économie comme l’Allemagne. Mais est-ce possible sans « canards (ou coqs gaulois) boiteux » ailleurs ?
    Un salaire minimum pour tous comme solution, certains esprits généreux ou inquiets y pensent, dans des groupes de réflexion style Davos. C’est aussi simple (hum) que de taxer les plus-values du capital. Mais quelle faisabilité et d’abord quelle acceptabilité de la part de « ceux qui travaillent » ?
    Alors Pôle emploi au pied des tours ? C’est déjà une façon de continuer à faire bouger Pôle emploi. Lorsque j’ai créé mon entreprise, le militant de gauche genre LCR de l’ANPE aixoise qui était mon interlocuteur, m’en avait dissuadé : « tu vas contribuer à la société capitaliste ». En tout cas chacun est maintenant au pied du mur pour faire ce qui peut être fait. Enfin une demi-journée par semaine, un leurre.
    En Espagne ou au Portugal, la population des basses rémunérations gagne moins qu’en France. Mais son pouvoir d’achat est supérieur, de l’alimentation au logement. On peut vivre et se loger pour moins cher. Alors en France, si les marges des grandes entreprises (voir le coût d’accès au logement que l’on produit) et les prélèvements de l’Etat étaient moins élevés, on vivrait mieux. Si les bas salaires étaient plus élevés, les couples fonctionnant sur un seul salaire seraient plus nombreux. Il y aurait probablement moins de chômage. Si ce n’est pas le cas actuellement, sauf dispositifs financés par l’Etat et emplois publics des collectivités, on a quand même créé pas mal d’emplois privés en France par le passé. Ce qui a permis de rapprocher le taux d’emploi féminin de celui des hommes. Comment aller au-delà ?
    Pour éviter qu’on me vole dans les plumes : je ne suis pas de ceux qui voudraient renvoyer les femmes à la maison, les hommes peuvent également s’occuper quelques années des enfants. En Suède, une partie du congé de maternité peut être prise par le père, sinon elle est perdue.

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  4. leravidemilo leravidemilo

    PAYSAGE APRES LA BATAILLE (explosion desx inégalités,du CAC 40,duchomage et de la précarité de masse ) : -L’insertion: S’il n’y a pas assez d’emploi,à chaque fois que les travailleurs sociaux préposés réussissent à insérer un chomeur,il y a un passager invisible qui le croise sur la passerelle et se desinsère (finde cdd,plan social,fin de “stage”…). Les travailleurs sociaux rêvent eux aussi. Le taux de dépressions et d’hospitalisations dans cette catégorie sociale est tendaciellement à la hausse . – LES DIPOSITIFS: L’un chasse l’autre ou pousse l’autre pour mieux atteindre sa cible,de plus en plus ciblée et de moins en moins atteinte. Ensuite, il faut des coordinateurs pour réguler le tout et des coordinations de coordinateurs,mais également des stages d’immersion pour que tous ces gens ne s’éloignent pas trop d’une réalité toujours poursuivie mais rarement saisie au col. _ LES CENTRES SOCIAUX : Les salles sont toujours encombrées des témoins-muets?-( ici des mannequins) de l’action précédente (qui marchait bien,après un gros boulot de mise en place et de convictions )arrétée en plein vol pas l’arrêt des crédits de l’emploi précaire précédent… Et les personnels n’ont “rien” à dire au journaliste (qui plus est devant le préfet )… Ambiance! Mettons des mannequins en haillons de partout,et le dernier qui part éteint la lumière ! – LES MINISTERES : Une dernière pensée émue pour les énarques/bricolos Qui,dans la trés haute administration ou dans les cabinets,inventent le P.A.P.E,le transforme en M.O.L.E, échéance les stages d’immersion…et qui ainsi nous tricotent au quotidien un univers fort irréel (sauf pour les agences de comm des dits ministères ).Il faudra bien qu’un jour on finisse par les “immerger”,dans frais-vallon par exemple . – Le seul point positif dans tout çà c’est la qualité de votre article,sa peinture du paysage,ses traits d’humour, la parole donnée a ceux qui parlent encore entre ceux qui ont pris le parti de se taire et ceux qui depuis longtemps ont confisqué tous les micros,mais que plus personne ne veut écouter .

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  5. Electeur du 8e Electeur du 8e

    Un article du Monde passé peut-être inaperçu : “A Marseille, un marché de l’emploi opaque”.

    Morceau choisi : “L’emploi public ou associatif, obtenu via un contact politique, est souvent le seul débouché dans les quartiers. « Les associations viennent nous voir pour demander des contrats aidés et elles ont souvent déjà leur candidat », raconte ainsi un responsable de Pôle emploi. « Et si nous leur disons qu’ils ne correspondent pas aux critères, ils passent par le préfet. » Pôle emploi a même vu récemment arriver une association sportive, flanquée d’un élu, demander des contrats aidés pour une vingtaine de jeunes pour travailler chez Auchan. « La plupart n’était pas éligible ou ne voulait même pas travailler dans la sécurité », glisse une responsable.

    De telles pratiques semblent généralisées de haut en bas à Marseille. La directrice de la mission locale ne prendra par exemple même pas la peine de quitter la pièce où se trouve un journaliste du Monde pour demander à un responsable de Pôle emploi « un regard bienveillant » sur la demande de contrat aidé d’une amie de son fils. Et tout le monde se souvient dans la ville de la façon dont les conseillers généraux ont adapté les emplois d’avenir à leur sauce, en proposant chacun leur propre candidat.” (http://www.lemonde.fr/emploi/article/2014/01/28/a-marseille-un-marche-de-l-emploi-opaque_4354971_1698637.html)

    Bon courage aux agents dévoués de Pôle Emploi !

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