Micro-clash politique autour d’un boulodrome de Saint-Barnabé

Actualité
le 1 Oct 2019
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La mairie du 11e et 12e arrondissements a rattaché une parcelle d'une place publique du quartier de Saint-Barnabé au terrain du Cercle de boulistes local pour y mener des projets pédagogiques. Deux collectifs citoyens exigent le renoncement du projet au nom de la privatisation d'un espace commun. Une polémique de quartier qui prend de l'ampleur à l'approche des municipales.

Micro-clash politique autour d’un boulodrome de Saint-Barnabé
Micro-clash politique autour d’un boulodrome de Saint-Barnabé

Micro-clash politique autour d’un boulodrome de Saint-Barnabé

Le 8 juillet, en passant devant la place Caire à deux pas du métro Saint-Barnabé (12e), les habitants du quartier ont pu voir les arbres d’une partie du square tronçonnés. La parcelle, qui jouxte le Cercle de boulistes de Saint-Barnabé, s’est retrouvée grillagée peu après pour y être rattachée.

La mairie des 11e et 12e arrondissements a profité de l’été pour transformer un parc public en catimini“, protestent vivement les collectifs Saint-Barnabé et “Nos quartiers demain” dans un communiqué de presse la semaine passée. Ils dénoncent notamment l’absence d’annonce des travaux réalisés pendant l’été et soupçonnent une “appropriation d’un espace public à des fins privées”, “semble-t-il organisée en toute illégalité”. Le vocabulaire n’est pas sans rappeler des polémiques récentes comme celle des barrières du Fortin de Corbières qui empiètent sur un des accès à la plage voisine.

Un habitant membre de ce collectif a interpellé le maire de secteur (LR) Julien Ravier sur Twitter au début du mois de septembre. Dans ce contexte de campagne électorale où tout micro-sujet peut devenir inflammable, ce dernier s’est empressé de répondre.

“Couper des arbres alors qu’on est déjà en manque d’espaces verts !, rajoute Cécile Vignes, présidente de “Nos quartiers demain”. Ces platanes étaient tout à fait sains, en plus.” La place n’est effectivement plus très ombragée. Auparavant divisée en deux par une allée, elle se retrouve à présent réduite à une cour et une petite aire de jeux où s’amusent de jeunes enfants. Une maman s’arrête à son tour. “Ils ont tant de joueurs de boules que ça ?”, s’étonne-t-elle d’un air amusé. “Ils avaient déjà tout leur terrain, maugrée une autre, ça ne leur suffisait pas ?”

“Tout était à l’abandon”

“Mais pas du tout !”, s’agace Serge Castiglione, vice-président du Cercle de Saint-Barnabé. Après une demande conjointe il y a un an et demi avec l’école publique voisine et la maison pour tous, la mairie des 11e et 12e arrondissements a fait don de l’usufruit au Cercle. En contrepartie, une convention doit être signée le 4 octobre afin que tous puissent se répartir des créneaux d’utilisation du terrain. “Nous, on n’en avait même pas tant l’utilité finalement, ajoute Serge Castiglione d’un haussement d’épaules. Et puis, les arbres étaient morts, brûlés, tout était totalement à l’abandon ! C’était un vrai dépotoir, il y avait de la merde de chien, des seringues, des préservatifs partout par terre. En été, avec la chaleur, l’odeur était insupportable. C’est quand même bien plus utile comme ça.”

La mairie de secteur a coupé les arbres du terrain en juillet, mais promet d’en replanter d’autres à l’avenir. (Photo du collectif)

Du côté de la mairie de secteur, on préfère utiliser le terme plus pudique d’“espace non valorisé”, où pouvaient s’accumuler “des détritus dangereux, comme des tessons de bouteilles”. En cédant l’usage de l’espace, la municipalité se dédouane aussi dorénavant de l’entretien des lieux. La mairie indique avoir dépensé “moins de 8000 euros” pour la première phase d’abattage des arbres, et laissé le Cercle faire le reste des travaux pour un montant à peu près équivalent. Le rattachement du terrain au boulodrome s’inscrit “dans un grand projet d’aménagement de l’aire de jeux” à venir fin 2019 et courant 2020.

La mairie de secteur promet de replanter des arbres et une tonnelle pour ombrager la place. “Il s’agit d’un gros investissement de la mairie, et on attendait que les travaux soient finis et d’avoir des photos du résultat pour communiquer.” Notamment prévue, la rénovation de l’ensemble de la place Caire, pourtant pavée il y a seulement sept ans selon plusieurs habitants, et de la rue Montaigne, pour une facture de 2 millions d’euros au total selon la mairie.

“Ça les gêne en quoi ?”

“Oh là là, ça devient infernal”, s’exclame Blanche Jaine. La présidente du comité d’intérêt de quartier de Saint-Barnabé a été mise au courant de l’aménagement il y a trois semaines, mais ne s’y est pas opposée. Elle regrette surtout ce qu’elle considère comme une montée en épingle à des fins politiques. “Ça les gêne en quoi ? C’était à l’abandon et puis le Cercle en a pris la responsabilité, alors quel est le problème ?” Elle n’y voit qu’un excès de zèle de la part des membres du collectif. “Je les connais bien, eux, c’est eux qui ont foutu le bordel l’année dernière contre le projet de grand hôpital privé de Saint-Barnabé. Ils sont rangés derrière Saïd Ahamada.

Un argument que les adhérents de “Nos quartiers demain” ont déjà entendu plus d’une fois. “Un membre du collectif s’est vu répondre par la mairie, “ah, oui, c’est vous les Marcheurs ?”. Il a cru qu’on lui parlait de randonnée !“, raconte avec candeur Rebecca Berard, membre du collectif Saint-Barnabé. Cécile Vignes est effectivement également porte-parole du groupe Nous citoyens, qui a annoncé il y a quelques jours son soutien au député La République en marche Saïd Ahamada. Ce dernier s’était ainsi impliqué dans le débat sur le Fortin de Corbières sollicitant publiquement des explications auprès du maire de Marseille Jean-Claude Gaudin.

L’intéressée réfute toute logique politique dans l’action des deux collectifs. “Nous sommes tous des habitants du secteur, réplique-t-elle. Nous ne sommes téléguidés par personne, simplement notre cadre de vie !” Pour la militante, les collectifs se sont au contraire emparé du problème suite à l’inaction du CIQ. “Eux aussi sont politisés, et contrairement aux collectifs Saint-Barnabé et Nos quartiers demain, ils touchent des subventions.” Avec sa casquette de présidente de collectif, Cécile Vignes ne cache en tout cas pas son rejet de l’actuelle majorité comme en témoigne un post sur la page Facebook du collectif en juin : “une nouvelle gouvernance de Marseille apparaît comme la condition préalable de toute transformation politique. Nous devons rompre avec les pratiques qui ont prévalu dans notre ville depuis 70 ans”.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    “C’était à l’abandon, alors quel est le problème ?” Voilà comment une présidente de CIQ gaudinisée jusqu’à la moelle (mais pas du tout politisée, hein, contrairement à ceux qui ne sont pas d’accord) “justifie” le n’importe quoi nullicipal : si la mairie “abandonne” l’espace public, alors on peut privatiser celui-ci…

    Et la même de s’offusquer du “bordel” mis par des citoyens autour d’un projet d’hôpital privé… en oubliant que l’enquête publique s’est conclue par un avis défavorable. Bonjour le niveau !

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    • julijo julijo

      cela semble plus complexe que ça….la nullicipalité n’a plus rien à prouver en termes de mauvais choix : elle n’en loupe pas un seul !

      cependant d’un côté la majorité nullicipale agit comme d’habitude -en quasi catimini-, et d’un autre les “collectifs citoyens” militent dans “la rue d’à côté” avec les “marcheurs” de macron….qui ne randonnent pas !
      dans le quartier on oscille entre les choix nuls et habituels d’un côté et la mauvaise foi d’un militantisme électoral de l’autre…..
      Pas si sûr qu’il y ait eu de quoi fouetter un chat !

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    • reuze reuze

      Au lieu de passer votre temps à critiquer, vous devriez prendre exemple sur le Cercle Bouliste.
      Ils sont prêts à payer environ 8000 euros de travaux d’aménagement pour une parcelle dont “[ils] n’avaient même pas tant l’utilité finalement”, et qu’ils s’engagent à partager avec la Maison Pour Tous et les scolaires.
      Générosité et désintéressement, monsieur !

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    • pascal pascal

      Bien d’accord avec vous. En suivant ce raisonnement il ne restera plus grand chose de public dans cette ville…
      Moi je trouve que la Mairie est à l’abandon, à quand une convention avec SODEXO pour gérer notre quotidien!

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  2. Vieux.Port Vieux.Port

    Hello, je fais partie des habitants qui sont outrés par cette opération.
    1. Nous avons contacté la directrice de l’école. Elle nous a dit ne pas souhaiter de convention, elle souhaite un terrain public, ce que le Cercle Privé Saint-Barnabé n’est pas. Donc l’excuse du projet pédagogiue ne tient pas.
    2. Le Cercle vend de l’alcool. Est-ce compatible avec l’accueil d’activités dédiées à des enfants ?
    3. Pas de panneaux d’affichage, pas de demande de travaux à l’urbanisme, pas de demande aux bâtiments de France (la crèche Saint-Barnabé est située à moins de 500 m. Tout s’est fait en totale opacité.
    4. La mairie a payé une bonne partie des travaux, où est l’appel d’offres ?
    6. Je passe sur la partie « espace non valorisé », où pouvaient s’accumuler « des détritus dangereux, comme des tessons de bouteilles ». Elle était aussi bien entretenue que le reste du square, c’est à dire très mal. Mais c’est du ressort de la mairie non ?
    7. La destruction d’espaces pour de la minéralisation alors qu’on se prend le réchauffement climatique en pleine gueule, donc totalement à contre-sens de l’Histoire.

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  3. Marieke Marieke

    En ce qui concerne les CIQ, ceux du 12° arrondissement ne perçoivent aucune subvention.
    Tous les CIQ du 12° n’ont pas avalisé le projet d’hopital privé. Le CIQ de Bois-Luzy s’y est opposé au nom de la protection du cadre de vie des habitants qui est une de ses missions.

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  4. Tarama Tarama

    Au-delà de l’imbroglio décrit dans l’article, je me pose une question : depuis quand ne joue-t-on plus aux boules sous les arbres ?

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  5. barbapapa barbapapa

    Donc la mairie a laissé un terrain lui appartenant se joncher de tessons de bouteilles, de seringues usagées, d’immondices et autres détritus ? En plein cosy Saint Barnabé !! Notre personnel municipal n’a vraiment plus de limites. Je pensais que ces situations étaient réservées à d’autres quartiers, comme par ex le joli square Lyonel Ratherie, vous savez, celui que l’on aperçoit depuis le départ de la passerelle Plombières, au moins 5 ans qu’il n’a pas été nettoyé !

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    • reuze reuze

      C’est différent, le 3e arrondissement est officiellement en autogestion, en cohérence avec le projet “Quartiers Libres”…

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