Michel Bourgat : "Je ne voterai pas avec le Front national"

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le 1 Oct 2013
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Michel Bourgat : "Je ne voterai pas avec le Front national"
Michel Bourgat : "Je ne voterai pas avec le Front national"

Michel Bourgat : "Je ne voterai pas avec le Front national"

Dans son petit bureau municipal du pavillon Daviel, Michel Bourgat n'a pas retiré la photo du président Sarkozy. "Je ne suis pas hypocrite. Je n'ai pas mis le nouveau. Quant à Chirac, il est toujours dans le placard". En revanche, le portrait de Jean-Claude Gaudin n'est pas près de tomber du mur. Il sera dans le carton du déménagement en mars prochain. A l'heure de raccrocher, le fidèle adjoint lui trouvera sans doute une place dans son chalet alpin planté au beau milieu du pays de Giono. En politique, "le bon docteur Bourgat" est un fidèle. Il raccroche les gants mais ne se permet pas une critique à l'égard du maire qui l'a fait venir à ses côtés. Bientôt il partagera ses jours entre Marseille où il se verrait bien "reprendre une activité bénévole" et sa montagne. Pour lui, la page politique est déjà tournée. "Je peux comprendre son ras-le-bol, reconnaît Patrick Padovani, confrère et collègue du conseil municipal. Il a déjà une carrière de médecin et deux gros mandats sur des thématiques qui ne sont pas mises en lumière. Lui comme moi ne sommes pas très bons dans la politique d'alcôve. Ce n'est pas notre tasse de thé".

Après avoir été la tête de liste dans les 13e et 14e arrondissements en 2001, et à nouveau élu sur la liste Gaudin en 2008, Bourgat ne fera plus campagne. "Je n'ai rien contre le fait de laisser la tête de liste à Richard Miron. Il a des ambitions législatives que je n'ai jamais eues. J'étais même prêt à être troisième derrière Nora Preziosi puisqu'il faut une femme. Je travaille souvent ses dossiers avec elle, je l'apprécie. Mais, en revanche, je ne suis pas prêt à partir dans une campagne où on dit que son adversaire est plus bête que soi. L'invective, ce n'est pas mon style". Or, Miron et Preziosi  ne sont pas connus pour faire dans la dentelle. Loin du goût de la synthèse de l'adjoint au maire chargé de la lutte contre l'exclusion. Dans son secteur, Michel Bourgat considère Garo Hosvepian avec bienveillance et a même du respect pour Sylvie Andrieux "malgré ses ennuis. Je connais la bonne femme, c'est du costaud. Elle doit se souvenir que je suis le seul à l'avoir maintenue sous les 50% [aux législatives]", sourit-il. Décidément, il a du mal à dire du mal.

"Gaudin est le seul"

Au-delà "du caniveau" où il ne veut pas verser, Michel Bourgat a une autre hantise : "Le Front national sera bien plus haut que les 25% annoncés. Je crains beaucoup que le maire ne réussisse pas à obtenir la majorité absolue. Il faudra alors voter avec le FN, et ça ne je ne pourrais pas". Comme si la victoire du parti frontiste dans le 13e/14e était déjà écrite et l'accord du maire avec Ravier en train de sécher dans le parapheur. Or, le flirt avec l'extrême-droite est sa vraie frontière éthique. Il a peu apprécié la sortie de François Fillon sur le choix du moins sectaire entre le PS et le FN, pas plus que le "cas par cas" de Guy Teissier. "Même si je respecte ce parti, au sens où il est légal, je considère que ce sont des manipulateurs de cerveau. Avec eux dans l'hémicycle, je ne serai pas un bon godillot".  Bourgat ne veut pas du combat de trop. Il aspire à autre chose. Quand on pose la même question à propos de Jean-Claude Gaudin, il botte en touche : "De toute façon, il n'y a personne pour y aller à sa place. Teissier n'a pas le charisme pour gagner la ville. Gaudin est le seul qui a cette aura".

Bourgat doit au maire sa troisième vie. "Même si j'étais un militant politique avant qu'il vienne me chercher. J'ai intégré le RPR en 1986 jusqu'en 1989. J'ai arrêté quand j'ai rejoint la mission France de Médecins du monde". Son premier métier est celui de médecin de quartier, de militant de cette "science humaine" qui donne corps à son humanisme. Il parle avec emphase de la Belle de Mai, le quartier où il a passé 40 ans de sa vie professionnelle. Son évocation a un fond sépia : il y parle du bon peuple d'ouvriers qui bossaient à la Seita, ou dans les blanchisseries industrielles aujourd'hui disparues. On y était dur mais droit. Les beaux voyous "de Zampa, du Belge" crêchaient tous dans le quartier ne se seraient jamais permis de "tirer à 360° comme ils l'ont fait à l'opéra". Il parle avec délice du "mythe de la voisine" que ses patients consultent sur tout avant de parler au docteur.

Sa nostalgie est teintée d'amertume : ce Marseille populaire a disparu en même temps qu'une lente désagrégation a affecté la ville. "Je la date de 7 ou 8 ans en même temps que montait un certain communautarisme. Les gens se sont repliés sur eux-mêmes. Quand j'ai pris ma retraite, j'étais content de partir. J'avais peur de devenir amer". Ce regard qu'il veut lucide a aussi à voir avec son ancrage politique. Si la Belle de Mai s'est tant paupérisée, cela tient pour lui "à la disparition du petit commerce, étranglé par les charges". Il entonne volontiers un couplet libéral. "C'est mon socle. Je suis de droite. Je me méfie de l'Etat. En un sens, je suis presque anarchiste".

Nicolas, toujours là

On ne le voit pourtant pas cocktail molotov en main, même dans sa jeunesse. à Paris, il a grandi à Menton avec un père comptable et une mère inspectrice de l'éducation nationale. C'est dans ce giron qu'il cultive le gaullisme comme une valeur centrale. "Le seul différend avec mon père, c'est au moment de la guerre d'Algérie. J'étais pour l'indépendance et lui non". Il garde un souvenir attendri de grandes discussions à la table familiale. Comme souvent chez Bourgat, la tendresse est fêlée. Son père est parti trop tôt. La perte et la douleur en continu. Car on ne peut pas parler de Michel Bourgat sans parler de Nicolas. C'est d'ailleurs lui qui en parle, au bout de 5 minutes d'entretien. Le drame de sa vie est le tournant de sa deuxième vie. Le 9 septembre 1996, son fils Nicolas âgé de 15 ans, tombe, frappé d'un coup de couteau en plein coeur. Ce meurtre gratuit soulève à l'époque une vague d'émotion, aussitôt récupérée par le Front national. Le maire calme le jeu, au côté du père dont l'appel marque les esprits.

A l'époque, père de famille qui élève seul ses deux enfants, Michel Bourgat aurait pu s'effondrer, verser dans la haine, la vengeance. De cette peine, il a fait une énergie motrice. De cette perte, il a fait une obsession comme si elle devenait le tuteur de sa vie d'après. "Vous savez, à 15 ans, Nicolas avait déjà une vie très pleine au sens bouddhiste du terme. Il a fait son chemin. Nous étions très proches. Avant lui, je n'avais pas connu de grand drame dans ma vie mais j'avais épaulé pas mal de gens. Je me suis dit, c'est mon tour. J'ai beaucoup travaillé sur les mots : la haine, la vengeance. La haine c'est un truc qui mange celui qui la ressent. J'ai préféré le mépris. Si ça ne rend pas fier, cela aide".

Sysiphe heureux

Il s'est également emporté dans le "faire" : écrit beaucoup de livres avec l'image de son fils en emblème, multiplie les interventions sur les plateaux télé et dans les lycées, se spécialise en médecine du sport, passe des heures en moniteur dans les salles de boxe où il croisait les gants avec son fils. En 1998, il crée la Fédération pour l’aide et le soutien aux victimes de la violence et participe à la création du Service d'aide aux victimes, le Savu, expérimenté à Marseille dès 2002. Toutes ces actions font partie du bilan qu'il défend, lui qui se définit en "Sisyphe heureux". Depuis, beaucoup de ces projets ont aussi été abandonnés faute de crédits : le Savu est moribond, le service de prévention de nuit n'existe plus et l'unité de police urbaine (UPU) qui oeuvrait tant dans la prévention des actes délinquants est cantonnée a des tâches annexes et sans moyens.

Tout ceci l'affecte. Son bilan s'effrite avec les budgets dédiés. En 2008, il a pris à bras-le-corps sa nouvelle délégation à l'exclusion. "Avec parfois un malaise perceptible quand il devait défendre la politique municipale face aux associations. C'est un homme aux propos arrondis avec un côté très humaniste", note Jean-Paul Kopp, président de Rencontres tsiganes. Comme le docteur Padovani avec ses salles de shoot, il a porté des projets parfois contre le courant. Les deux gaullistes tendance social ont parfois du mal à défendre leur thématique d'ombre dans une équipe municipale qui vante "Marseille on the move". En 2009, Bourgat soutenait le projet de plateforme d'accueil des Roms dans une ancienne caserne de gendarmes à la Guillermy dans le 14e arrondissement. La préfecture a dû plier face à la colère des riverains ardemment appuyés par les politiques locaux. Et Bourgat a essuyé les sifflets des CIQ.

Sur son bureau, il annote encore le prochain rapport sur la nouvelle unité d'hébergement d'urgence. "Je ne suivrai pas sa construction mais je l'aurai porté jusqu'au bout", sourit-il satisfait de ce dossier bouclé. Une fois cette page tournée, et quelques mois de vacances bien mérités avec les alpages sous les yeux, il reprendra sans doute du collier, en "bénévole" dans une association marseillaise. Peut-être au côté des Roms, qui sait.

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Commentaires

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  1. Marie Josette Marie Josette

    Un honnête homme comme on disait dans le temps ! Trop rare hélas. Bonne quatrième vie cher monsieur !

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  2. Anonyme Anonyme

    Ce sont des bons mecs honnêtes et droits comme ça qui s’en vont et la lie qui reste à la mairie avec les opportunistes qu’ils citent et dont tout le monde connaît la médiocrité…

    Désespérant

    Bourgat devrait parrainer un nouveau courant loin des opportunistes d’EELV , de la mairie actuelle ou du PS

    Ceux qui veulent servir la république et non pas s’en servir

    Et qui seront sans doute même prêts à se prostituer avec le FN pour ça

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  3. Jean Valjean Jean Valjean

    Bon article, qui fait respecter l’homme, en en montrant l’épaisseur et la complexité.

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  4. Raphaël Raphaël

    j’ai eu l’occasion d’échanger recement avec lui. effectivement, c’est un grnad humaniste qui dénote dans le casting de la majorité sortante

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  5. Electeur du 8e Electeur du 8e

    Respect !

    Mais si les projets qui visent à créer du lien et à faire de la prévention sont abandonnés “faute de moyens”, il ne faut peut-être pas s’étonner que Marseille se “désagrège”. Evidemment, c’est moins médiatique de faire de la prévention dans l’ombre que de pratiquer l’art du mouvement de menton pour annoncer des effectifs policiers supplémentaires.

    Tant que la politique sera d’abord de la communication avant d’être un projet, on loupera l’essentiel. Plus de quinze ans après l’appel à devenir “un peu plus sains et un peu plus intelligents” lancé par M. Bourgat après la mort de son fils, le constat est rude : le FN continue de prospérer en désignant des boucs émissaires et en dressant les uns contre les autres.

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  6. Anonyme Anonyme

    Beau portrait d’un vrai représentant de la droite démocratique (minoritaire au sein de la droite, hélas !)

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  7. ALAIN PERSIA ALAIN PERSIA

    Je ne partage pas l’avis de M.BOURGAT sur la gestion GAUDIN mais par contre je le félicite de dire tout haut ce que tous les militants UMP du 13/14 et les électeurs de Droite pensent de PREZIOSI qui s’est ridiculisée lors de la dernière législative en ne franchissant pas le premier tour et MIRON le parachuté du 6/8 qui , es qualité adjoint aux sports , a fermé la quasi totalité des piscines des quartiers populaires.
    Bonne retraite à M.BOURGAT , homme de dialogue et d’une exquise politesse même avec ceux qui comme moi, combattent GAUDIN et ses sbires.

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  8. Philippe Philippe

    Respect : un mec bien de moins dans l’autre camp, qui penchera donc toujours plus dangeresuement vers la rupture, hélas..

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  9. Avé Avé

    Il y a comme un paradoxe dans notre vie démocratique, et je reprends là les arguments du second commentaire qui a été laissé: les meilleurs s’en vont et restent les médiocres et les opportunistes. Le paradoxe est qu’au fond nous n’élisons pas les personnes les plus représentatives. Par sa simplicité, par son absence d’arrières-pensées politiques ou égoïstes, par sa sincère consécration à sa tâche d’adjoint, Mr Bourgat me semble beaucoup plus représentatif et respecté qu’un petit soldat de la politique indemnisé à marchander des voix et communiquer à outrance.
    C’est un constat certes simpliste mais c’est aussi une vérité qui interroge, notre système électoral ne conduit pas à l’élévation de ce qui se dédieraient véritablement à notre représentation. Imaginez une liste société civile, avec des personnalités de divers horizons comme essaient de la monter Jacques Boulesteix et Jean Viard. Cette liste, aussi représentative serait-elle de la diversité et de la vitalité de la ville, ne fera pas plus de 5 ou 6% …

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  10. Ava Ava

    C est un tres beau et tres juste portrait. Il y a tres peu de gens comme lui empreints de l envie de faire. Mais dans la conversation il se lache davantage sur le bilan gaudin et certains de ses petits camarades requins de l ump locale. En tout cas bravo pour cet article tres riche

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  11. Jml13 Jml13

    Merci pour ce beau portrait. Ce serait bien que marsactu nous parle des gens bien en politique avant qu’ils ne démissionnent. Ce n’est pas assez “vendeur” ? J’ai toujours été en colère contre ceux qui disent que les hommes et femmes politiques sont tous pourris, il faudrait plus de tels articles, on pourrait même espérer qu’ils aideraient les électeurs dans leur vote…

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  12. Marseil Marseil

    Bravo M. Bourgat. Je vous avais découvert lors du drame de la mort de votre fils, et vous ai toujours voué une grande admiration. J’ai été (et suis toujours) admiratif de votre réaction à ce drame qui a été un engagement en politique pour agir contre toutes les violences.
    Je ne peux que comprendre votre dégout actuel, et votre inquiétude devant la montée de l’extrémisme. Merci Monsieur.

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  13. Simon L Simon L

    Je ne vais pas en rajouter, tout est dit, surtout si on lit entre les lignes. Bourgat est un homme bien, qui ne dit même pas du mal de ces amis … et pourtant, il y aurait à dire.
    Bourgat est un idéaliste dans un monde de brutes, médecin, la politique n’a jamais été pour lui un job, une carrière ou une source de revenu … suivez mon regard. Tous ces gens à Marseille qui ont fait de la politique leur fond de commerce et leur business, ne travaillent pas pour la collectivité mais pour eux-même, leurs amis, leurs parents. Le pire exemple est Guérini …
    Bourgat est bien indulgent avec Andrieux, ces personnes incompétentes et promptes à s’enrichir, ont fait beaucoup de mal à Marseille.
    Encore une fois, les meilleurs s’en vont, lassés, et les requins ne lâchent rien.
    Pourquoi ? Comment cela se peut-il ?
    Celui qui trouve la réponse a gagné !

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  14. Vincent NOLAS Vincent NOLAS

    Merci, donnez-nous encore d’autres des signes d’espérance comme celui-là !. Mais aidez aussi ces hommes et femmes droits à persévérer dans la politique? Faites plus souvent leurs portraits non partisans… il y a certainement des hommes et des femmes de tous les bords qui peuvent nous rendre espoir en la politique. N’attendez pas que la “caisse en pin” soit au milieu de l’église politique pour dire du bien d’eux ! Merci Mr Bourgat et continuez dans l’associatif (si les politiques ne les étouffent pas trop !)

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