Menpenti, école modèle façon Macron
Le chef de l'État est venu visiter un des 59 établissements marseillais engagés dans le plan "école du futur". Un dispositif que le président de la République veut voir généralisé à Marseille et sur tout le territoire dès l'automne.
Emmanuel Macron et le ministre de l'Éducation nationale, Pap NDiaye en visite à l'école Menpenti, le jeudi 2 juin 2022. (Photo C.By.)
Ravi, heureux, béat. Les adjectifs ne manquent pas pour qualifier le sourire qu’offre, ce jeudi 2 juin, le chef de l’État à ses interlocuteurs dans la cour de l’école maternelle Menpenti (10e). Emmanuel Macron est en visite pour prendre le pouls de l’expérimentation “école du futur” dont il avait annoncé la création, en septembre dernier, dans le cadre du plan “Marseille en grand”. Alors, c’est accompagné de son tout nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la Jeunesse, Pap NDiaye, que le président de la République est revenu à Marseille, fouler le sol moelleux – rouge, vert et bleu – de la cour de récré d’une école marseillaise.
Pas n’importe laquelle. Dans l’établissement, l’équipe enseignante que l’on sent investie et pleine d’allant a postulé très vite pour générer son propre projet : la création d’un “labo de mathématiques”. Il a ouvert dès février dernier dans une salle informatique devenue obsolète, au sein de l’école maternelle. Son jumeau, dans les locaux de la primaire, devrait suivre bientôt. Le lieu – dans lequel Marsactu n’a pas pu entrer pour cause d’exiguïté – a été visité par le président et quelques médias. Rideaux vert pomme, table en bois blond, sol sur lequel on peut s’asseoir, il est pensé pour sortir les maths du carcan traditionnel. Une enseignante détaille : “C’est un endroit où les enfants adorent aller. On manipule, on tâtonne, on cherche, on se trompe. Cela permet de changer le regard sur l’erreur et de renforcer la cohésion du groupe classe”.
“La page blanche, alors ça c’était magique! Parce que d’habitude, on a une note de service qui dit: il faut faire ça, ça et ça.”
Une inspectrice
Alors, oui, le chef d’État est ravi. Parce que Menpenti fait figure d’école modèle. Les institutrices voulaient, expliquent-elles au président, remédier à des résultats en maths un peu en berne aux évaluations nationales. Chacune dans son coin expérimentait déjà des innovations, des manières d’apprendre “en dehors des manuels”, pose l’une d’elle. Le projet de labo résonne comme la suite logique de leur investissement personnel. Entre les murs de cette cour, qu’habitent quatre beaux platanes les professeures font rimer l’initiative avec “autonomie”, “souplesse” et “liberté”. Une inspectrice de l’Éducation nationale enfonce le clou : “La page blanche, alors ça c’était magique ! Parce que d’habitude, on a une note de service qui dit : il faut faire ça, ça et ça.”
Révolution culturelle
Ancien préfet chargé par l’Elysée de piloter ce projet pédagogique, Christian Abrard opine. Il voit dans cette “école du futur” une “révolution culturelle” qui “part du bas” dans une institution d’ordinaire pyramidale dans sa prise de décision. Emmanuel Macron, lui, boit du petit lait tant l’expérimentation semble cocher ici toutes les cases des ambitions affichées en septembre. Il le répète quelques minutes plus tard à l’heure de la conclusion de sa visite : “L’école de la République a le droit d’inventer, d’avoir de la souplesse, d’être libre.” Raison pour laquelle, le président annonce vouloir “généraliser cette méthode” à Marseille, mais aussi sur tout le reste du territoire à compter de l’automne prochain.
Sous une vaste voile grise tendue entre les quatre arbres, le satisfecit gagne aussi les quelques parents d’élèves présents. Pap NDiaye, étrenne son costume ministériel, et s’enquiert de leur point de vue. “Les premiers retours sont plutôt bons”, résume une maman. “Mais le plus important, dit-elle encore, c’est de travailler ensemble, de se coordonner pour que le projet puisse aller au bout.” Un papa embraye. “Les enfants sont curieux, donc ça leur plaît beaucoup. Le seul point négatif, c’est qu’ils aimeraient y aller plus. Une fois tous les 15 jours ce n’est pas assez”, pondère-t-il.
Des moyens humains et financiers
Les premières doléances se font jour. Mezzo voce. Comme ce parent d’élève, Marie-Laure Mercun, la directrice de la maternelle demande des moyens humains et financiers pour que le labo de maths puisse tourner à plein régime. Les enfants ont pris leurs marques et les enseignantes ont eu droit à de premières formations. “Mais nous voulons aller plus loin, il nous faut du temps de formation pérenne. Et peut-être une personne en plus avec nous”, glisse-t-elle directement au président, assis à côté d’elle. “Parce qu’en classe entière, à 28, on ne peut pas expérimenter. Alors, on bricole un peu.”
Du temps, de la formation, des aménagements çà et là dans l’école pour faire en sorte que les maths débordent du cadre habituel… autant dire de l’argent. Christian Abrard promet que les crédits – une enveloppe de 2,5 millions d’euros – viendront au cas par cas répondre aux desiderata des 59 écoles engagées. Dans 35 d’entre elles, précise le responsable pédagogique du projet, des fiches de postes ont été ouvertes pour recruter des enseignants intéressés. Mais de nouveau, le pilote de “l’école du futur” récuse l’idée d’un recrutement des instituteurs par les directeurs d’écoles, comme le chef de l’État l’avait avancé en septembre dernier.
“Mode de recrutement opaque”
Ce que vient confirmer Marie-Laure Mercun, de la maternelle de Menpenti : “Les postes à exigences particulières, cela existe depuis des lustres ! Le directeur et un enseignant de l’école ont leur mot à dire pour la création d’un tel poste. Ce mode de recrutement est une plus-value, il faut que les enseignants qui nous rejoignent manifestent leur intérêt au projet et un investissement personnel. Cela peut ne pas plaire à tout le monde.” À l’extérieur de l’école, en effet, quelques manifestants et plusieurs représentants syndicaux (FSU, SNuipp, SNES, CGT, FO) réclament l’abandon de l’expérimentation pour cause de “mode de recrutement opaque”.
Ce qui hérisse les syndicats, depuis l’annonce de ce plan, c’est aussi le risque d’une école à deux vitesses. L’école Menpenti est certes une école d’un quartier populaire. Mais elle est loin de figurer dans les listings des établissements classés en REP ou REP +, ce réseau d’éducation prioritaire auquel “l’école du futur” devait en premier lieu s’adresser. “On n’est pas passés à côté du projet pour autant, assure Chritian Abrard, pour qui “une école classée en REP à Marseille serait REP + et une école comme celle-ci, serait classée REP dans une autre ville.”
Étendre l’expérimentation, jusqu’où ?
Comme le chef de l’État, Pap NDiaye souligne “l’importance de l’expérimentation marseillaise pour l’Éducation nationale” : “Nous regardons avec attention tout ce qui se fait ici et nous prolongerons évidemment cette attention.” Christian Abrard promet donc que l’expérience des “écoles Macron” va être amenée à s’étendre à toute la ville. Un objectif chiffré ? “Il y a 480 écoles à Marseille”, répond-il. Voilà qui convient au maire de la ville, Benoît Payan qui, accompagné de Pierre-Marie Ganozzi, adjoint en charge du plan écoles, Marie Batoux, adjointe à l’éducation populaire et Pierre Huguet, adjoint à l’éducation, était de la visite présidentielle.
Le maire prend soin de rappeler qu’il n’est “pas un partisan d’Emmanuel Macron” : “On ne se doit rien, on ne s’est pas fait de promesses, mais on a un intérêt commun pour les écoles de cette ville.” Mais pas question, néanmoins, de voir se creuser un écart entre “les établissements qui ont les moyens de développer des projets propres et les autres”. “Il y a une ligne rouge : c’est l’égalité républicaine”, pique Benoît Payan, rappelant son opposition au recrutement par les directeurs d’école. “Mon but, conclut le maire au terme de la venue d’Emmanuel Macron, c’est que tous les petits dans toutes les écoles de Marseille bénéficient de suffisamment de moyens pour faire ce qui se fait ici.” Le président et le ministre l’ont promis, ils reviendront dans les prochaines semaines. Le feuilleton “Marseille en grand” continue…
Commentaires
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Réaction des syndicats , dont FO , qui évoquent un “recrutement opaque”.
Dire cela à Marseille de la part de ce syndicat , comme dirait l’autre :”Faut oser !”.
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Il y a aussi beaucoup d’écoles à Marseille et ailleurs qui expérimentent le non remplacement d’enseignants absents!!!!
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Des caméras, un ministre, un président, un délégué machin, une inspectrice truc… tout ce beau monde pour… une salle où des enfants vont, une fois tous les 15 jours, “manipuler” pour mieux comprendre les mathématiques…
Chose qui se fait par ailleurs déjà, sans salle dédiée, avec les moyens du bord… les enseignants s’adaptent depuis des années pour faire avancer les élèves et éviter qu’ils s’ennuient.
Chose qui ne concerne que les maths et une heure tous les 15 jours.
Pour le reste, tout le reste, ils sont 28 par classe, et font avec les faibles moyens du bord…
Une opération vitrine, l’arbuste qui cache la forêt dévastée…
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Je trouve étonnant qu’on puisse vanter la réussite du projet, alors que dans les faits, ce dernier n’a pas encore commencé, les enseignants recrutés seront en exercice l’an prochain. Opération de communication.
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MarsKaa , je suis plus que surpris par votre réflexion :” les enseignants s’adaptent depuis des années pour faire avancer les élèves et éviter qu’ils s’ennuient”.
Ils ne sont pas là pour s’amuser ou pour s’ennuyer , ils sont là pour apprendre.
L’école n’est pas une garderie , c’est un lieu d’éducation comme écrit sur le fronton de nos communales.
Si effectivement ils s’ennuient durant leur scolarité , il faudrait que les enseignants (certains) se posent aussi les bonnes questions sur la façon de travailler et les résultats obtenus à l’entrée au collège avec les problèmes de difficultés à l’écrit comme à l’oral.
Les enfants sont intelligents , ceux d’hier comme ceux d’aujourd’hui qui sont encore plus éveillés . Alors regardons aussi les problèmes en face et que nos revendicateurs professionnels s’interrogent pourquoi le privé est plus efficace que le public, alors qu’auparavant cela était l’inverse, et largement.
La différence actuelle c’est qu’ils ne s’ennuient pas , ils travaillent.
Et pour aller plus loin , je suis issu de la “meritocratie républicaine”, terme pompeux et désuet , c’est comme cela mais cela existe, mais j’aurais aujourd’hui mes enfants à scolariser , dans leur intérêt et égoistement , je l’avoue: le privé.
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Communication pour les législatives…!
J’y passais dans la rue près de l’école, c’est fou y a plus de bleus (les cognes, gendarmes et autres flics…) que d’instits.
Expérimentations, pourvu que ça tienne.
Les directeurs pourront embaucher les instits et cela fera de bons petits élèves…
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