"Notre Ville est la vôtre", Connaissiez vous le monument aux rapatriés d'Algérie ?

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le 9 Fév 2010
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Alors que La France et l’Algérie  semblent repartir dans de vaines polémiques, récupérées bien opportunément par le candidat UMP aux régionales, Thierry Mariani, comme le raconte Rémy Leroux sur son blog fini-parti, nous avons décidé de publier de notre côté cette contribution, ce texte très personnel, rédigé par une rapatriée d’Algérie. Pour les nombreux marseillais qui passent tous les jours en voiture ou en courant, au pied de cette grande hélice sur la Corniche , sculptée par l’artiste César, ce texte nous rappelle que  ce monument à aussi  une histoire…

« Il y a quelques années, les hasards de la vie m’ont ramenée à Marseille ; en parcourant la Corniche  Kennedy, j’ai découvert un monument que je ne connaissais pas, une forme elliptique noire se découpant sur le ciel et la mer, exceptionnellement sombres ce jour d’octobre. C’était le monument aux Rapatriés d’Afrique du Nord, « Notre ville est la vôtre » concluait la dédicace.

Alors, l’émotion m’étreignit, je me suis souvenue de ce que j’avais passé le reste de ma vie à vouloir effacer ( et oublier ?) : j’étais une rapatriée d’Algérie. Je compris ce que représentait le monument, une pale d’hélice d’un de ces gros  bateaux surchargés d’une foule désespérée et déracinée. Moi aussi, un beau jour de mai 1962,  je débarquais à Marseille avec ma grand-mère qui, à près de quatre-vingts ans, fut, comme toujours, admirable de dignité et de courage. Nous nous sommes rendues, je ne sais plus comment, dans un petit hôtel non loin du vieux port. Ma grand-mère, épuisée, s’est couchée. Je me suis douchée, changée, (Je n’ai plus jamais revêtu  les vêtements que  j’avais porté durant cette dernière traversée de la Méditerranée) et je suis sortie pour me promener dans cette ville chaleureuse et belle, c’était la paix et l’été.

Je suis revenue à Marseille en septembre de cette même année 1962, pour préparer avec quelques amies et le frère de l’une d’entre elles, nos derniers examens  (la session de juin  de  l’université  d’Alger avait été reportée en octobre à Marseille en raison des « événements »). Nous étions entassés à six dans un petit deux pièces d’un HLM  d’un quartier excentré (je n’ai jamais retrouvé l’endroit) dont nous ne sortions guère.  J’avais le coeur en deuil : mon père venait de se donner la mort, par désespoir. Nous avons tous passé avec succès nos examens, et  puis nous nous sommes dispersés aux quatre coins de la France, là où le destin nous attendait….

Eve Camou

Un lien Mémorial des rapatriés d’Algérie

Un lien Une exposition sur les rapatriés d’Algérie est en ce moment à Allauch, jusqu’au 16 février.


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Commentaires

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  1. temouch temouch

    Le rappel de la mission de ce monument est opportun: dans quelques mois on “fêtera” le 50ème anniversaire de ce mouvement considérable de population qui vit, en quelques semaines, près d’un million de personnes arracher ses racines pour aborder un nouveau rivage !
    Si l’on a souvent mis en exergue la réussite de nombre d’entre ces “rapatriés”, on a passé sous silence les milliers de drames comme celui que votre témoin raconte: le taux de suicides et de morts prématurées fut considérable dans cette population, résultat des difficultés matérielles et surtout de la détresse morale.
    En cette période où les questions d’intégration au tissu national se posent avec acuité, il serait intéressant de tirer quelques enseignements de cet exode massif et de son insertion difficile mais réussi. Boris Cyrulnik y verrait-il un effet de la “résilience” ?

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  2. miramar miramar

    Merci Eve pour ce témoignage ! Merci à Mars Info de l’avoir publié, ce monument est un symbole de notre intégration dans cette ville, où certains ne nous avaient pourtant pas chaleureusement accueillis.
    Nous avons du nous cotoyer car j’ai aussi passé ces examens universitaires de la session d’octobre 62. Nous étions jeunes et l’avenir était devant nous – et les médias ne nous répétaient pas à longueur d’émission que “tout est si dur pour la jeunesse”. Notre génération a su relever le défi !
    J’avais 20 ans en 62, Maman avait eu 20 ans en 40.
    Ma Mamie les avait eus en 1914 et avait du travailler dans une fonderie à la fabrication de canons, dans des conditions de chaleur et de poussières difficiles à imaginer aujourd’hui. Elle ne supportait le défaitisme et elle a été un exemple pour tous les jeunes de la famille.

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  3. rico rico

    bonjour
    “notre ville est la vôtre” : c’est oublier un peu vite les paroles du maire de l’époque Gaston Deferre : “les pieds-noirs ils n’ont qu’à se réadapter ailleurs” et les dockers CGT “les pieds-noirs à la mer” qui jetèrent les cadres contenant les maigres biens des pieds-noirs …

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  4. pml pml

    Même si Defferre et la CGT (comme d’ailleurs la majorité des Français en 1962) se sont effectivement comportés comme des sagouins avec les Pied-noirs, ce monument et sa dédicace restent un magnifique et poignant rappel de ce qu’a toujours été et ce que doit rester cette ville : le port d’accueil des migrants.
    “Salut à vous qui êtes revenus, notre ville est la vôtre” … cette phrase me tire une larme à chacune de mes promenades sur la Corniche. C’est pour ça que j’aime cette ville.

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