Petits éclats à l'ombre des grandes expos

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le 12 Août 2014
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Petits éclats à l'ombre des grandes expos
Petits éclats à l'ombre des grandes expos

Petits éclats à l'ombre des grandes expos

Pour ceux qui en ont assez d'épuiser leur capital soleil et refusent obstinément de se lancer dans une étude comparative des stylos à bas prix avant la rentrée, mieux vaut marcher à l'ombre des musées et des galeries. D'abord, de grandes expositions sont à l'affiche, notamment celle du musée Cantini sur Paul Delvaux, ou encore celle de la fondation Regards de Provence sur le Bateau-lavoir. Des artistes à Montmartre et la Méditerranée. A l'ombre de ces grands noms, quelques installations et expositions plus inaperçues valent pourtant la peine de s'y attarder. 

1 State of Being de Chiharu Shiota

En rentrant dans la Chapelle de la Vieille Charité, vous pénétrez dans un univers onirique. Du sol au plafond, une immense toile emplit l'espace, emprisonnant dans ses lacets noirs des robes suspendues, costumes réalisés par Luisa Spinatelli pour le Ballet National de Marseille, issus de la production Le Guépard de Roland Petit. Une déambulation en plein coeur de cette sculpture inédite, grâce à une galerie tressée par la jeune plasticienne japonaise Chiharu Shiota entraîne le visiteur dans un ballet aux allures fantomatiques. C'est succinctement mais avec poésie que l'artiste a ainsi décrit son oeuvre : "Les fils sont tissés l'un dans l'autre. Ils s'enchevêtrent. Ils se déchirent. Ils se dénouent. Ils sont comme un miroir des sentiments."

La marque de fabrique de la plasticienne consiste à détourner des objets communs de leur fonction première, les libérer de toute utilité et les accumuler dans un espace en les reliant par des cordelettes noires ou rouges. Lits, valises, chaussures, Chiharu Shiota multiplie les mises en scène, faisant émerger des univers poétiques entre dentelle et toiles d'araignée.

Et aussi, dans les murs : L'exposition du cipM sur Antonin Artaud issue des pièces de la collection de Patrick Dhuisme. Des lettres souvent cocasses de l'écrivain, des dessins, mais aussi des photos prises par Georges Pastier de celui qui déclarait "oui vraiment je ne suis pas au monde".

Renseignements pratiques : Vieille Charité, jusqu'au 19 octobre, du mardi au dimanche, de 10 h à 18 h. Tarifs : de 3 à 5 euros

2 Être plus fou que celui d'en face de Claude Levêque

Pendant une semaine, l'artiste plasticien Claude Levêque a investi la Cellule 516 d'Audrey Koulinsky, appartement-galerie de la Cité radieuse du Corbusier. Juste le temps nécessaire pour se l'approprier et y introduire des oeuvres, la plupart issues du détournement d'objets familiers. Avec pour seule contrainte de garder l'appartement habitable, l'artiste, en interaction avec l'architecture, s'est attaqué aux préjugés existants sur la Cité radieuse. Le néon "Être plus fort que celui d'en face" rappelle avec humour les rapports de voisinage. "Le Corbusier lui-même avait l'ambition d'inventer quelque chose de fou", commente la galeriste.

A l'étage du dessous, la carcasse d'un bidet trouvé au bord de l'eau à Port de Bouc est sublimée par un contour en néon. Claude Levêque a pour coutume de demander à des enfants ou des personnes âgées de fabriquer ces fils lumineux. "Du coup, un côté tremblé apparaît, ce qui rend hommage à la fragilité de l'être", explique Audrey Koulinsky. Dans une chambre, les inscriptions AK 47 en néon rouge sont superposées sur une toile représentant une nature morte, un intérieur petit bourgeois. "C'est une oeuvre en réaction à l'un des préjugés de Marseille, la kalachnikov, et aussi une métaphore de la révolution opérée par Le Corbusier en matière d'habitat." Devant un loggia, une guirlande de couverts tinte au gré du vent. C'est cela, le talent de Claude Lévêque : déconcerter le visiteur, ouvrir un champ d'interprétations possibles par des oeuvres à la simplicité apparente.

Et aussi, dans les murs : Défini Fini Infini de Daniel Buren, sur le toit-terrasse de la Cité radieuse. L'artiste des colonnes du Palais-Royal s'est approprié l'espace pour proposer sept oeuvres monumentales inédites.

Renseignements pratiques : Le principe de la Cellule 516 est de s'y sentir chez soi et de rompre avec une démarche muséale classique. Ainsi les visites, gratuites, se font uniquement sur rendez-vous les jeudis, vendredis et samedis entre 12 h et 18 h. Pour l'expo Daniel Buren, les visites ont lieu du mercredi au dimanche de 11 h à 18 h. Entrée par le Mamo, 5 euros.

3 L'Aube incertaine d'Emmanuel Régent

Le plateau expérimental du Frac accueille en ce moment l'Aube incertaine, une exposition monographique d'Emmanuel Régent. Après l'ascension laborieuse des quatre étages, le monde monochrome de l'artiste se dévoile, à petits traits de feutre noir. Une première série de dessins intitulée Antiquités grecques (2013) donne à voir des scènes d'affrontement, aux titres révélateurs : "La Horde", "Cours plus vite", "Jeter la pierre", etc. Deux dessins plus importants issus de la série Pendant qu'il fait encore jour représentent des villes totalement en ruine.

Des images de désolation rendues réelles par la précision des coups de crayon et la profusion de détails. L'artiste explore la fascination provoquée par des paysages chaotiques et joue sur les lacunes volontairement laissées dans ses dessins, afin de renforcer le questionnement du visiteur face à ce qu'il voit. Un pan de mur en construction – ou déconstruction – fait de briques en inox occupe un coin de la pièce. Deux autres grandes toiles peintes en acrylique intitulées Nébuleuses pourraient bien être une invitation à un voyage dans la galaxie…

Et aussi, dans les murs : Le plateau multimédia d'Isabelle et Jean-Conrad Lemaître et l'exposition principale du moment consacrée à la peintre Adrian Schiess, soit d'immenses panneaux de bois ou d'aluminium accrochés aux murs ou posés sur le sol, emplissant tout l'espace et recouverts de peinture industrielle.
Renseignements pratiques : Frac Provence Alpes-Côte d'Azur, du mardi au samedi, de 12 h à 19 h. Tarifs : de 2,50 à 5 €.

4 Du même et de l'autre, par le collectif Tempsmachine

Crédit : Nolwenn Brod @2013 – TempsMachine pour Habitat en Région
Répondant à une commande d'Habitat en Région, l'exposition Du même et de l'autre installée dans la Tour-Panorama de la Friche de la Belle de Mai propose cinq points de vue sur les logements sociaux en Provence Alpes-Côtes d'Azur, réalisés par le collectif Tempsmachine.

Philippe Grollier s'attarde sur le détail architectural qui devient davantage motif. Patrice Normand photographie les différents métiers liés à la construction des logements sociaux. Yannick Labrousse rentre dans l'intimité des habitats avec ceux qui travaillent dans le bâtiment, une fois la construction achevée. Nolwenn Brod propose une mise en parallèle entre les habitants et les paysages qu'ils voient depuis leurs fenêtres, tandis que Vincent Leroux se concentre sur une vue d'ensemble des habitants dans leur espace de vie.

Si les personnes ne posent pas, les photos – retouchées – offrent une vision largement lissée de la réalité. D'après un médiateur du Cartel, "on pourrait y voir une critique des commandes des bailleurs sociaux, des photos de magazine parfaites qu'ils recherchent". Il faut cependant noter que l'exposition résulte d'une commande initiale d'Habitat en Région en 2013, en vue de réaliser un livre. Partant de là, le travail reste globalement celui d'une valorisation de l'habitat social, bien que ceux-ci aient pu obtenir carte blanche sur le projet.

Et aussi, dans les murs : Alfons Alt, l'un des plus vieux résidents de la Friche, utilise un procédé alternatif à la photographie, alliant à celle-ci gravure et peinture à l'aide de pigments et gélatines. Dans l'exposition du moment intitulée Das Meisterstück – Hors d'oeuvre, il met en scène son propre atelier et apparaît sur l'un des ses "altotypes" en bon épicier souriant derrière sa table de travail. 
Renseignements pratiques : La Friche de la Belle de Mai, du mardi au dimanche, de 13 h à 19 h. Tarif : de 2 à 3 €. Exposition d'Alfons Alt gratuite.

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