Pêche en mer : sortez les ciseaux pour couper court au braconnage

Pêche en mer : sortez les ciseaux pour couper court au braconnage

L’un des loisirs les plus pratiqués sur notre belle côte tombe, depuis le 17 mai dernier, sous le coup d’une règlementation signée du ministère de l’Agriculture et de la Pêche. Un arrêté, passé quelque peu inaperçu, qui impose à tout pêcheur en mer exerçant son activité préférée dans un cadre de loisir de couper la partie inférieure de la queue du poisson qu’il vient d’attraper.

rEt ce pour couper court à la revente illégale des prises issues de la pêche de loisir et, dans une autre dimension, lutter contre le braconnage de certaines espèces qui font l’objet d’un commerce parallèle particulièrement lucratif pour ceux qui en profitent.

En théorie, l’arrêté doit permettre de limiter la présence sur les étals des poissonniers, ou encore dans les cuisines et les plats des restaurants, d’espèces de poissons issues d’une pêche maritime non professionnelle : rivés d’une partie de leur nageoire caudale, les prises, issues de la pêche non réglementée, seraient facilement identifiables.

Pour l’ancien président du comité régional PACA de la Fédération Française des Pêcheurs en Mer c’est une autre histoire : « Un braconnier restera toujours un braconnier queue coupée ou pas. Les restaurateurs les présenteront en filets, les particuliers ne regarderont pas si il manque la queue dès lors qu’ils payeront moins cher (vu le prix pratiqué à l’étal) », réagit t-il. « C’est une mentalité typiquement française et puis les gouvernements  qui se sont succédés ont toujours fermés les yeux et se sont désintéressés de la pêche de loisir. Par exemple : pour les tailles minimales de capture, ce sont les fédérations qui se sont chargées de communiquer sur le sujet. Il faut bien donner quelques os à mordre aux pêcheurs professionnels », avance t-il.

L’étendue de la mesure

L’arrêté concerne donc tous les styles de pêche : la pêche embarquée, la pêche à la ligne, la pêche à pied ou encore la pêche sous-marine. Le pêcheur doit s’exécuter, en coupant la queue du poisson destiné à mourir et à être conservé, dès la capture du poisson ou avant de regagner la terre ferme. Bien entendu, il doit respecter cela si le poisson est destiné à être consommé et qu’il rentre dans la taille légale de capture, sinon le poisson préalablement pêché doit être remis en liberté. Evidemment ceux qui ne respecteraient pas l’arrêté s’exposent à des sanctions.

Celles ci sont exposées dans l’arrêté, article 5, et renvoient aux articles L.946-1 , L.946-4, L.943-1 du code rural et de la pêche maritime. On vous épargne la migraine : le pêcheur hors-la-loi risque la saisie de son matériel de pêche, l’établissement d’un procès verbal et de fortes amendes fixées en fonction du préjudice constaté.

Sensibilisation

Pour Alain Matesi, le président-fondateur de l’association environnementale CoLLecT-IF, une telle mesure, pour être efficace, doit s’accompagner « d’une véritable volonté politique d’obtenir des résultats ». Pour lui cela va de pair avec la mise en place de moyens étape par étape : « Expliquer, par l’intermédiaire d’une campagne d’information et de sensibilisation, ce que représente le braconnage et la vente illégale de poissons. Relayer ces informations dans toutes les capitaineries, les clubs de plongées, les associations de plaisanciers… Envoyer un courrier à tous les adhérents de chaque structure en leur demandant de s’engager sur une charte[…] Informer les restaurateurs officiellement, du nouveau décret et des risques qu’ils encourent par courrier recommandé. Développer une charte d’engagements et d’objectifs pour une pêche maritime de loisir éco-responsable en respectant certaines règles pour protéger la ressource. Avoir le soutien des prud’homies de pêche et les impliquer dans la démarche ».

Pas de permis

La clef contre le braconnage réside, selon lui, dans un contrôle à tous les niveaux : « Pour être efficace il est nécessaire de bien comprendre tout le processus jusqu’au consommateur (le client du restaurant) et ensuite de faire le nécessaire à chaque niveau sans complaisance ». La mise en place d’un permis de pêche n’est elle plus d’actualité depuis longtemps. La question ayant auparavant déjà fait couler beaucoup d’encre. « En aucun cas le manque de résultat ne doit justifier la mise en place d’un permis de pêche qui provoquerait un véritable tollé » souligne Alain Matesi, le président du CoLLecT-IF.

Il est rejoint sur ce terrain là par l’ancien Président du comité régional PACA de la FFPM pour qui l’instauration d’un permis de pêche n’aurait pas été une meilleure solution que toutes les « mesurettes » prises à l’heure d’aujourd’hui: « Actuellement la tendance est de faire payer aux pêcheurs de loisir le manque de communication, de formation, d’éducation au respect de la mer et de toute sa composante, qui auraient déjà du être mis en place par l’Etat ».

En attendant nous conseillons à tous les pêcheurs de ne plus se séparer d’une bonne vieille paire de ciseaux, outil  désormais indispensable à toute boîte à pêche.